Au cours des derniers mois, le Canadien a acquis six anciens gagnants de la Coupe Stanley : Joel Edmundson, Jake Allen, Tyler Toffoli, Michael Frolik, Corey Perry et Eric Staal. Ils ont tous vécu un rêve d’enfance en soulevant le gros trophée, mais aucun n’a vécu l’intensité du moment comme Toffoli. C’est que les Kings de 2014 ont remporté la Coupe Stanley sur un but marqué en prolongation, but que Toffoli a préparé. Il raconte.

Ça a beau faire sept ans, Tyler Toffoli se souvient de tout. On lui demande de raconter la séquence menant au but d’Alec Martinez, en deuxième prolongation du cinquième match de la finale de 2014 entre les Kings et les Rangers, et il n’omet aucun détail.

« On revient dans notre zone. Ils ont la rondelle et tentent une passe dans l’enclave. Greene fait un bon jeu pour l’intercepter. Martinez part, il fait la passe à Clifford. Lewis file vers le banc. On a un trois contre deux. Clifford me fait la passe. Je tire. Martinez est seul et prend le retour. »

Regardez la séquence : c’est à se demander si Toffoli ne la consulte pas en nous parlant ! Matt Greene (2) réussit en effet le premier jeu. Alec Martinez (27) amorce la sortie de zone. Trevor Lewis (22) part vers le banc. Martinez remet la rondelle à Kyle Clifford (13). Le descripteur Mike « Doc » Emrick constate alors que c’est un trois contre deux.

Clifford passe la rondelle à Toffoli (73), qui tire, et Martinez bondit sur le retour. Les gants et les bâtons volent. Le toit du STAPLES Center explose. Les Kings sont champions.

PHOTO HARRY HOW, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Tyler Toffoli et Drew Doughty se sautent dans les bras après le but victorieux d’Alec Martinez.

Regardez la séquence

Un détail. Le tir de Toffoli provoque un retour parfait pour Martinez. Était-ce calculé ?

« Je sais qu’en le regardant, on dirait que je tire pour générer un retour, mais j’essaie réellement de marquer, confie Toffoli au bout du fil. Je vise le côté rapproché, en me servant du défenseur [John Moore, 17] comme écran. Mais la rondelle dévie sur son bâton, Lundqvist fait l’arrêt et donne un retour du bon côté.

« Au moment où je tire, Zuccarello [36] me frappe. Je vois la rondelle partir. Je ne sais pas exactement où Martinez est placé. Je glisse du cercle des mises en jeu jusqu’à la bande, et c’est comme ça que je vois la rondelle rentrer. Ensuite, c’est flou. »

Au fait, a-t-il une mémoire phénoménale pour se souvenir de tous ces détails, ou a-t-il vu et revu la séquence en reprise ?

« Un peu des deux. Mes souvenirs sont un peu flous, il se passait tellement de choses, il y avait tellement de monde. Mais une fois que ça s’est calmé, j’ai regardé quelques vidéos. L’équipe a aussi préparé un montage de notre parcours, et ce but était là, évidemment. »

PHOTO NOEL VASQUEZ, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Tyler Toffoli soulevant la Coupe Stanley

Toffoli a vécu un moment magique, le genre de moment auquel tous les jeunes qui jouent dans la rue, au parc ou dans l’entrée de garage rêvent quand ils sont petits. C’était la 17fois de l’histoire de la LNH que la Coupe Stanley se gagnait en prolongation, un exploit qui n’a pas été reproduit depuis Martinez et les Kings.

C’est fou. Ça me fait rire de le raconter, parce que je pense aux souvenirs, à tout le plaisir qu’on a eu, mais aussi à quel point ça a été dur de se rendre là.

Tyler Toffoli

Retranché au camp

Ça a été dur autant pour l’équipe que pour Toffoli lui-même.

Commençons par le joueur. Choix de deuxième tour en 2010, Toffoli fait ses premiers pas chez les Kings lors de la saison écourtée de 2013. Il fait bonne impression pendant ses 10 matchs en saison et dispute ensuite 12 des 18 rencontres lors des séries de 2013. Il obtient six points et ressemble de plus en plus à un joueur de la LNH. Mais au camp d’entraînement, l’automne suivant, il est cédé à Manchester, dans la Ligue américaine.

« J’étais arrivé au camp en tenant ma place pour acquise puis je n’ai pas connu mon meilleur camp, admet-il. Quand je me suis retrouvé à Manchester, j’ai saisi le message ! Je me suis replacé et j’ai fini par être rappelé pour le reste de la saison. »

Toffoli a finalement disputé 62 matchs avec les Kings cette saison-là, amassant 12 buts et 17 passes pour 29 points. Sa passe sur le but décrit ci-dessus était son 14point des séries, en 26 matchs.

Trois séries en sept !

Collectivement, les Kings ont trimé dur ce printemps-là. Rappelons d’abord qu’ils avaient six représentants aux Jeux de Sotchi en février, avec les déplacements que ça impliquait : Jeff Carter, Drew Doughty, Dustin Brown, Jonathan Quick, Slava Voynov et Anze Kopitar.

Et, comme si ces joueurs n’avaient pas assez de matchs derrière la cravate, les trois premières séries des Kings se sont décidées… en sept ! C’était la première fois de l’histoire qu’une équipe atteignait la finale après avoir disputé 21 matchs pour s’y rendre.

Là aussi, sa mémoire est impressionnante. Toffoli se souvient du pointage de plusieurs de ces matchs, notamment les deux premiers de la série de premier tour contre les Sharks. « Ils nous avaient massacré 6-3 et 7-2 », récite-t-il avec justesse. En fait, les Kings étaient revenus d’un retard de 0-3 dans cette série.

Après avoir battu les Ducks en sept matchs, Los Angeles avait rendez-vous avec les Blackhawks, champions en titre de la Coupe Stanley. « Personne ne croyait qu’on allait gagner », assure-t-il. Les Kings ont finalement gagné cette finale de l’Ouest en sept matchs, en prolongation, là aussi sur un but de Martinez !

Honnêtement, on avait tellement confiance en finale. On sentait qu’on avait tout vécu pour s’y rendre, c’était impossible que l’on perde.

Tyler Toffoli

Les Kings ont pris l’avance 3-0 en finale, puis les Rangers ont remporté le quatrième match pour rester en vie. « Pendant le vol de retour vers Los Angeles, les vétérans regardaient tout le monde et disaient : il ne faut pas leur redonner de la vie, il faut finir ça à la maison et éviter de retourner à New York. »

PHOTO KEVORK DJANSEZIAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le défilé de la Coupe Stanley dans les rues de Los Angeles le 16 juin 2014. De gauche à droite : Tanner Pearson, Tyler Toffoli, Martin Jones, Jeff Schultz et Dwight King

Toffoli a vécu cette folle épopée à 22 ans. Mais cette finale de 2014 est, encore aujourd’hui, la dernière fois qu’il était en uniforme pour remporter une série. Les Kings n’en ont plus gagné depuis. Toffoli a terminé la dernière saison avec les Canucks, mais s’est blessé dès le premier match du tour de qualification. Il est revenu trois semaines plus tard dans la série de deuxième tour, que Vancouver a perdue contre Vegas.

Tu ne réalises pas la difficulté de gagner tant que tu ne l’as pas vécu. Et tu le constates ensuite en attendant ta prochaine occasion.

Tyler Toffoli

Ce printemps, Toffoli tentera d’abord d’aider le Canadien à remporter une série, un objectif ambitieux quand on connaît le manque de constance de cette équipe depuis les 10 premiers matchs de la saison. L’ailier croit néanmoins avoir le vécu pour aider sa nouvelle équipe.

« J’ai une expérience des hauts et des bas, je connais l’importance de rester positif, surtout en séries, quand il se passe tellement de choses à l’intérieur même d’un match. Marc Bergevin a été chercher plusieurs joueurs qui ont vécu les mêmes expériences que moi, donc ça facilite le travail. »