Y a-t-il une leçon à tirer de toute chose ?

Passer en quelques heures d’une victoire sans pitié de 5-1 à Vancouver à une défaite monotone de 2-1 pourrait, en d’autres circonstances, soulever des dizaines de questions. Par exemple : le fait que seulement 18 tirs du Canadien aient atteint le filet des Flames devrait-il devenir le prétexte d’une vaste séance d’autoflagellation ? Il s’agit, après tout, du plus faible total de lancers pour le Tricolore dans un match depuis février 2017.

> Relisez notre couverture en direct
> Le sommaire de la rencontre

L’entraîneur-chef Dominique Ducharme est de ceux qui croient qu’« il faut toujours retenir quelque chose » d’une rencontre. Précisant sa pensée, il a promis que son équipe allait « mieux réagir » la prochaine fois qu’elle aurait à composer avec un calendrier qui l’oblige à disputer deux matchs en deux soirs sur la route, dans deux villes et dans deux fuseaux horaires différents.

Mais l’importance de la leçon peut être relativisée. Car cette situation ne se reproduira plus, à tout le moins pas cette saison, et ce, malgré le calendrier ingrat que l’on connaît.

Et même si les joueurs ont catégoriquement refusé d’invoquer la fatigue, elle ne peut être écartée de la conversation. Comme la rencontre de la veille s’était amorcée à 20 h à Vancouver et celle de jeudi à 19 h à Calgary, il ne s’est écoulé, pour les joueurs du CH, que 22 heures entre les deux mises au jeu inaugurales. Et ils étaient arrivés en Alberta au milieu de la nuit. Leurs opposants, eux, n’avaient pas joué depuis dimanche.

« Tout le monde passe par là », a observé le gardien Jake Allen. « Tu ne peux pas juste blâmer le voyage », a abondé Jonathan Drouin, reconnaissant par contre que ses coéquipiers et lui avaient « manqué de jambes, de conviction », et ce, malgré une poussée tardive en troisième période, coupée net par une punition bête de Paul Byron.

Le manque d’énergie a amené le manque d’exécution.

Dominique Ducharme

On n’aurait pas mieux dit. Un changement raté a ouvert la porte au premier but des Flames, et une passe dite « suicide » de Shea Weber au deuxième. Aussi simple que ça.

Le Canadien, a noté Jake Allen, n’a jamais réussi à déployer son système de jeu, emprisonné qu’il était en zone neutre.

Les Flames viennent de nommer Darryl Sutter au poste d’entraîneur-chef, a rappelé Drouin. « On savait qu’il était fort pour installer un système défensif, on savait que ça allait arriver. Et on n’a pas bien joué », a-t-il dit, ajoutant qu’il fallait mettre ce match derrière soi et déjà penser au prochain, contre les mêmes Flames, samedi.

Une conclusion cliché, à n’en point douter. Mais on ne saurait en trouver de meilleure. Va pour la leçon apprise. Mais, une fois n’est pas coutume, stoppons ici l’analyse.

Nouveau duo

La rencontre de jeudi aura au moins donné lieu à une union réclamée à hauts cris par les partisans sur les réseaux sociaux : celle des défenseurs Alexander Romanov et Shea Weber. Le capitaine, rappelons-le, s’est retrouvé sans partenaire après que Ben Chiarot eut taquiné le pugilat avec J.T. Miller, mercredi.

L’arrivée du jeune homme de 21 ans à la gauche du vétéran était attendue de longue date. Et elle a fourni des résultats… corrects.

En première période, la nervosité de Romanov était palpable. Ça s’est placé par la suite, après que le Russe eut « simplifié » son jeu, ont souligné ses coéquipiers et son entraîneur.

Il a tous les outils du monde : quand il pourra les mettre ensemble en gardant son jeu simple, ce sera tout un joueur.

Jake Allen, au sujet d’Alexander Romanov

Il était évident que ce ne serait pas facile, a reconnu Drouin. « En jouant avec les meilleurs joueurs, tu joues aussi contre les meilleurs joueurs », a-t-il dit – à plus ou moins juste titre, puisque Romanov a surtout affronté les troisième et quatrième trios des Flames. Dans tous les cas, le « message » envoyé par Ducharme à son joueur recrue n’a pas changé par rapport à tous les matchs précédents : faire moins, faire mieux. Et ça l’a bien servi.

Au total, le duo Romanov-Weber a été réuni pendant 10 min 55 s, affichant un indice de possession de rondelle (Corsi) positif à 54 %. Il a été sur la glace pour un but de l’adversaire et pour celui du Canadien. Et les chances de marquer accordées et obtenues ont été égales (4-4) sous leur gouverne.

Ce n’est franchement pas si mal, surtout pour un soir où tous les joueurs en blanc semblaient se chercher. Et avec les pronostics qui ne sont pas encourageants dans le cas de Chiarot, la nouvelle paire aura vraisemblablement du temps pour laisser mûrir sa complicité.

Ils ont dit

Depuis que Dominique Ducharme est arrivé, notre structure s’est immensément améliorée. [Mercredi], on a probablement joué notre meilleur match collectivement. [Contre les Flames], on s’est éparpillés, et eux sont sortis fort, ce qui ne nous a pas laissé le temps de déployer notre structure. On va se regrouper. Je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter.

Jake Allen

Ce n’était évident pour personne. L’énergie n’était pas à son meilleur. C’est difficile de juger les joueurs individuellement : c’était la même chose d’un bout à l’autre de la formation. […] Je crois qu’on a surtout fait des erreurs mentales avec la rondelle dans des endroits clés, dans notre zone et en sortie de zone. Ça nous a coûté cher.

Dominique Ducharme

On a été patients, on a commis très peu d’erreurs. On a peut-être causé six ou sept revirements qu’on aurait pu éviter. Mais on affrontait une équipe qui ne donnait pas grand-chose et on a gagné. On en avait besoin.

Darryl Sutter, entraîneur-chef des Flames

Darryl [Sutter] a été clair : il sera très exigeant envers ses centres. Les matchs sont dictés par le centre. Il faut être bien positionnés en zone neutre, car on est le pilier à la ligne bleue, pour décider quel type de jeu on fait. Il accorde de l’importance aux centres et j’aime ça.

Derek Ryan

Il faut quatre bons trios pour gagner dans cette division, et trois duos de défenseurs. On en aura besoin, car on affrontera une bien meilleure équipe samedi que [jeudi] soir.

Darryl Sutter

Propos recueillis par Simon-Olivier Lorange et Guillaume Lefrançois, La Presse

En hausse

Victor Mete

Pas une grande performance, à l’image de son équipe, mais il a bien répondu à l’appel de son entraîneur après 8 matchs dans les gradins.

En baisse

Paul Byron

Il connaissait déjà une soirée pénible. Sa punition écopée dans les dernières minutes du match n’a pas aidé sa cause.

Le chiffre du match

5

Jake Allen s’est maintenant incliné à ses cinq derniers départs.

Dans le détail

Fracture à une main pour Ben Chiarot

Si c’était à refaire, Ben Chiarot déclinerait-il l’invitation à jeter les gants que lui a lancée J.T. Miller mercredi soir à Vancouver ? Le défenseur du Canadien s’est fracturé la main droite en se défoulant sur Miller et est rentré à Montréal jeudi afin d’y subir des examens supplémentaires. On en saura davantage au cours des prochains jours sur la gravité de sa blessure et, conséquemment, sur sa convalescence à venir. Comme il a maintenant quitté la « bulle » du Canadien en prenant un vol commercial, Chiarot devra rater au minimum trois rencontres puisqu’il devra observer une quarantaine de sept jours avant de réintégrer l’entourage de l’équipe. Ce qui est arrivé est « malheureux », a dit l’entraîneur-chef Dominique Ducharme avant la rencontre, « mais quand tu jettes les gants, c’est des choses qui peuvent arriver ».

Le bonheur des autres

Victor Mete attendait sa chance, la voici. C’est lui qui, à court terme du moins, est appelé à combler le vide laissé par Chiarot dans la formation. On ne confondra jamais les deux défenseurs, que 6 pouces et 50 livres (!) séparent, selon le site de la LNH. Mete en a d’ailleurs eu un rappel brutal, en première période, lorsque Milan Lucic l’a généreusement écrasé le long de la rampe. Du reste, le numéro 53 s’en est plutôt bien tiré dans les circonstances. Au début du deuxième tiers, il a fait preuve d’une impressionnante accélération pour foncer en territoire des Flames. Son tir faible dans le plastron de Jacob Markstrom n’a toutefois donné aucun mal au gardien. « C’était un peu dur en début de rencontre, mais j’ai pu retrouver mes jambes et ça s’est mieux passé par la suite », a indiqué Mete après le match. Ducharme, pour sa part, a insisté sur le fait que, malgré les différences entre Chiarot et Mete, la présence de l’un ou de l’autre « ne change pas la manière dont on veut jouer ».

Leivo, Leivo

Oubliez Johnny Gaudreau, Matthew Tkachuk ou Sean Monahan. La menace, jeudi, venait du quatrième trio des Flames. C’est cette unité, constituée de Sam Bennett, Derek Ryan et Josh Leivo, qui a produit les deux buts des locaux. Le trio de Phillip Danault a particulièrement peiné contre ces employés de soutien. Le prolifique Leivo, unique marqueur de son camp, a fait un Ringo Starr de lui-même en affirmant qu’il n’aurait « pas marqué ses buts sans [ses] compagnons de trio ». Il doit en effet une fière chandelle au joueur de centre Derek Ryan, qui n’a pourtant rien d’un dentellier avec la rondelle. C’est lui qui a fait presque tout le boulot sur le premier filet de la rencontre, et c’est encore lui qui a dérangé Jesperi Kotkaniemi après une passe horrifiante de Shea Weber pour permettre à Leivo de décocher un bon tir sur le but suivant. L’adage veut qu’une bonne soirée d’un quatrième trio donne une bonne soirée à son entraîneur. C’était donc un joli cadeau pour le premier match de Darryl Sutter derrière le banc de sa nouvelle équipe.