Le 3 janvier dernier, en ouverture du camp d’entraînement, Marc Bergevin s’était assuré de capter l’attention du monde du hockey en prononçant une phrase qu’il n’avait sans doute pas souvent utilisée depuis trois ou quatre ans.

Invité à commenter l’embauche de Corey Perry, il avait répondu, en anglais : « À notre équipe, ça envoie le message qu’on est sérieux. » Ce dernier bout de phrase, avant traduction : « We mean business. »

Le ton était donné, et si on se fie à son point de presse de lundi, Bergevin était sérieux… quand il disait qu’il était sérieux !

Cette fois, sa formule passe-partout était : « On s’attend à plus. » Il l’a d’abord dite au sujet de Tomas Tatar. Puis de Phillip Danault. Puis de Paul Byron. Puis de l’avantage numérique. Puis du désavantage numérique. Puis du chauffeur de la surfaceuse.

Bon, peut-être pas lui, mais vous voyez l’idée.

Lucide

Pourtant, le Canadien montre une fiche de 9-4-2 après 15 matchs. Ça lui vaut le 2e rang de la division Nord, le 9e rang au classement général (en pourcentage de points obtenus). Parmi les six défaites :

– trois ont été enregistrées par un but ;

– dans les deux défaites par deux buts, l’adversaire a marqué dans un filet désert en fin de match ;

– une seule a été enregistrée par un écart de trois buts.

La fiche du Tricolore est supérieure à celle de la saison dernière après 15 matchs (8-5-2), mais les attentes sont aussi plus élevées. Et les 9 victoires en 15 matchs ne peuvent pas cacher le fait que certaines performances individuelles n’ont pas été à la hauteur desdites attentes.

Les trois joueurs nommés précédemment (Tatar, Danault, Byron) font partie de ceux qui n’ont pas obtenu les résultats attendus, et Bergevin ne s’est pas défilé à leur sujet. Prenez cette réponse au sujet de Tatar, laissé de côté samedi.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Phillip Danault

« Je comprends que les buts sont importants, mais il y a des détails dans ton jeu qui te permettent de marquer, et quand ces détails ne sont pas là, c’est plus difficile, a exposé Bergevin. Je ne regarde pas seulement ses buts. Que peut-il faire d’autre quand il ne marque pas ? C’est cette partie qu’il doit améliorer. Maintenant, on a de la profondeur et c’est plus facile pour Claude [Julien] de prendre ces décisions. »

En revanche, ses nouveaux venus ont été couverts d’éloges. On aurait presque dit qu’il se servait d’eux pour envoyer des messages aux autres.

Josh Anderson, même quand il ne marque pas, « sa présence physique apporte beaucoup ». Joel Edmundson « amène de la stabilité ». Jake Allen, « un bon adjoint à Price ». Tyler Toffoli a eu droit aux plus beaux compliments. « Quand la rondelle part de son bâton, elle finit toujours à une meilleure place. »

Entre ses vétérans des dernières années et ses nouvelles acquisitions, il y a le groupe de jeunes, de Jesperi Kotkaniemi à Alexander Romanov en passant par Jake Evans, qu’il a protégé.

Les mains liées

En gros, Bergevin tape donc du pied avec ses vétérans, et laisse les jeunes en paix. Du moins, publiquement.

En analysant la situation, on comprend aussi Bergevin de s’y prendre de la sorte, car dans cette saison 2021 marquée par la pandémie, ses options sont très limitées. En un peu plus d’un mois depuis le début de la saison, il n’y a eu que trois transactions impliquant des joueurs établis dans la LNH des deux côtés.

« Tu as la quarantaine de 14 jours si tu vas chercher un joueur aux États-Unis, a rappelé Bergevin. Mais même avant la COVID-19, il y avait de moins en moins d’échanges pendant la saison. Ça va probablement aller à la date limite. Et même là, avec les restrictions, tu perds le joueur pendant 14 jours. »

Il y a la quarantaine d’un côté, et le plafond salarial de l’autre. Bergevin vient d’offrir gratuitement Paul Byron aux 30 autres équipes, qui ont toutes passé leur tour.

Bergevin a aussi dû composer avec un joueur, Victor Mete, qui a littéralement demandé d’être échangé. Deux semaines plus tard, Mete est toujours à Montréal et a même fait partie des meilleurs éléments de l’équipe samedi.

« Que ce soit à l’interne ou publiquement, jamais un agent ne va décider de la façon qu’on gère notre équipe, au grand jamais ! a lancé Bergevin. On a eu des discussions avant, on voulait le rentrer dans la formation et ça n’a aucun rapport avec l’agent. Victor est un jeune qui a encore du potentiel, qui patine bien. On a besoin de profondeur et son salaire est bon sous le plafond. »

On n’a pas l’intention d’échanger Victor [Mete] et on a été clair avec l’agent.

Marc Bergevin

Cole Caufield pourrait être une autre option en des temps plus normaux. Bergevin a dit croire que le petit ailier dispute actuellement sa dernière saison à l’université. Sa saison devrait prendre fin quelque part à la fin de mars. Mais ce ne sera pas simple de l’intégrer à l’équipe en fin de calendrier même si l’organisation le juge prêt.

« Ça va dépendre d’où on en sera par rapport au plafond. Il y aura aussi la quarantaine de 14 jours. Mais il joue vraiment bien », a résumé Bergevin.

Bref, que ses joueurs soient mécontents, sous-performants ou trop jeunes, Bergevin est pris avec eux. De toute façon, le directeur général a toujours conclu ses plus grosses transactions pendant la saison morte, et les paramètres de la présente campagne le poussent encore plus dans cette voie.

Il n’a pratiquement pas d’espace sous le plafond ; ses homologues sont tout aussi serrés, quand ce n’est pas carrément un plafond « budgétaire » à l’interne, nécessaire en cette période où les équipes génèrent très peu de revenus.

Dans les circonstances, il ne peut donc qu’espérer que ses vétérans se mettent en marche, et que ses jeunes poursuivent leur développement sans rencontrer trop d’écueils.