Quand Nate Thompson s’est entendu avec les Jets de Winnipeg, il est passé par l’étape obligatoire du choix de son numéro, avec Jason McMaster, préposé à l’équipement.

Il aurait bien aimé avoir le 44, qu’il a notamment porté à Montréal. Mais c’est déjà le numéro de Josh Morrissey, pilier de la défense de l’équipe.

Son deuxième choix ? Le 19. « Jason m’a répondu qu’on a un jeune qui arrive [David Gustafsson] et qui le porte déjà, parce que son père l’a porté toute sa vie. Je ne voulais pas le lui prendre. »

« J’ai donc demandé le 11. C’était mon numéro quand j’étais petit, je l’ai porté dans la Ligue américaine et avec les Islanders, a raconté Thompson, en entrevue avec La Presse depuis la Californie. Jason m’a tout de suite répondu : “Je ne l’ai pas donné depuis longtemps, mais si je dois le donner à quelqu’un, ce sera à toi.” »

Le numéro 11 n’a en effet jamais été porté à Winnipeg depuis que les Jets sont revenus au Manitoba en 2011. La raison : c’était le numéro réservé pour Rick Rypien en 2011-2012. Mais Rypien ne l’a jamais porté. Il s’est donné la mort quelques semaines avant le début de la saison, après des années à souffrir de dépression.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Rick Rypien (à gauche) aux prises avec Travis Moen en 2010. Ce fut la dernière saison de Rypien.

Ce n’est pas un hasard si Thompson a reçu la bénédiction de l’organisation pour le porter. C’est que l’ancien du Canadien revient de loin. Il est sobre depuis le 10 octobre 2016. Jusque-là, il souffrait de graves problèmes de consommation de drogue et d’alcool.

« Ici, le 11, c’est plus qu’un numéro. J’étais bouleversé, a admis Thompson. J’ai contacté quelques gars, dont Kevin Bieksa, qui était son meilleur ami. Il m’a dit que je devais le prendre. Il m’a dit : “Ça serait bien que tu l’honores. Avec ton histoire, tu pourrais le représenter d’une belle façon.”

« J’ai aussi parlé à Craig Heisinger, le DG adjoint. Il était d’accord. »

Ce numéro a une grande signification, pas juste pour moi, mais pour plusieurs personnes. Rick a touché plusieurs personnes, donc je voulais vraiment m’assurer de le faire correctement.

Nate Thompson

Heisinger n’était pas disponible pour une entrevue cette semaine. La semaine dernière, il avait toutefois déclaré au site internet des Jets : « Nate est la bonne personne pour porter ce numéro. Il a surmonté ses propres obstacles. Rick serait heureux qu’un vétéran porte son numéro. »

Thompson souhaite que sa décision sensibilise des personnes vulnérables.

« Ce qu’il a vécu, ce que j’ai vécu…, dit-il en gardant une certaine pudeur. J’espère pouvoir aider des gens qui ont des troubles de santé mentale, ou des problèmes de drogue et d’alcool comme moi. Si ce numéro peut aider des gens qui en ont besoin à demander de l’aide… »

Thompson ne s’arrêtera pas simplement au choix du numéro. Quand on lui a parlé, lundi, il venait d’enregistrer une balado pour Project 11, une fondation créée en l’honneur de Rypien pour sensibiliser les enfants aux problèmes de santé mentale.

Pas d’offre du Canadien

Le maillot des Jets sera le neuvième que Thompson enfilera dans la LNH.

Le vétéran de 36 ans a littéralement joué aux quatre coins de l’Amérique, de Montréal à Tampa en passant par deux des trois équipes de la Californie. Et le voilà à quelques jets de pierre d’Alert.

C’est notamment la proximité avec le Minnesota, où son fils demeure, qui a pesé dans la balance. « Ça a facilité la décision », a-t-il avoué.

J’affronte les Jets depuis des années et c’est une équipe que je n’aimais pas affronter, ce qui est un compliment.

Nate Thompson

Quand le Canadien l’a échangé aux Flyers, en février, plusieurs croyaient que ce n’était qu’un au revoir et que Thompson serait de retour à Montréal. Son ascendant sur les jeunes, notamment Nick Suzuki et Jake Evans, a été largement documenté. Il n’a peut-être joué que 88 matchs dans l’organisation, mais sa présence a été marquante.

Mais Thompson affirme n’avoir eu aucune discussion avec le CH.

« C’est une business, a-t-il rappelé. Je sais que Marc Bergevin a été très occupé et il a fait tout un travail. J’ai ADORÉ [il insiste sur le mot loved] mon séjour à Montréal. Les joueurs, les entraîneurs, la direction… Je n’ai rien de mal à dire. Si j’avais pu revenir, j’aurais sauté sur l’occasion ! »

Ironiquement, c’est le développement d’Evans, qui s’est tant inspiré de Thompson, qui a convaincu Bergevin qu’il n’avait pas besoin d’un centre de quatrième trio d’expérience. Mais Thompson assure n’entretenir aucune amertume.

« Jake est un très bon joueur. Dans sa façon de s’appliquer, tu vois qu’il jouera longtemps dans cette ligue. Et ça ne lui a pas pris de temps ! On le voyait en l’affrontant en séries, c’était un élément important de cette équipe. Ils auront un très bon centre pendant plusieurs années. »

Il importe ici de rappeler qu’Evans n’a joué que 7 min 48 s en moyenne par match en séries. Mais aux yeux de Thompson, l’affaire est entendue.

De son côté, le vétéran se réjouit de s’être entendu avec les Jets le 10 octobre, soit au deuxième jour de la période des joueurs autonomes. Plusieurs patineurs que l’on croyait bien établis sont en effet toujours sans contrat, victimes du gel du plafond salarial.

« Il y a cette pandémie mondiale, le plafond qui est fixe, des joueurs autonomes avec compensation qui ne reçoivent pas d’offre et qui deviennent autonomes sans compensation. Ça dilue encore plus le groupe de joueurs autonomes. Ça déboule sur les joueurs plus vieux, qui n’ont pas de contrat. C’est un effet domino.

« Je suis très content et soulagé que ce soit réglé. Plus vite tu règles ton contrat, mieux c’est ! »