Pour un type dont le travail est passablement compliqué, Rob Ramage avait plutôt bonne mine quand il s’est adressé aux médias, jeudi, en visioconférence.

Ses sympathiques salutations en français après chaque réponse ne doivent toutefois pas faire oublier qu’il a de lourdes responsabilités. En tant que directeur du développement des joueurs du Canadien, il doit en effet tenter de trouver des façons de garder motivés les nombreux espoirs de l’organisation. En particulier ceux qui sont actuellement en arrêt forcé en raison de la COVID-19.

« De nos jours, les joueurs ont des entraîneurs privés pour le patinage, les habiletés ou le travail en gymnase. Mais ils n’ont pas d’entraîneur pour leur montrer la compétitivité. C’est là que Francis [Bouillon, entraîneur au développement des joueurs] et moi intervenons », a expliqué Ramage.

« Nos jeunes doivent apprendre à compétitionner de façon régulière. Cet été, ils ont presque tous joué au golf, et c’est intéressant. Mais je leur demande toujours : “ Jouez-vous pour un enjeu ? Je ne parle pas de gros sous. Jouez pour un lait frappé, c’est correct d’en boire un ! Imposez-vous une pression pour réussir le coup roulé. Faites ce que vous pouvez. ” »

Des choix providentiels

Ces dernières années, le Tricolore s’est souvent tourné vers la Finlande, et sans qu’il l’ait prévu, cette orientation le sert en temps de pandémie.

Ça commence par Jesperi Kotkaniemi, 3e choix au total en 2018, qui joue cet automne à Pori, sa ville natale.

PHOTO TOMI VASTAMÄKI, TIRÉE DU SITE WEB DE L’ASSAT PORI

En attendant la reprise dans la LNH, Jesperi Kotkaniemi joue avec son ancienne équipe en Finlande, l’Assat Pori.

« C’est très important pour lui, précise Ramage. Il est à la maison, dans un environnement qu’il connaît. Il doit en profiter pour garder son élan de cet été. Les Européens qui peuvent jouer là-bas sont choyés. C’est bien mieux que de rester à la maison ou d’aller au gym. »

Kotkaniemi est un des quatre Finlandais parmi les espoirs du CH. Les autres sont Jesse Ylonen (né aux États-Unis), Joni Ikonen et Otto Leskinen (pas repêché). Les quatre ont donc une place en Liiga, la première division du hockey là-bas. Le pauvre Ikonen ne joue toutefois pas puisqu’il est à nouveau blessé.

Or, la pandémie est relativement bien contenue en Finlande. Selon les données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le pays compte 48,5 cas de COVID-19 par 100 000 habitants au cours des 14 derniers jours. C’est trois fois moins que le voisin suédois (159,2 cas par 100 000 habitants), qui a des taux comparables à ce qu’on observe au Québec (163 cas par 100 000 habitants au cours des 14 derniers jours). C’est surtout à des années-lumière de la Suisse (835 cas par 100 000 habitants).

On évoque la Suisse parce qu’il a été question d’y interrompre la saison dans les prochains jours, mais il a finalement été déterminé jusqu'au 1er décembre. Cette menace ne guette pas la Finlande à l’heure actuelle, donc les espoirs du CH pourront continuer à jouer.

Du reste, l’excitant Mattias Norlinder est un des privilégiés, puisqu’il joue en première division suédoise. Lukas Vejdemo s’est aussi trouvé du travail en Suède, mais en deuxième division.

Ramage n’exclut pas que d’autres espoirs soient embauchés en Europe. Il est toujours complexe d’y « placer » des joueurs nord-américains, car les ligues ont des quotas de joueurs étrangers. Si, par exemple, le hockey universitaire ne reprend pas aux États-Unis, il n’est pas garanti qu’il y aurait une place pour Cole Caufield, s’il souhaitait faire le saut chez les pros.

« Parfois, des joueurs étrangers ne terminent pas la saison, a rappelé Ramage. Ce n’est donc pas impossible de placer un de nos joueurs en Europe. »

Et les autres ?

En Amérique du Nord, ceux qui jouent doivent se résigner à descendre d’un niveau. Le défenseur Gianni Fairbrother, par exemple, devrait évoluer dans la Ligue junior de l’Ouest (WHL), mais comme le début de saison y est reporté, il patine dans la BCHL, une ligue inférieure à la WHL. « C’est très bon qu’il joue, car il se remet d’une opération à l’épaule », a précisé Ramage.

Sean Farrell, 124e choix au dernier repêchage, a quant à lui un poste avec Chicago, dans la USHL (circuit junior américain), plutôt qu’à Harvard.

Restent ceux qui ont la chance de participer à des tournois internationaux. Le prochain à l’horaire est à Coupe Karjala, tournoi à quatre pays. Seuls deux espoirs du CH y sont attendus : le Suédois Norlinder et le Tchèque Jan Myšák, un choix de 2e tour du Tricolore en 2020.

« C’est important pour Jan, c’est une bonne occasion pour lui de jouer contre des joueurs plus vieux », a souligné Ramage.

Alexander Romanov, lui, n’y prendra pas part, puisque la Russie se sert de ce tournoi comme préparation pour le Championnat du monde junior ; le défenseur sera trop vieux pour y participer.

Le Mondial junior sera d’ailleurs une autre occasion de jouer pour les espoirs les plus talentueux. Kaiden Guhle, le premier choix de Montréal au dernier repêchage, est invité au camp de sélection d’Équipe Canada, a-t-on appris jeudi. À moins d’un malheur, Caufield devrait avoir sa place avec les États-Unis, et Myšák avec les Tchèques.

C’est ensuite que ça se complique. Le hockey universitaire n’a pas repris aux États-Unis, et aucune date n’est coulée dans le béton.

Au Canada, la LHJMQ est la seule des trois grandes ligues juniors en activité, mais le CH n’y compte aucun espoir. En Ontario (où jouent Myšák et Jacob Leguerrier), on planifie un début de saison le 4 février.

La Ligue américaine vise aussi un départ au début février, ce qui signifie que des joueurs qui ont vu leur saison 2019-2020 prendre fin à la mi-mars passeront pratiquement un an sans jouer. En attendant, ces joueurs qui espéraient se développer avec le Rocket sont pris à la maison, avec des accès à la patinoire qui varient de région en région.

Ramage s’est fait demander s’il avait envisagé un scénario catastrophe où le CH regrouperait ses espoirs pour qu’ils s’entraînent ensemble.

« Pas en ce moment. Mais c’est un défi de faire un suivi de nos jeunes. Avec qui t’entraînes-tu ? On doit s’assurer que ce ne sont pas des matchs de ligue de bière. Si on arrive en janvier et février et qu’il n’y a pas de hockey, il faudra passer au plan C. »