Positif.

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En quelques heures, les 6 et 7 octobre, une vingtaine de joueurs et employés de l’Armada de Blainville-Boisbriand ont reçu un diagnostic positif de COVID-19. Malchance ? Imprudence ? Faille dans le protocole ? L’entraîneur-chef Bruce Richardson l’ignorait. Par contre, il a vite compris ce qui l’attendait.

Une crise.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ARMADA

Une vingtaine de joueurs et employés de l’Armada de Blainville-Boisbriand ont reçu un diagnostic positif de COVID-19.

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Déjà, avant l’éclosion, la direction de l’Armada était sur le qui-vive. L’organisation savait qu’elle était plus exposée au virus que les autres équipes de la LHJMQ. Elle est située en zone rouge. Son complexe d’entraînement est très fréquenté. Aussi, sept joueurs étudient en sciences de la nature — ce qui implique une présence au cégep pour les laboratoires.

En septembre, dès qu’un joueur présentait des symptômes, il s’isolait et passait un test. Même Bruce Richardson est resté à la maison trois jours. « Mon plus jeune avait le nez qui coule », me raconte-t-il. C’était une fausse alerte.

Le vendredi 2 octobre, lors d’un match à Sherbrooke, un employé de l’Armada a souffert de maux de ventre. Mais pas de toux. Ni de maux de gorge. Il est revenu à Boisbriand dans la voiture du descripteur de l’équipe, plutôt que dans l’autobus des joueurs. Au cas où. L’équipe apprendra plusieurs jours plus tard qu’il était porteur du virus.

Le dimanche 4 octobre, autre incident. Un joueur a mal dormi. Fièvre. Frissons. Symptômes classiques de la COVID-19. Il est resté à la maison. L’Armada et le Phœnix de Sherbrooke ont quand même décidé de disputer la rencontre.

Pourquoi ?

« Honnêtement, il n’a jamais été question qu’on ne joue pas parce qu’un joueur présentait des symptômes », répond Bruce Richardson.

Vérification faite auprès de la ligue, les deux équipes ont bien respecté le protocole. Pas de test positif, pas de match annulé, me confirme l’adjoint au commissaire, Martin Lavallée. « En toute transparence, si on avait [annulé un match] chaque fois qu’un joueur a présenté des symptômes, je ne sais pas si on aurait joué des parties. »

Vraiment ? C’est si fréquent ?

Oui, m’assure-t-il.

En octobre, on a rapporté plus de 700 évènements avec des symptômes. Un nez qui coule. Des maux de tête. De la fièvre. Lorsque ça arrive, on isole le joueur. Environ 200 joueurs ou membres du personnel ont été testés.

Martin Lavallée, adjoint au commissaire de la LHJMQ

C’est à la fois beaucoup — et peu.

Beaucoup, car il y a environ 450 joueurs dans la ligue. Peu, car on ne teste que les personnes avec des symptômes. Les asymptomatiques passent donc sous le radar.

Des parents de joueurs et des employés des équipes m’ont écrit, inquiets de cette procédure approuvée par la Santé publique. Ils souhaitent — avec raison — un resserrement des mesures sanitaires.

« C’est sûr qu’on aurait pu avoir des tests plus fréquemment. Ça aurait diminué l’éclosion », croit Bruce Richardson.

Martin Lavallée reconnaît que la ligue « est en réflexion » pour améliorer son programme de dépistage. « On a fait des propositions à la Santé publique. Elle va nous revenir. Notre préoccupation, c’est de ne pas devenir un vecteur de contagion important dans la population. »

La COVID-19 dans la LHJMQ

Armada de Blainville-Boisbriand : 22 cas

Phœnix de Sherbrooke : 8 cas

Voltigeurs de Drummondville : 7 cas

Officiels : 3 cas

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Columbo.

Comme l’inspecteur de police.

C’est le surnom de Bruce Richardson que sa mère lui a donné, enfant.

« Je suis bon là-dedans », me confie-t-il en riant. Après l’éclosion, l’entraîneur-chef de l’Armada a mené son enquête. Il a aussi collaboré à celle de la Santé publique. Il a rencontré tous ses joueurs par Zoom. « J’ai une relation de confiance avec les gars. J’ai été clair : je ne te chicanerai pas, mais dis-moi la vérité. »

Les joueurs ont-ils fait la fête ?

« Non. Zéro. Il n’y a eu aucun écart de conduite. Je n’aurais jamais toléré [un party]. Déjà, j’ai de la misère avec ça en temps normal. Imagine en pandémie. » Les joueurs affirment avoir passé tout leur temps à la maison, à l’école, à l’aréna ou sur un terrain de golf. Ce qu’ont confirmé leurs familles de pension.

Après trois semaines d’enquête, rien n’indique qu’il y a eu négligence. La Santé publique n’est même pas certaine que les joueurs de l’Armada et du Phœnix se soient transmis le virus pendant un match. « Ce sont peut-être deux éclosions différentes », dit Bruce Richardson.

N’empêche, l’éclosion a permis à l’Armada de réviser ses pratiques.

« Peut-être qu’on aurait dû fermer le gymnase [du centre d’entraînement] au public. Le garder pour nous autres. On a aussi changé notre gestion de la classe d’école. Nous avons maintenant une entrée distincte. J’attends les joueurs devant la porte. Je prends leur température. Je leur donne des lingettes pour qu’ils lavent leur bureau. On leur donne un nouveau masque de procédure. Tout le monde est à deux mètres de distance.

— Avant l’éclosion, ce n’était pas comme ça ?

— Non. Une fois assis à leur bureau, les jeunes enlevaient leur masque. À l’époque, c’était ça, la norme. »

Les éclosions ont aussi forcé la ligue à retravailler son protocole. Ces dernières semaines, le document est passé de 40 à 70 pages.

Est-il parfait ? « Non, répond Martin Lavallée. On essaie de créer un environnement contrôlé. Mais on sait que nos joueurs ont une vie à l’extérieur. Dans les familles de pension, les parents travaillent, les autres enfants vont à l’école. Ce n’est pas une bulle comme dans la Ligue nationale. »

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Depuis l’éclosion, Bruce Richardson a passé beaucoup de temps sur Zoom à rassurer les joueurs. Les parents. Les familles de pension. Il est heureux que personne n’ait été hospitalisé et que le virus ne se soit pas propagé à l’extérieur de l’équipe. Même pas dans les classes ou dans les familles de pension.

Parmi les joueurs contaminés, un seul est encore en quarantaine. Les autres ? Ils doivent se soumettre à un nouveau protocole de retour au jeu, élaboré par le médecin de l’Armada et la ligue.

Si les joueurs ont ressenti certains symptômes précis, ils doivent subir une échographie cardiaque ou un électrocardiogramme. Ce qui peut prendre du temps. Quatorze des vingt-quatre joueurs sont toujours en attente. Bruce Richardson croit qu’ils auront leurs résultats d’ici deux semaines. Entre-temps, ils ne peuvent pas reprendre l’entraînement.

Les dix autres joueurs sont prêts à jouer. Mais ils devront attendre leurs coéquipiers et la reprise des matchs. C’est pour quand ? Personne ne le sait. La LHJMQ travaille en partenariat avec le gouvernement du Québec et la Santé publique. Or, les mesures de confinement en zone rouge sont prolongées jusqu’au 23 novembre. Et tout autour, ça ne va pas super bien. Le New Hampshire a interdit le hockey après une éclosion monstre de 158 cas liés à ce sport. Le Vermont et le Massachusetts ont fait de même. En Ontario, la ligue junior repousse son début de saison de mois en mois.

« Es-tu découragé, Bruce ?

— Oui. Techniquement, le hockey, c’est ma vie. C’est mon gagne-pain. Mais je suis surtout découragé pour mes joueurs. Ils vivent en pension, loin de leur famille. Ils font des sacrifices. Leur seule raison d’être ici, c’est le hockey. C’est ça qui les accroche. Ils ne peuvent même pas retourner chez eux, car ils risqueraient de contaminer une autre région. […] C’est extrêmement lourd, tout ça. Mais on n’a pas le choix. C’est ça, la situation. »