Charles Hudon ne pouvait pas demander mieux pour ses débuts avec sa nouvelle équipe, le Lausanne HC. Une passe sur un but en avantage numérique, le but d’assurance dans un filet désert, une belle victoire de 3-0 contre Zoug, puissance du championnat suisse qui avait remporté ses quatre premiers matchs de la saison.

On note au passage qu’il porte dorénavant le numéro 55, plutôt que le 54 qu’il portait avec le Canadien. Pourquoi donc ?

« Je portais le 55 à Baie-Comeau, a-t-il rappelé en entrevue avec La Presse, samedi. J’ai porté le 10 pas mal toute ma carrière avant ça, mais le numéro est retiré ici. Cinq plus cinq, ça fait 10. »

Et le 54, il avait une signification ? « Non, c’est juste le numéro que le Canadien m’a donné. Ils ont choisi pour moi, comme pendant pas mal toute ma carrière. »

Des bâtons dans les roues

Charles Hudon a réalisé un rêve en enfilant le chandail du Canadien pour 125 matchs de saison et deux autres des séries. Mais à écouter ses propos, on comprend que la relation avec l’organisation s’est détériorée ces dernières années, si bien qu’un changement d’air devenait nécessaire.

Ce changement d’air, il aurait pu l’avoir au terme de la saison, avec l’expiration de son contrat. Le Canadien a bien tenté de l’échanger, mais les efforts n’ont pas abouti. Restait l’option de ne pas lui soumettre d’offre qualificative, afin de lui permettre de devenir joueur autonome sans compensation. Libre comme l’air. Le CH l’aurait toutefois perdu pour rien, un peu comme on perd un joueur au ballottage.

Le Tricolore lui a donc soumis une offre qualificative, qu’il n’a pas acceptée. Sachant très bien que l’organisation n’avait pas de plan pour lui dans la LNH, sachant l’incertitude autour de la tenue de la prochaine saison dans la Ligue américaine, Hudon a opté pour la Suisse, où la saison est commencée depuis le 1er octobre.

C’était un autre de ces choix de l’organisation qu’il sent qu’on lui a imposés. Un peu comme l’histoire qu’il a racontée au micro de la balado La poche bleue le mois dernier : le Canadien lui avait demandé de prendre 15 lb afin de jouer à 200 lb, même si le principal intéressé n’était pas vendu à l’idée.

« L’Europe était ma deuxième option, rappelle l’Almatois. Avec tout ce que le Canadien m’a fait vivre, je savais qu’ils allaient me qualifier. Je n’ai pas reçu beaucoup de services d’eux pendant ces années-là. J’ai donc décidé de penser à moi, à mes enfants et à ma carrière.

« La COVID sera un facteur pour plusieurs joueurs. La LNH va peut-être recommencer, mais je ne sais pas pour la Ligue américaine, et si ça ne reprend pas, les joueurs ne seront pas payés. Avec des enfants et une maison, il faut qu’un revenu rentre. Avant de partir, j’ai eu peur de regretter, mais depuis que je suis arrivé ici, je n’ai aucun regret. »

La relation entre Hudon et le CH s’est refroidie en 2018-2019, quand il a été laissé de côté 50 fois. Claude Julien l’avait notamment retranché de la formation lors des 22 derniers matchs, y compris lors du 82e et dernier duel de la saison, au moment où le Tricolore était éliminé de la course aux séries. Cet épisode avait été suivi d’une entrevue de fin de saison avec Julien et Marc Bergevin au terme de laquelle il s’était présenté visiblement ébranlé devant les médias.

Cédé à Laval pour le début de la dernière saison, Hudon a toutefois travaillé étroitement avec Joël Bouchard et son adjoint Alex Burrows, qui lui ont permis de connaître une campagne de 27 buts en 46 matchs dans la Ligue américaine. « Ils m’ont beaucoup aidé. J’ai eu une grosse année avec eux. Je m’attendais à passer toute l’année avec eux, donc j’ai fait mes choses. Je suis très reconnaissant. »

Le problème, c’est que cette touche de marqueur, qu’il a constamment montrée dans la Ligue américaine, ne le suivait pas dans la LNH. Sa faible utilisation à Montréal en était-elle la cause ou la conséquence ? La réponse diffère selon la personne à qui vous posez la question.

Hudon a finalement eu droit à une dernière chance inattendue avec le CH pendant les dernières séries. Kirk Muller, entraîneur-chef par intérim à la suite du malaise cardiaque de Julien, l’a employé pour les deux derniers matchs de la série contre les Flyers, dans un rôle toutefois très limité.

« J’ai eu la chance de jouer grâce à Kirk Muller, affirme Hudon. Mais ce qui est arrivé à Claude, c’était grave, on ne pense jamais que ça peut arriver. Je suis content de savoir qu’il va super bien maintenant ! »

Hudon conserve toutefois une amertume certaine de ses dernières années dans l’organisation.

« Tout le monde dira que j’ai joué, que j’ai eu ma chance. Mais avoir une vraie chance, c’est quand tu te sens apprécié, quand tu reçois de la communication. C’est ce que j’ai ici. »

Bien accueilli

La dernière semaine a été chaotique pour Hudon.

Les choses ont déboulé à une vitesse folle jusqu’à ce qu’il saute dans l’avion samedi dernier, le 10 octobre, en début de soirée, bien avant que le contrat soit officiellement signé. Il devait en effet arriver en Suisse avant le 12 octobre, date à partir de laquelle les voyageurs en provenance du Canada devaient se soumettre à une quarantaine de 10 jours.

« J’avais 12 heures pour arriver à Lausanne. Il fallait faire les valises, préparer les passeports, préparer les enfants. C’était une journée très mouvementée, mais on est arrivés à temps. »

Pour l’heure, il demeure à l’hôtel avec sa conjointe et leurs deux filles, en attendant de trouver un appartement convenable pour une famille de quatre. Il est bien heureux de poursuivre sa carrière dans un environnement où la langue française atténuera le choc culturel. Car une autre option aurait été l’Avangard d’Omsk, dans la KHL, équipe dirigée par Bob Hartley.

« On s’est parlé, Bob et moi. Il voulait vraiment m’avoir. Mais pour les enfants, la Suisse était mieux, raconte Hudon. J’aurais aimé jouer pour Bob, je le connais un peu, mais je devais prendre une décision pour ma famille. »

Décision qu’il ne regrette aucunement. Dès son arrivée sur le sol suisse, il a eu droit à un accueil chaleureux, notamment de la part de Petr Svoboda (oui, oui, LE Petr Svoboda), directeur des opérations hockey du Lausanne HC.

« C’est un bon groupe de joueurs. Je connaissais déjà Mark Barberio, donc il m’a beaucoup aidé. Je suis bien à l’hôtel, je suis super bien traité. Petr Svoboda m’a accueilli comme quelqu’un qui me veut dans l’organisation. Je ne pouvais pas demander mieux. »