Que se passe-t-il quand une équipe qui a peu d’argent à dépenser se présente dans un marché paralysé par l’incertitude ?

Il se passe Brandon Baddock.

On s’attendait à une journée tranquille à Montréal sur le marché des joueurs autonomes, vendredi, et on n’a pas été déçus. Baddock, un homme fort de la Ligue américaine, a été l’unique nouvelle embauche du jour du Tricolore.

Ce qui n’a pas empêché Bergevin de demeurer attentif. Le directeur général a confirmé qu’il était « actif » dans le dossier de Taylor Hall, l’attaquant le plus convoité cet automne. Qu’entend-il par « actif » ? « Quand tu regardes, tu es actif. Quand tu parles à un agent, tu es actif. Alors on est actifs », a laissé tomber Bergevin, sans grand enthousiasme.

Avoir été zélé, on lui aurait demandé s’il jouait ici avec les mots, car l’agent de Hall est Darren Ferris. Le même Ferris qui représente aussi Max Domi (échangé cette semaine), Josh Anderson (acquis cette semaine, et qui a signé jeudi un contrat de sept ans) et Victor Mete (qui a signé vendredi un contrat d’un an). Bien sûr qu’ils se sont parlé ces derniers jours !

Or, si Bergevin souhaite mettre la main sur Hall, il devra faire de la place. Bergevin a rappelé qu’il souhaitait se garder un coussin d’« entre 1,5 et 2 millions de dollars » pour parer aux imprévus. À l’heure actuelle, ses 23 principaux joueurs (13 attaquants et 8 défenseurs) le placent à 2,26 millions sous le plafond. Bref, on est loin du compte, même en soumettant Noah Juulsen (0,7 million) au ballottage pour l’envoyer à Laval…

« Tant qu’il [Hall] n’a pas signé de contrat ailleurs, c’est toujours une possibilité », a ajouté Bergevin, en visioconférence.

Bergevin a aussi confirmé avoir tâté le terrain du côté de Wayne Simmonds, le fougueux ailier. Le DG a même confirmé avoir offert davantage que le 1,5 million que Simmonds a accepté pour se joindre aux Maple Leafs. « Il a peut-être trouvé qu’il cadrait mieux à Toronto, et il vient de là », a rappelé Bergevin.

On peut toutefois conclure de cette tentative que Bergevin souhaite encore trouver du renfort, et qu’il est prêt à investir légèrement plus que 1,5 million pour améliorer son quatrième trio. Ce ne sont pas les candidats qui manquent, même si plusieurs joueurs cités dans notre liste de jeudi ont finalement trouvé preneur.

Le fameux été 2021

C’est donc un automne fort occupé pour Marc Bergevin qui achève. Au cours des dernières semaines, le DG a prolongé le contrat de Jeff Petry, a obtenu Jake Allen, Joel Edmundson et Josh Anderson par transaction, a signé de nouvelles ententes avec ces deux derniers, en plus d’échanger Max Domi. Avec un repêchage au milieu de tout ça !

Le résultat, c’est que le portrait se précise pour l’été 2021, un moment charnière pour l’avenir de l’équipe. À force d’en parler, on connaît presque par cœur la liste des contrats qui vont alors expirer : ceux de Brendan Gallagher, Phillip Danault, Tomas Tatar, Joel Armia, de même que des joueurs autonomes avec compensation Jesperi Kotkaniemi et Artturi Lehkonen.

Bergevin n’a rien voulu dire vendredi au sujet des négociations. La semaine dernière, il a cependant été clair, en entrevue au Journal de Montréal, que Gallagher était sa nouvelle priorité.

À l’heure actuelle, Bergevin a déjà 52,325 millions d’engagés pour la campagne 2021-2022.

Cette somme se répartit comme suit :

– 16 millions pour 5 attaquants (Josh Anderson, Jonathan Drouin, Paul Byron, Nick Suzuki et Jake Evans)

– 23,85 millions pour 6 défenseurs (Shea Weber, Jeff Petry, Ben Chiarot, Joel Edmundson, Brett Kulak, Alexander Romanov)

– 10,5 millions pour un gardien (Carey Price)

Avec un plafond qui sera stable à 81,5 millions, il se retrouve avec 29,2 millions pour le reste de sa formation, qui nécessiterait idéalement 10 joueurs de plus (8 attaquants, un défenseur et un gardien).

Anderson s’est entendu avec le CH pour un salaire moyen de 5,5 millions, le même que Drouin. À moins qu’il contracte la polio d’ici là, Gallagher obtiendra assurément un salaire supérieur aux deux ailiers. Gallagher compte 2 saisons de 30 buts à son actif et en aurait réussi une troisième en 2019-2020, n’eussent été la pandémie et une blessure.

Donnons-lui 6 millions. Le coussin de Bergevin passe donc à 23,2 millions pour 9 autres joueurs.

Logiquement, Danault devrait être le dossier suivant, car un candidat au trophée Selke comme lui est nettement plus utile qu’un joueur productif, mais moins complet, comme Tatar.

On s’en doutait depuis longtemps, mais c’est plus clair que jamais : Bergevin n’aura pas l’espace pour payer à la fois Danault et Tatar. Il ne pourra pas leur donner – soyons raisonnables – une enveloppe totale de 11 millions, et se retrouver avec 12 millions pour ses sept derniers joueurs (dont Kotkaniemi) tout en se gardant un coussin pour les imprévus !

Deux conclusions s’imposent. D’une part, il serait très surprenant que l’intérêt pour Hall se traduise en embauche réelle, car l’espace sous le plafond salarial s’annonce problématique tant cette année que l’an prochain. En fait, son embauche signifierait qu’il n’y aurait plus de place pour Danault dans un an, et la ligne de centre s’en trouverait drôlement affaiblie.

D’autre part, il y aura une réflexion à faire sur l’avenir de Tatar, à savoir si l’équipe le perd pour rien dans un an, ou tente de l’échanger d’ici là. Bergevin agit toutefois cet automne comme un DG qui croit que la réinitialisation (le « reset ») de sa formation est terminée. Si tel est le cas, il aura besoin de Tatar pour gagner dans l’immédiat, d’autant plus que ce serait très mince à l’aile gauche si le Slovaque part.

En bref : Bergevin réplique à Domi

Par ailleurs, Marc Bergevin a donné sa version des faits quant aux problèmes de communication évoqués par Max Domi. Ce dernier a notamment affirmé qu’il n’avait pas eu droit à une entrevue de fin de saison (exit meeting) à la suite de l’élimination du CH. « Pendant ses deux saisons ici, il y a eu de la communication entre Max et les instructeurs. Et moi, à quelques reprises, j’ai parlé à Max. Mais il faut aussi comprendre que quand tu rencontres un joueur trop souvent, éventuellement, le joueur va probablement se tanner, et il faut que tu éparpilles tes meetings avec le joueur. Alors de dire que Max n’a jamais eu de communication avec les instructeurs, c’est faux. […] Pour l’exit meeting, on a perdu à Toronto, et beaucoup de joueurs sont partis très tôt le matin. Habituellement, les joueurs restent dans la ville, tu as deux ou trois jours pour leur parler, mais là, ça n’a pas été le cas. Je pense que c’est facile à expliquer. »