À chaque jour ouvrable, et pour les prochaines semaines, Mathias Brunet offrira une analyse détaillée des 31 clubs de la LNH : le travail du directeur général, le repêchage, les échanges, les joueurs autonomes, les perspectives d’avenir. Aujourd’hui, les Bruins de Boston.

SITUATION ACTUELLE

Les Bruins incarnent parfaitement l’expression « réinitialisation », ou plutôt « reset on the fly », comme certains préfèrent l’utiliser dans le milieu. Après une Coupe Stanley en 2011 et une finale en 2013 avec l’entraîneur Claude Julien, les Bruins ont connu un certain déclin. Le DG Peter Chiarelli a été congédié en avril 2015 et son successeur, Don Sweeney, un ancien défenseur des Bruins, a entrepris rapidement la mutation. Il a échangé Milan Lucic et Dougie Hamilton pour alléger une masse salariale sur le point d’exploser et obtenir trois choix de première ronde (un obtenu par la suite pour le gardien Martin Jones acquis pour Lucic) et deux choix de deuxième ronde. Boston a raté les séries pour une deuxième année consécutive en 2015-2016. Les Bruins s’acheminaient vers une troisième exclusion de suite lorsque Julien a été congédié en janvier 2017. L’arrivée de l’entraîneur Bruce Cassidy a transformé les Bruins. Cassidy a souvent rappelé son approche : apprendre à connaître les êtres humains sous ces uniformes et pas seulement les hockeyeurs et leurs performances. Il a aussi transformé le style de jeu de l’équipe et misé sur une relance agressive. Cassidy a aussi pu compter sur l’éclosion de deux jeunes vedettes repêchées par le recruteur en chef Keith Gretzky avant son départ pour Edmonton en 2016, David Pastrnak et Charlie McAvoy.

REPÊCHAGE (2009-2019)

Le plan initial de Don Sweeney consistait à faire le plein d’espoirs au repêchage de 2015. Mais avec cinq choix parmi les 45 premiers, Keith Gretzky a frappé dans le vide trois fois. Boston détenait les 13e, 14e et 15e choix. Ils ont repêché Jakub Zboril, Jake DeBrusk et Zach Senyshyn. Seul DeBrusk a une carrière dans la LNH. Les deux flops ont été préférés à Mathew Barzal, Kyle Connor, Thomas Chabot et Brock Boeser, entre autres. Avec l’abondance de choix, Gretzky a au moins pu mettre la main sur un solide défenseur numéro quatre au début de la deuxième ronde, Brandon Carlo. Gretzky a toujours aimé prendre certains risques. Il s’est brûlé en 2015, mais son audace lui a permis de repêcher David Pastrnak au 25e rang l’année précédente. Pour plusieurs clubs, Pastrnak constituait un choix de deuxième ronde. « On aime son talent et son contrôle de la rondelle, avait déclaré Peter Chiarelli le jour du repêchage. Il pourrait devenir un ailier de premier trio, mais s’il n’y parvient pas, assurément un joueur de deuxième trio ». Au moment de l’interruption des activités dans la Ligue nationale, Pastrnak venait au premier rang des buteurs avec 48 buts, sur un pied d’égalité avec Alex Ovechkin. L’autre coup de maître de Gretzky avant d’aller rejoindre son ancien patron Chiarelli avec les Oilers demeure le choix du défenseur droitier Charlie McAvoy au 14e rang en 2016. L’arrivée du jeune homme a transformé la défense de l’équipe. Ainsi, en deux coups, sans jamais choisir parmi les douze premiers, Boston venait de mettre la main sur un défenseur numéro un et sur l’un des attaquants les plus redoutables de la Ligue pour rendre encore plus redoutable un solide noyau de vétérans constitué de Patrice Bergeron, Brad Marchand, Zdeno Chara, Torey Krug et Tuukka Rask.

Meilleur coup

David Pastrnak, ailier, première ronde, 25e au total, 2014

Pastrnak est le deuxième compteur de sa cuvée avec 379 points en 390 matchs, derrière Leon Draisaitl, troisième choix au total.

Pire coup

Zachary Senyshyn, ailier, première ronde, 15e au total, 2015

Senyshyn avait 16 points, dont 7 buts, en 42 matchs à Providence, dans la Ligue américaine, au moment de l’interruption des activités. Barzal, choisi immédiatement après lui, avait 60 points en 68 matchs pour les Islanders. La relève à David Krejci serait déjà assurée avec Barzal.

Meilleur espoir

Jack Studnicka, ailier, deuxième ronde, 53e au total en 2017

Croyez-le ou non, le meilleur espoir des Bruins a été obtenu en compensation pour l’embauche de Peter Chiarelli à Edmonton en 2017. Chiarelli a déjà été congédié après son fiasco en Alberta. Studnicka, 21 ans, a 49 points en 69 matchs à sa première saison complète dans la Ligue américaine.

ÉCHANGES

Analysons les échanges des Bruins cette dernière décennie en deux temps : l’ère catastrophique de Peter Chiarelli, très généreux envers ses homologues, et les échanges moins spectaculaires, mais plus avisés, de son successeur Don Sweeney. Chiarelli a gaspillé plusieurs joueurs de talent. Il n’a pas été assez patient envers Tyler Seguin, échangé pour Loui Eriksson, Reilly Smith et Joe Morrow en 2013. Seguin est devenu un centre numéro un à Dallas. Chiarelli a aussi échangé Blake Wheeler aux Thrashers d’Atlanta (déménagés ensuite à Winnipeg) en 2011, d’abord pour obtenir du renfort à plus court terme, Rich Peverley, ensuite pour libérer de l’espace sur la masse salariale à la suite de l’acquisition, le jour-même, de Tomas Kaberle des Maple Leafs pour Joe Colborne et des choix de première et deuxième rondes. Les Bruins ont gagné la Coupe cette année-là, et les acquisitions de Chiarelli ont contribué à leur façon, sans être des joueurs dominants, mais ces transactions ont fait mal. Wheeler, un joueur né à Plymouth, au Minnesota, 24 ans lors de l’échange, a eu le cœur brisé. Il a connu huit saisons de plus de 60 points à Winnipeg, dont il est le capitaine, et deux de 90 points ou plus. Dans un tel contexte, le redressement des Bruins par Don Sweeney est admirable.

Meilleur coup (Don Sweeney)

Charlie Coyle en retour de Ryan Donato et d’un choix de cinquième ronde. Coyle est venu combler un vide important au centre du troisième trio avec le déclin de David Backes. Il a connu de grosses séries le printemps dernier avec 18 points en 24 matchs et signé une prolongation de contrat avec l’équipe.

Pire coup (Don Sweeney)

Rick Nash, un joueur de location, pour un choix de première ronde en 2018 (22e au total), Ryan Lindgren, Matt Beleskey et Ryan Spooner. Les Bruins ont perdu en deuxième rang et Nash n’a pas eu d’impact. Lindgren est devenu un joueur régulier dans la LNH. Les Rangers ont repêché le défenseur K’Andre Miller, coéquipier de Cole Caufield à Wisconsin, avec ce choix. Au moins, on s’est débarrassé du contrat de Beleskey, ce qui n’est pas rien.

JOUEURS AUTONOMES

Les Bruins n’ont jamais hésité à offrir de gros contrats sur le marché des joueurs autonomes. L’exercice a été très payant avec leur éventuel capitaine, Zdeno Chara, embauché par Peter Chiarelli en 2006. L’arrivée de Chara, doublée de cette de Marc Savard, dont la carrière a été freinée quelques années plus tard par une vicieuse mise en échec, a jeté les fondations de Bruins pour les années à suivre. Chiarelli et ses hommes de hockey ont aussi su convaincre en 2012 un petit défenseur de Livonia, au Michigan, boudé au repêchage, Torey Krug, de se joindre à l’équipe après sa carrière dans la NCAA avec Michigan State. Krug est devenu un élément indispensable aux Bruins, capable d’amasser plus de 50 points par saison. Sweeney a eu moins de succès sur le marché des joueurs autonomes. David Backes a obtenu 30 M$ pour cinq ans en 2016, mais il était déjà sur son déclin. Sweeney vient de se débarrasser de la dernière année de son contrat dans un échange avec les Ducks. Il a perdu un choix de première ronde, mais obtenu Ondrej Kase. L’embauche de Matt Beleskey, après une seule bonne saison en carrière en 2015, n’a pas rapporté non plus. Beleskey a reçu 18 M$ pour cinq ans.

Meilleur coup (Don Sweeney)

Riley Nash, deux ans, 1,8 M$, en 2016. Après une première année difficile, Nash a donné aux Bruins une saison de 15 buts et 41 points.

Pire coup (Don Sweeney)

David Backes, six millions par année pour cinq saisons, alors que sa production commençait déjà à décliner chez les Blues de St. Louis à 32 ans.

Dix saisons (douze rondes remportées, deux exclusions)

2010-2011 : 46-25-11, 3e Est, COUPE STANLEY

2011-2012 : 49-29-4, 2e Est, défaite première ronde

2012-2013 : 28-14-6, 4e Est, finale Coupe Stanley.

2013-2014 : 54-19-9, 1er Est, deuxième ronde.

2014-2015 : 41-27-14, 9e Est, OUT.

2015-2016 : 42-31-9, 9e Est, OUT.

2016-2017 : 44-31-7, 7e Est, défaite première ronde.

2017-2018 : 50-20-12, 2e Est, deuxième ronde.

2018-2019 : 49-24-9, 2e Est, finale Coupe Stanley

2019-2020 : 44-14-12, 1er Est, premier au classement général.

(Demain : les Sabres de Buffalo)

À LIRE

Quelle lecture agréable, ce matin, que ce texte de Guillaume Lefrançois sur les fils d’anciens hockeyeurs francophones de la LNH qui tentent de garder vivante, chacun à un degré de succès différent, la langue de leurs aïeux. Il y a des Perrault, des Lemieux et des Brière…