Des défenseurs qui jouent à l’avant, ça se voit souvent. Les partisans du Canadien se souviendront de Mark Streit et Mathieu Dandenault, sous la gouverne de Guy Carbonneau.

Ces décisions tombaient sous le sens, surtout pour Dandenault, qui avait été repêché comme attaquant. Et surtout, ces joueurs étaient dans la trentaine ou presque lorsque ces changements ont été faits.

Le cas de Josh Brook est bien différent. Voici un défenseur que le Canadien a repêché au deuxième tour en 2017, qui dispute en ce moment sa première saison chez les professionnels. Or, après l’avoir laissé de côté lors de deux matchs de suite, l’entraîneur-chef du Rocket de Laval, Joël Bouchard, a employé cette fin de semaine une formation à 11 attaquants et 7 défenseurs. Et c’est Brook qui était employé comme 12e attaquant, afin de compléter un trio offensif.

Brook a donc disputé les deux matchs contre le Moose du Manitoba à cette position, avec un certain succès si on se fie à Bouchard, qui a rappelé que le jeune homme a été choisi joueur du match par ses pairs samedi. Dimanche, dans une défaite de 5-1, il a inscrit l’unique but de son camp.

« C’était bien, j’ai aimé ça, j’ai pu arrêter de réfléchir et simplement jouer. C’est ce que les entraîneurs voulaient que je fasse. C’était bien et je me suis amusé », a estimé le Manitobain, rencontré à la Place Bell mardi midi.

« Ça vous intrigue ? »

À l’entraînement mardi matin, Brook était de retour à sa position naturelle de défenseur, et c’est là qu’il devrait jouer à l’occasion de la visite du Crunch de Syracuse, mercredi.

N’empêche, son changement d’affectation n’est pas passé inaperçu, et constitue un rappel des obstacles qu’il rencontre à sa première saison chez les pros. Brook compte en effet 9 points (4 buts, 5 passes) en 40 matchs, avec un différentiel de -7.

« Ça vous intrigue, ça vous énerve, hein ?, a lancé Bouchard en début de point de presse. Josh a beaucoup de millage cette saison. Les gens voient le potentiel, nous aussi. Mais nos défenseurs étaient en santé et on avait besoin d’un attaquant. De tous nos défenseurs, c’était lui qui était en meilleure position d’aider l’équipe. »

Bouchard a fait ce que tout entraîneur de la Ligue américaine fait dans une telle situation : il a relativisé le tout. « Moi aussi, j’ai déjà joué 4-5 matchs à l’attaque et je ne suis pas mort. Ça m’a permis de voir autre chose, ça n’a pas été négatif et on m’a ramené à la défense comme on va le renvoyer en défense », a-t-il rappelé.

Mais on comprend néanmoins que si Brook avait été dominant, il n’aurait pas été muté à l’attaque pendant que Christian Folin, Karl Alzner, Xavier Ouellet, Otto Leskinen, Gustav Olofsson et Evan McEneny conservaient leur position naturelle.

« Dans le junior, les défenseurs ne sont pas aussi challengés physiquement qu’ils le sont dans le pro, a souligné Bouchard. Josh est beaucoup moins fort physiquement que Cale Fleury l’an passé. Dans ses batailles à un contre un, dans son jeu défensif, c’est beaucoup de pression. Ça fait qu’avec la rondelle, tu fais plus d’erreurs défensives et offensivement, tu deviens plus gêné. En jouant à l’avant, ça lui a donné la chance de faire plus de jeux. »

Brook, un homme de peu de mots, a été plus direct : « Mon jeu en territoire défensif n’était pas bon du tout. Je dois travailler là-dessus. »

Son cas illustre bien le chemin qu’ont à parcourir des joueurs qui s’illustrent au niveau junior, afin de s’établir dans les rangs professionnels. L’été dernier, Brook était unanimement vu parmi les meilleurs espoirs de l’organisation du Canadien. Sa récolte de 75 points en 59 matchs avec les Warriors de Moose Jaw, en Ligue junior de l’Ouest, a fait écarquiller les yeux, tout comme sa présence au Championnat du monde junior avec Équipe Canada.

Au camp du CH, en septembre, Brook a d’ailleurs passé plusieurs jours avec Brett Kulak - un joueur établi dans la LNH - comme partenaire. Mais Fleury s’est finalement imposé pour le poste de troisième défenseur à droite. Fleury avait certes moins de potentiel offensif que Brook, mais il comptait déjà une année d’expérience dans la Ligue américaine, ce qui paraissait par moments.

« Les attentes, c’est une chose. Moi, je deale avec la réalité, a martelé Bouchard. Les gens ne l’ont pas vu beaucoup jouer. Il y en a beaucoup, parmi vous, qui ont été le voir jouer 50 matchs à Moose Jaw l’an passé ? Vous voyez des flashes, des choses. Nous, on travaille avec eux pour qu’ils deviennent des joueurs efficaces de la LNH, pas juste des joueurs de Ligue américaine qui ramassent des points et qui sont corrects. Des fois, ça prend du temps.

« Je comprends les gens, ils voient des noms, des points. Aujourd’hui, avec Amazon, ça arrive tout de suite. On aime le potentiel de Josh, il est intéressant en transition, pour transporter la rondelle. En contrepartie, on est capable de vivre avec les faiblesses. On ne se met pas la tête dans le sable. On travaille avec lui sur son jeu défensif et son jeu physique. Ce n’est pas vraiment alarmant. »