L'absence du Tricolore au tableau des séries éliminatoires est loin d'enchanter son directeur général. Mais l'équipe a fait « un pas dans la bonne direction », selon Marc Bergevin.

Du réalisme... et de l'optimisme

Le Canadien n'est pas du tableau des séries éliminatoires cette saison, et cela ne fait pas du tout l'affaire de son directeur général.

Voilà, en substance, le message qui a été lancé par le DG en question, Marc Bergevin, lors de son bilan de la saison 2018-2019, hier à Brossard. Un bilan sous le signe du réalisme... mais aussi sous le signe de l'optimisme, comme le veut la tradition.

« Nous ne sommes pas satisfaits de la saison, a dit Bergevin. Ce n'est qu'un début pour nous, mais c'est aussi un pas dans la bonne direction. Nous sommes encore une équipe jeune... »

« Si on revenait ici la saison prochaine avec la même équipe, nous serions meilleurs parce que les joueurs ont acquis de l'expérience. »

- Marc Bergevin

Dans le camp montréalais, un peu tout le monde a exprimé sa confiance quant à la possibilité de lendemains meilleurs, mais Bergevin a hésité à dévoiler son jeu pour dire comment il allait faire pour que ce rêve des lendemains qui chantent devienne réalité.

On lui a fait remarquer que le temps commence tout de même à presser un peu, puisque Shea Weber et Carey Price, les deux joueurs de concession du club, auront respectivement 34 ans et 32 ans lorsque les joueurs se rapporteront à Brossard pour le prochain camp d'entraînement de l'équipe, au mois de septembre.

« On peut regarder du côté de Boston avec [le défenseur] Zdeno Chara qui vient de signer un nouveau contrat pour une autre année... C'est dangereux de miser seulement sur des jeunes sans pouvoir compter sur des vétérans pour les guider. Comme capitaine, Shea a beaucoup de valeur et pour Carey [Price], il y a l'exemple de Pekka Rinne [le gardien des Predators de Nashville], qui continue de connaître du succès [à l'âge de 36 ans]. On a encore du temps. »

Du renfort à l'interne ?

Il faut savoir que depuis l'arrivée de Bergevin dans le fauteuil du DG, en 2012, ça n'a jamais été le style de la maison de se lancer dans les folles dépenses, que ce soit à la date limite des transactions, ou encore à l'ouverture du marché aux joueurs autonomes, le 1er juillet.

Un exemple récent : pendant que les Blue Jackets de Columbus choisissaient de se « paqueter un club » à la date limite des transactions en février, Bergevin choisissait de rester les bras bien croisés. Une stratégie peu populaire mais nécessaire, vu les prix exorbitants du marché, selon lui. « Les autres équipes voulaient me parler de [Ryan] Poehling, de [Alexander] Romanov, a tenu à répondre le DG. Je n'étais pas prêt à faire ça. »

De la même manière, il ne faut pas non plus s'attendre à des feux d'artifice le 1er juillet.

« On a été agressifs par le passé, mais les joueurs que l'on visait ont choisi d'aller ailleurs. Des fois, ce sont des joueurs qui peuvent choisir parmi sept ou huit ou neuf offres », a-t-il ajouté.

On doit donc en conclure que l'aide immédiate devra fort probablement provenir de l'intérieur. Mais selon Bergevin, même les espoirs les plus en vue de l'organisation ne doivent pas croire qu'il y a déjà un casier qui les attend dans le vestiaire du Centre Bell.

« Des gars comme [Nick] Suzuki, [Josh] Brook et [Ryan] Poehling peuvent jouer à Laval, dans la Ligue américaine, l'an prochain. Ça va augmenter le bassin de joueurs du Rocket. Nos espoirs commencent à arriver... »

- Marc Bergevin

Enfin, le DG montréalais a confirmé que l'attaquant Paul Byron avait bel et bien subi une commotion cérébrale lors de sa défaite par K.-O. face au défenseur MacKenzie Weegar, des Panthers de la Floride, lors du match du 26 mars au Centre Bell. Byron avait tout de même pu revenir au jeu une semaine plus tard, au grand étonnement de plusieurs.

Par ailleurs, Bergevin a signalé qu'un seul joueur s'est fait dire qu'il allait devoir aller voir ailleurs pour la saison prochaine : le gardien réserviste Antti Niemi, à qui le club n'offrira pas de nouvelle entente, à la surprise d'absolument personne. Plus tôt en matinée, Carey Price avait fait savoir que le Finlandais était « le partenaire pour lequel [il avait] le plus de respect » parmi tous ceux qu'il a eus.

Ça n'a pas été suffisant pour une saison de plus, de toute évidence.

Le fascinant dossier Drouin

Jonathan Drouin... par où commencer ?

Côté talent brut, rien à redire. Il est rapide, transporte bien la rondelle, possède des mains de velours. À un certain moment cette saison, il se dirigeait allègrement vers la meilleure saison offensive de sa carrière. Il était à quelques points d'avoir une rue et un futur pont nommés en son honneur. On revoyait dans sa chevelure au vent les plus grands de l'histoire de l'équipe. La ville s'est emballée.

Puis, la chaîne est débarquée. Comme ça, presque du jour au lendemain.

Il n'était plus capable de contribuer offensivement. Il a été blanchi dans 23 des 26 derniers matchs de la saison, au moment où le Canadien avait le plus besoin de lui. Claude Julien a fini par le clouer au banc. Il a dégringolé de trios. Il a été le joueur le moins utilisé du Canadien quelques fois et il est même descendu le temps d'un match sous la barre des 10 minutes.

Drouin s'est retrouvé jumelé avec à peu près chaque joueur de l'équipe : Domi, Shaw, Danault, Gallagher, Armia, Kotkaniemi, Lehkonen, Byron, Weal, alouette. Sans jamais trouver la constance.

Qu'est-ce qui s'est passé au juste ? Jonathan Drouin ne s'est pas caché la tête dans le sable et il a affronté avec aplomb le barrage de questions.

« J'aimerais connaître la réponse pour la constance. Je ne suis pas fier de ma fin de saison, de mes résultats. Je suis capable de l'admettre. Je n'ai pas à blâmer personne, je dois juste me regarder. »

- Jonathan Drouin

C'est l'essentiel du propos du joueur. Il n'a jamais voulu partager la faute pour sa fin de saison pénible. Un autre exemple :  « Les derniers matchs n'étaient pas à la hauteur de mes attentes. À l'âge que j'ai maintenant, j'ai assez d'expérience pour comprendre que je n'ai pas assez bien joué. »

Ou encore...

« Si j'avais joué très bien, je n'aurais pas eu un petit temps de jeu. Je peux comprendre ça. J'aurais peut-être réagi d'une autre façon à 18 ou 19 ans. »

Même son capitaine Shea Weber a relevé sa faiblesse : « La constance. Il a atteint son sommet de points [53, dont 18 buts], mais il peut en faire plus. Lui-même sait qu'il doit être plus constant et contribuer chaque soir, comme il peut le faire. »

Maturité

Marc Bergevin prend une grande inspiration avant d'offrir son explication sur la saison en dents de scie de celui qui a tout pour devenir l'une de ses grandes vedettes.

« On veut aider Jonathan. Il commence à comprendre. Même si tu ne produis pas, tu dois nous aider d'une autre façon. J'haïs le mot "entêté" parce que ce n'est pas un gars qui s'entête, mais lui, il voulait produire. Il commençait à forcer des jeux, et ça devenait difficile.

« Dans la deuxième moitié, ça joue plus serré et c'est devenu plus difficile pour lui. Je ne m'attends pas à ce que Jonathan joue défensivement comme un Lehkonen mais peut-être que ça va lui enlever de la pression s'il est conscient qu'il nous aide avec des petites choses défensivement. Avec ça, il va recommencer à produire et se sentir mieux. »

Le message a fait mouche. Drouin a repris lui aussi l'idée d'aider l'équipe différemment quand les points ne s'accumulent plus. Ceci dit, Bergevin déteste peut-être le mot « entêté », mais il l'a quand même utilisé un peu plus tôt pour décrire son joueur. Il parlait alors de l'importance parfois de changer ses habitudes pour atteindre le prochain palier. Il s'est aussi réjoui de voir que l'attaquant québécois avait fini par « comprendre ».

« Tant qu'il ne l'a pas compris lui-même, rien ne va changer. C'est le métier d'entraîneur [de le guider], mais tu ne peux pas le forcer. Parfois, ça prend plus de temps pour certains. Il n'y a pas d'échéancier pour ça, tout le monde est différent. Tu dois traverser les moments difficiles pour en émerger de l'autre côté. Je crois que Jonathan va dans la bonne direction. »

Tout ça découle d'une discussion que le patron a eue avec le joueur. Une discussion fort constructive, juge-t-il, et qui ne visait pas du tout à trouver des coupables. C'est d'ailleurs l'un des aspects fascinants des derniers rebondissements du dossier Drouin.

Le Canadien, historiquement, n'a jamais vraiment cherché à gérer sur le long terme les « cas problèmes ». Les exemples ne manquent pas, et il ne faut pas chercher très loin pour en trouver. On tourne vite la page.

Pourtant, cette fois, on sent une grande ouverture au dialogue de la part de la direction. Bergevin a décliné de toutes les manières l'idée que le plus beau était à venir pour Drouin et il a souligné sa grande maturité face à l'adversité. Bref, jamais n'a-t-il laissé croire qu'il en avait vu assez de son talentueux attaquant.

« Le fait qu'il comprenne que c'était sa responsabilité me permet de croire que l'an prochain, il prendra un autre pas vers l'avant. C'est de la maturité. Je crois sincèrement qu'il n'aurait pas dit ça il y a trois ou quatre ans. Jonathan compte à mes yeux, aux yeux de Claude aussi et aux yeux du Canadien. Il a bien fait cette année, et ça le dérange de n'avoir pas pu le faire à la fin. Je crois qu'il va apprendre de ça. »

Bilan positif pour les jeunes amis

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Jonathan Drouin

Victor Mete et Jesperi Kotkaniemi ont révélé cette saison aux partisans du Canadien de Montréal leur belle amitié. Ils sont devenus l'exemple parfait de l'expression « bromance ». Leurs rituel  d'avant-match ont fait sourire, leur relation à mi-chemin entre l'humour et le malaise les a rendus attachants.

Ces deux jeunes se sont aussi retrouvés à jouer de grands rôles cette saison, à 18 et 20 ans. Ils ont beaucoup appris de cette éprouvante course aux séries éliminatoires. On peut d'ores et déjà prédire qu'ils font partie de l'avenir de l'organisation.

Commençons par Kotkaniemi. La planète hockey s'est arrêtée le 5 mars dernier. Claude Julien venait d'annoncer qu'il serait laissé de côté contre les Kings de Los Angeles. Les réseaux sociaux se sont emballés. La justification de Julien, la « fatigue », n'a pas plu. Le joueur lui-même s'est dit en pleine forme. Kotkaniemi a été laissé de côté deux autres fois avant la fin de la saison, toujours pour la même raison.

Hier, au bilan, le Finlandais s'est dévoilé avec un peu plus de franchise.

« Oui, parfois, j'étais fatigué. Les derniers mois ont été difficiles. Mais si on regarde le portrait complet, ç'a été une bonne année. »

- Jesperi Kotkaniemi

Là-dessus, personne ne dira le contraire. Kotkaniemi a forcé la main de la direction et s'est imposé dans la formation dès le début. Comme joueur de centre en plus. On a rapidement vu sa finesse sur la glace, sa vision du jeu, même sa responsabilité défensive. À un certain moment en février, il a marqué dans quatre matchs de suite.

Mais à mesure que le jeu s'est resserré en deuxième moitié de calendrier, Kotkaniemi a ralenti. Forçant même Julien à déclarer que, dans son état, « il ne lui était pas très utile ». Impossible toutefois de tracer un bilan négatif de sa première saison de 11 buts et 23 aides en 79 matchs. 

« Je veux être plus fort l'an prochain. Je vais travailler là-dessus. Le vestiaire est rempli de bonnes personnes. J'ai 18 ans, ils étaient plusieurs à prendre soin de moi. Je l'ai apprécié. On avait un bel esprit d'équipe et j'ai aimé faire partie de l'équipe. »

Mete aussi

Mete aussi a impressionné, puisqu'il s'est retrouvé à 20 ans seulement à devenir le partenaire habituel de Shea Weber. D'ailleurs, offrons tout d'abord le droit de parole au capitaine.

« Je pense que ç'a très bien été, surtout vers la fin. C'était facile, on s'était habitués l'un à l'autre. Je savais ce qu'il allait faire. C'est un bon jeune, un bon joueur, et il va continuer à s'améliorer. Il veut devenir un meilleur joueur et il va le faire. »

Marc Bergevin n'a toutefois pas voulu s'avancer sur la capacité du petit défenseur à rester au même poste l'an prochain. Ce n'est un secret pour personne que Mete, de petit gabarit, a perdu quelques batailles plus physiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que le directeur général soupèsera sans doute ses options chez les défenseurs gauchers le 1er juillet.

« Il m'a convaincu qu'il était un joueur de la LNH, a toutefois dit Bergevin. On voit ses discussions sur la patinoire avec Shea, il est de plus en plus confortable. C'est un joueur qui a pris un gros pas en avant. Le seul problème est qu'il n'est pas gros, mais il n'y a pas de joueur parfait. Il est rapide, il appuie l'attaque, il a un bon bâton, il annule des jeux. »

« Je suis vraiment fier d'un joueur repêché au quatrième tour et qui est devenu un bon joueur de hockey. »

- Marc Bergevin au sujet de Victor Mete

Bergevin félicite l'entraîneur-chef du Rocket de Laval, Joël Bouchard, pour avoir changé le jeu de Mete durant ses quelques semaines de perfectionnement dans la Ligue américaine. Le jeune défenseur est du même avis. Il sait aussi sur quoi insister cet été.

« Mon tir, et être plus gros dans les coins pour mieux me défendre contre les gros joueurs. Peut-être aussi lire le jeu un peu mieux dans la zone offensive. Si je continue à travailler fort, j'espère être capable de me développer en un défenseur du top 2. Avec ma détermination à m'améliorer, je m'en crois capable. »

120 matchs sans but

Reste le fameux premier but... Mete en est à 120 matchs avec le Canadien, toujours sans marquer. Mike Komisarek détient le triste record de 123 matchs avant d'inscrire son premier but dans l'uniforme tricolore. Mete n'a pas pu exercer son tir l'été dernier, puisqu'il avait un doigt fracturé. Il compte bien se reprendre cet été. Cela dit, il ne l'a pas fait non plus cette année à l'entraînement.

La plupart du temps, Mete fait des contrôles de rondelle au milieu de la glace durant les séances de tirs à la fin des entraînements. On lui a demandé pourquoi.

« C'est ma routine. Je ne suis pas superstitieux, mais ça me permet de me sentir bien. De la manière que je vois ça, oui, je dois améliorer mon tir, mais dans un match, tu ne tires qu'une ou deux fois. Le patin est une grande partie de mon jeu et je dois avoir confiance en mon coup de patin. »

Pour l'été, Mete retournera chez lui à Woodbridge, en Ontario. Kotkaniemi partira en Finlande. Les cochambreurs sur la route, qui vivent aussi l'un à côté de l'autre dans le Vieux-Port de Montréal, devront se séparer.

Mete a bien tenté d'inviter son ami en vacances. Kotkaniemi n'a rien voulu savoir.

« On a besoin d'une pause, a dit Kotkaniemi en riant. Aucune chance que je le suive là-bas. »

Un au revoir pour Hudon ?

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Jesperi Kotkaniemi

C'est au bord des larmes que Charles Hudon a quitté le vestiaire du Canadien, hier après-midi à Brossard. Reste à voir si ce fut ou non pour la dernière fois.

Hudon, l'air résigné, n'a certes pas donné l'impression d'être un joueur que l'on va revoir à l'ouverture du prochain camp d'entraînement, au mois de septembre. Sans contrat en vue de la prochaine saison, il pourrait devenir joueur autonome avec compensation.

Et il pourrait aussi avoir à déménager.

« C'est difficile, je veux jouer au hockey, a-t-il commencé par dire. C'est Claude [Julien] qui prend les décisions. Je n'étais pas le plus heureux, mais ça fait partie de la réalité au hockey. Je voulais jouer, être avec mes coéquipiers... »

L'attaquant de 24 ans a été laissé de côté lors des 22 derniers matchs de l'équipe, incluant le dernier de la saison samedi soir au Centre Bell, un match qui n'avait pourtant aucune signification. Cela laisse croire qu'il ne fait probablement plus partie des plans en vue de la prochaine saison.

« On croit encore en toi »

Cependant, Marc Bergevin a tenu à garder une porte ouverte à Hudon quand il a pris la parole en fin de journée.

« On croit encore en Charles, il a du potentiel, a expliqué le directeur général. On l'a rencontré plus tôt et c'est le message qu'on lui a lancé : on croit encore en toi. »

Mais le principal intéressé semble y croire un peu moins.

« Je ne sais pas ce qui va arriver, c'est l'avenir qui le dira, a-t-il ajouté un peu plus tôt en journée. Je le disais à la blague juste avant : est-ce qu'on veut partir de chez ses parents quand on est jeune ? Non. C'est la même chose maintenant pour moi. Je ne veux pas partir d'ici, mais on ne sait jamais ce qui va arriver. Mon but, c'est de jouer pour le Canadien de Montréal, et encore aujourd'hui, je fais partie de l'organisation.

« Je ne veux pas aller à Laval... Mais je vais m'organiser pour oublier ce qui est arrivé cette année, et puis on verra pour la suite. Je voulais être ici, je voulais jouer... c'est pas arrivé. »

- Charles Hudon

Hudon a répété qu'il n'avait jamais exigé une transaction cette saison, mais que lui et son agent avaient plutôt tenté de faire un peu bouger les choses en provoquant des discussions avec les patrons du club.

Sauf que rien n'a changé.

« Depuis deux ou trois ans, je regarde un peu plus ce qui se passe à la date limite des transactions... Des fois, il y a des joueurs qui ne doivent pas être échangés, mais qui le sont. J'étais attentif à ce qui se passait avant la date limite. Ma demande [à la direction du Canadien], c'était juste de jouer au hockey. Je pense que c'était plus pour faire réagir Marc [Bergevin], pour faire réagir Claude Julien. Mais... »

Hudon n'a pu terminer sa phrase, et il est parti en ravalant quelques sanglots.

Peut-être pour la dernière fois.

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Charles Hudon