Claude Julien et Barry Trotz sont amis dans la vie. Ils échangent souvent durant la saison, ils se sont côtoyés avec Équipe Canada, ils ont des affinités. Les deux hommes sont des entraîneurs respectés dans la LNH, au CV étoffé, des gagnants de la Coupe Stanley.

Hier, ces deux hommes se sont livrés à une partie d'échecs fascinante. La différence est que les joueurs de Claude Julien l'ont laissé tomber dans une défaite crève-coeur de 2-1.

En fait, tout le monde était assez surpris de voir le pointage à 1-1 avec quelques minutes à jouer seulement en troisième période. Après tout, le Canadien avait été complètement dominé en première période et Claude Julien avait dû revoir toute sa stratégie. On y reviendra, d'ailleurs. Pour résumer, c'était 1-1 essentiellement grâce aux miracles de Carey Price.

Puis, avec trois minutes au cadran, Brett Kulak et Max Domi se sont mal compris alors qu'ils poursuivaient la rondelle dans le territoire des Islanders. Domi s'est fait prendre, puis Mathew Barzal et Anders Lee sont partis en deux contre un. Barzal a attendu, puis attendu encore, avant de servir une passe sublime à Lee. Échec et mat.

«C'était un 50-50 entre moi et Domi, a expliqué Kulak, qui s'en voulait terriblement. J'ai mal communiqué. Je voulais l'envoyer dans le fond, ça s'est terminé comme ça... Je ne sais pas si on s'est touchés, si je suis arrivé trop tard, puis il y a eu ce deux contre un.»

Claude Julien n'a pas voulu donner son avis sur le jeu en question. Il a recommandé simplement que l'on «regarde le match». En revanche, il avait ceci à dire sur la performance de ses joueurs.

«Peu importe la façon dont tu perds, c'est sûr que c'est frustrant. Il reste trois minutes. On a la chance d'aller chercher un point, peut-être deux. Dans notre situation, on a besoin de points, c'est sûr que c'est frustrant. Je sais que quelqu'un a dit que l'autre équipe semble prête pour les séries. Il faudra que des gars réalisent qu'on est en séries, qu'on doit jouer comme ils l'ont fait ce soir, avec plus de concentration, de meilleures décisions, une meilleure exécution.»

Une première période terrible

Claude Julien n'a surtout pas digéré la première période. Une période «totalement inacceptable», pour reprendre ses mots. C'est vrai, c'était pénible à regarder. Le Canadien a été déclassé, et c'est en grande partie parce que Barry Trotz a pu appliquer son plan de match à la lettre.

En fait, Trotz a si bien joué ses cartes qu'il a pratiquement toujours opposé son exceptionnel premier trio, celui de Lee, Barzal et Jordan Eberle, à celui de Jonathan Drouin, Jesperi Kotkaniemi et Jordan Weal. Le duel était inégal, le Canadien s'est fait piétiner.

Trotz a même trouvé le moyen d'envoyer son premier trio contre le quatrième de Claude Julien en première période. Ç'a été encore pire.

Claude Julien a réagi. Il en a vu d'autres. En milieu de deuxième période, il a d'abord inversé Paul Byron et Jonathan Drouin pour donner à son troisième trio plus de panache en défensive. Puis il a carrément recommencé à zéro avant la fin de l'engagement. Retour du trio Drouin-Domi-Shaw et retour du trio finlandais avec Lehkonen-Kotkaniemi-Armia.

Byron, Weal et Nate Thompson formaient l'autre unité, et chapeau à Claude Julien, c'est à ce trio nouvellement formé qu'il doit son seul but du match. Byron a bûché pour remettre à la pointe à Jordie Benn, qui a tiré tandis que tout le monde convergeait au filet. Puis, en début de troisième période, chaque trio est sorti avec plus de mordant.

La partie d'échecs entre les deux entraîneurs s'est poursuivie un moment... jusqu'à la terrible défaillance de Domi et Kulak.

Et il est là, le problème. Une telle erreur dans les dernières minutes d'un match, ça fait mal sur le coup, mais le hockey est un jeu d'erreurs. Ça arrive. En revanche, quand une telle erreur est le point d'exclamation d'une soirée où l'entraîneur a dû jeter son plan à la poubelle, c'est inquiétant.

Inquiétant parce que le Canadien, toujours exclu des séries, a bousillé sa chance d'améliorer son sort. Inquiétant aussi parce qu'on a vu avec la performance des Islanders que les autres équipes sont passées en mode séries.

«Des trios prennent des congés, des joueurs prennent des congés, a lancé Andrew Shaw, livide. Ils sont venus pour gagner. Ils voulaient gagner plus que nous.»

Il reste 11 matchs à la saison. Les congés attendront.

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En hausse: Jordie Benn

Il a marqué le but qui a redonné espoir au Canadien. C'était son cinquième de la saison, et c'est son sommet personnel. Benn avait besoin d'un remontant après ses récentes sorties plus difficiles. 

En baisse: Jordan Weal

On le disait hier matin, il avait un grand rôle pour la soirée. L'inefficacité de son trio a forcé Claude Julien à changer de stratégie. En avantage numérique, il a tué l'élan du Canadien avec une mauvaise passe vers Shea Weber. 

Le chiffre du match: 24 min 59 s

Temps de jeu de Jeff Petry, le défenseur le plus utilisé du Canadien