Vous avez 34 ans, bientôt 35. Vous faites partie des bons joueurs à votre position. Vous n'avez toujours pas gagné la Coupe Stanley. Vous évoluez dans une organisation qui n'y aspirera pas avant quelques années. Et votre contrat expire dans six mois.

Le commun des mortels analyserait froidement la situation et commencerait à soupeser ses options, à parler à des connaissances un peu partout dans la ligue, à analyser les besoins des autres équipes.

Pas Jimmy Howard. Le gardien des Red Wings, adversaires du Canadien ce soir, pourrait devenir joueur autonome en juillet prochain. Mais à ses yeux, la cause est déjà entendue.

«Ma décision sera simple. Je ne veux pas partir, martèle Howard. C'est ma maison. C'est ici que je veux jouer. Cette ville m'a donné beaucoup et compte beaucoup à mes yeux. J'ignore ce qui va se passer, mais j'aimerais finir ma carrière ici.»

Début de reconstruction

Les Red Wings sont en voie de rater les séries pour une troisième année de suite. L'équipe ne compte pas des tonnes d'espoirs de premier plan. En juin dernier, avec le 6e choix au total, les Wings ont repêché Filip Zadina, un espoir qui suscitait de grandes attentes. Zadina n'a toutefois que 19 ans et joue dans la Ligue américaine cette saison.

L'équipe de Ken Holland a repêché 10 joueurs en juin dernier, et 11 en 2017. La banque d'espoirs est pleine, mais il faudra attendre quelques années avant que ces joueurs aient un impact dans la LNH.

«Honnêtement, je comprends notre période de transition. Toutes les organisations passent par là. Tu veux toujours rester en haut, mais ça devient inévitable», explique Howard, joint au téléphone en cette journée de congé d'entraînement des Wings.

Howard aura 35 ans en mars prochain. Il n'a jamais gagné la Coupe Stanley (il faisait partie des réservistes, les «black aces», quand les Wings l'ont remportée en 2008).

«J'ai eu droit à ma journée avec la Coupe, mais mon nom n'y apparaît pas et je n'ai pas de bague. Je considère que j'ai fait partie d'une équipe qui a gagné, mais je ne me considère pas comme un gagnant de la Coupe.»

Il n'aura pas 10 autres chances de la gagner. Mais discrètement, il continue à se maintenir parmi les bons gardiens du circuit. Sans dire qu'il est un candidat au Vézina en dormance, disons qu'il n'obtient peut-être pas le mérite qui lui revient.

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EFFICACITÉ DES GARDIENS DE LA LNH DEPUIS OCTOBRE 2016 (MINIMUM 100 MATCHS JOUÉS)

1- John Gibson: ,912

2- Sergei Bobrovsky: ,923

3- Pekka Rinne: ,922

12- Jimmy Howard: ,915 (à égalité avec Ben Bishop, Braden Holtby, Matt Murray et Connor Hellebuyck)

19- Carey Price: ,912 (à égalité avec Henrik Lundqvist, Cam Talbot et James Reimer)

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Sa bonne tenue lui a d'ailleurs valu d'être sélectionné comme représentant des Red Wings au match des Étoiles 2019.

«Il y a trois, quatre ans, je ne savais pas si j'allais pouvoir continuer à jouer, rappelle-t-il, en référence à son déclin de 2015. Maintenant, je m'en vais au match des Étoiles! J'aime aller à l'aréna chaque jour, j'aime le processus de me préparer pour chaque match. Je vieillis, je sais que la fin approche, mais je continue à pousser toujours aussi fort.»

Attachement

Bref, Howard pourrait aider bien des équipes qui recherchent de la stabilité devant le filet (on salue ici nos lecteurs de Philadelphie et de Raleigh). Mais l'organisation des Red Wings exerce un pouvoir d'attraction certain sur ses joueurs, ce qui explique pourquoi les Niklas Kronwall, Jonathan Ericsson ou Justin Abdelkader ne sont jamais allés voir ailleurs.

«J'ai vraiment été choyé. Ça a été très facile pour ma famille. Je crois que c'est la raison pour laquelle j'ai connu du succès, parce que je n'ai pas eu ce stress de me promener partout, de trouver une nouvelle école pour les enfants», fait-il valoir.

Sur le simple plan du hockey, la décision de Howard peut faire sourciller. Ce serait toutefois oublier que les joueurs demeurent des humains qui tissent des liens, qui s'ancrent dans une communauté, et ces facteurs pèsent aussi dans la balance. C'est manifestement le cas de Howard, qui s'identifie aussi au renouveau de Detroit, une ville qui avait déclaré faillite en juillet 2013. Detroit n'a peut-être pas l'énergie de New York ou la beauté de Chicago, mais voir autant d'activité au centre-ville par un lundi après-midi nuageux et venteux de janvier en dit long sur les progrès faits en cinq ans.

«Je me souviens de mes premières années ici, personne ne se tenait au centre-ville, rappelle Howard. Maintenant, les gens y passent du temps, les hôtels sont remplis, tu peux aller au restaurant. Notre nouvel aréna a été construit dans le même secteur que les deux autres stades. Il y a beaucoup d'effervescence avec la renaissance de la ville et c'est excitant d'en faire partie.»

Reste maintenant à voir ce que décidera la direction des Wings. Mais une reconstruction se déroule toujours mieux avec un peu de stabilité devant le filet. On salue cette fois nos lecteurs d'Edmonton.

Canadien c. Red Wings, ce soir, 19h30