Il y a eu des tonnes de terribles contrats à travers les années. Certains ont fait frémir sur-le-champ même les plus ardents partisans, d’autres ont fait mal après quelques années. Chacun a son palmarès des pires fiascos.

On essaie encore de comprendre par quel miracle l’obscur Jeff Finger a reçu 4 ans et 14 millions des Maple Leafs de Toronto en 2008. La légende urbaine veut qu’il y ait eu erreur sur la personne ! On se prend la tête à deux mains en se rappelant que Rick DiPietro recevra 1,5 million par année des Islanders de New York jusqu’en 2029.

Mais à travers cet océan de contrats inexplicables, il y en a un qui ressort pour des raisons complètement différentes. C’est celui de Kevin Labanc, prometteur attaquant de 23 ans des Sharks de San Jose.

Labanc a signé le 8 juillet dernier un pacte… d’une saison et 1 million de dollars. Un fabuleux rabais pour un joueur qui avait obtenu 40 points en 2017-2018, puis vécu l’éclosion avec 17 buts et 39 aides l’année suivante.

Dans le vestiaire des Sharks, Labanc a accepté de revenir (probablement pour la 1000e fois) sur ce fascinant contrat. Il éclate de rire de bon cœur quand on lui souligne qu’il est devenu du jour au lendemain un incontournable dans chaque pool de hockey avec masse salariale.

« Nous n’avions pas beaucoup d’espace sous le plafond à San Jose, a-t-il répondu plus sérieusement. On ne trouvait pas vraiment de terrain d’entente. Je voulais seulement penser à la prochaine saison pour jouer un plus grand rôle au sein de l’équipe. On veut gagner la Coupe Stanley. »

Avec le salaire que j’ai accepté, ça peut aider le directeur général Doug Wilson à faire ce qu’il a à faire pour aider l’équipe.

Kevin Labanc

Concrètement, il est vrai que Labanc n’avait pas une très grande marge de manœuvre. Son patron avait déjà offert la lune au défenseur étoile Erik Karlsson (8 ans et 92 millions) et dignement payé Timo Meier (4 ans et 24 millions). Il était également joueur autonome avec restriction, sans droit d’arbitrage, ce qui lui offrait peu d’arguments de négociation. Seuls les meilleurs des meilleurs, comme Patrik Laine, Mitch Marner ou Mikko Rantanen, peuvent se permettre de maintenir la ligne dure.

N’empêche, la générosité de Labanc aura permis à Wilson de garder le vétéran Joe Thornton, et même de ramener Patrick Marleau. Le sacrifice financier n’aura certainement pas été vain.

« D’avoir ces joueurs nous aide tellement et nous donne tellement de munitions. D’avoir accepté ce contrat aide vraiment l’équipe. Je sais que c’est un pari pour moi personnellement, mais je sais que l’équipe est bonne et qu’on saura le montrer dans les prochains matchs. »

Les contrecoups

Labanc n’avait pas beaucoup de leviers de négociation, c’est vrai, mais ça n’a pas empêché plusieurs autres joueurs dans sa situation de passer à la banque.

Alex Kerfoot, par exemple, a reçu 14 millions sur 4 ans. Andreas Johnsson a obtenu 13,6 millions sur 4 ans, et Kasperi Kapanen, 9,6 millions sur 3 ans. Impossible de voir ce contrat autrement que comme la bonne vieille incarnation de l’expression sportive « miser sur lui-même ».

L’argent va se régler tout seul. Je veux penser au hockey et me concentrer sur où est rendue l’équipe. On doit seulement gagner des matchs. C’est un pari, mais on veut gagner, et c’était mon état d’esprit.

Kevin Labanc

Labanc sera encore joueur autonome avec restriction à la fin de la saison, à la différence qu’il aura cette fois droit à l’arbitrage salarial. Il aura au moins un outil de plus à la table de négociation. Il a aussi la possibilité, évidemment, de connaître une autre saison intéressante et de tordre le bras de la direction.

Cela dit, Labanc connaît un début de saison modeste : 2 buts et 2 aides en 9 matchs. Il a été montré du doigt par son capitaine Logan Couture pour le mauvais changement qui a mené à la victoire des Sabres de Buffalo en prolongation, mardi. « Un jeu égoïste », en a dit Couture. Labanc jure qu’il a appris de son erreur.

Malgré tout, il complétait hier un trio avec Evander Kane et Tomas Hertl, deux joueurs qui ont pris beaucoup d’aplomb récemment. Hertl compte 6 points à ses 4 derniers matchs, et Kane a connu une soirée de 3 buts et 1 aide le 16 octobre dernier contre les Hurricanes de la Caroline. Bref, l’entraîneur-chef Peter DeBoer lui a donné les partenaires nécessaires pour « parier sur lui-même » et gagner.

« Hertl et Kane sont d’excellents attaquants et c’est difficile de leur enlever la rondelle en zone offensive. On peut offrir beaucoup offensivement, mais on doit s’assurer d’être bons défensivement sans perdre la rondelle inutilement dans notre zone. »

Entre-temps, Labanc admet qu’il n’est pas sorti sans égratignure de sa dernière négociation. À la différence que ce ne sont pas ses patrons ou les partisans qui l’ont pris à partie, mais plutôt ses propres collègues qui ont remis en question son choix. Dans un monde de gros sous où tous les contrats sont publics, il était évident que certains verraient d’un mauvais œil un joueur de 56 points accepter un salaire annuel de 1 million. Qu’il l’ait fait pour son équipe ou non.

« Quelques-uns de mes amis à travers la ligue m’ont demandé ce que j’avais fait en acceptant ce contrat. Certains n’appuieront pas ma décision, d’autres diront au contraire que je suis un bon gars d’équipe. C’est ce que c’est, et je suis heureux de ma situation. »

Rendez-vous dans un an pour savoir si Labanc aura eu le dernier mot.