Le dossier Cale Fleury commençait à faire jaser. Et pour cause. Pour beaucoup, il était parfaitement illogique qu’un défenseur de 20 ans, espoir de premier plan de surcroît, soit condamné à assister aux matchs de la tribune de presse. Sa place était sur la glace, à Montréal, ou même à Laval, s’il le fallait.

Après quatre matchs où il a été laissé de côté, il semble bien que Fleury sera de retour dans la formation du Canadien, ce soir, contre le Wild du Minnesota. L’attente a assez duré.

C’est Fleury lui-même qui l’a annoncé au détour d’une question, sans doute trop impatient de partager la nouvelle. Remarquez, il ne l’a pas dit comme si c’était un fait accompli, il s’est gardé une petite gêne : « Je suis pas mal sûr que je joue. »

Claude Julien n’a rien confirmé non plus, si ce n’est qu’il a rappelé qu’un défenseur en développement doit disputer des matchs.

« Il y a des grosses possibilités qu’on le voie, a répondu l’entraîneur-chef. On lui a dit de se préparer, la décision finale va être prise [aujourd’hui]. Soit on lui donne la chance de revenir, soit on l’envoie à Laval. D’une manière ou d’une autre, à son jeune âge, il faut que Cale Fleury soit capable de jouer sans passer trop de temps dans les [gradins]. »

Pour essayer de mieux comprendre ce que vit le jeune homme, petit tour à Laval, où un vétéran de l’organisation a, lui aussi, lutté pour faire sa place à 20 ans dans la grande ligue. Un certain Karl Alzner, toujours aussi heureux de recevoir de la visite.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Karl Alzner joue actuellement avec le Rocket de Laval.

Alzner a commencé sa carrière dans la LNH à 20 ans et 63 jours, encore plut tôt que Fleury. Onze ans et 682 matchs plus tard, il a le recul nécessaire pour repenser à ses débuts. Il a été rappelé par les Capitals de Washington à la fin de novembre 2008 et n’est ressorti de la formation qu’en février 2009. Il remercie ses entraîneurs d’alors de lui avoir fait confiance dans les bons moments comme dans les mauvais.

À ce moment, je m’attendais à être laissé de côté plus souvent. Quand j’y repense, je me rends compte que c’était la meilleure chose, de me laisser jouer malgré mes erreurs. Bon match, mauvais match, ça ne changeait rien.

Karl Alzner

« Je me rappelle, je crois, une seule fois où on m’avait laissé de côté après un mauvais match, a dit Alzner. C’était parfait pour ma confiance, de savoir qu’ils étaient derrière moi et qu’ils me laisseraient passer au travers de tout ce que je pouvais vivre. Quand tu es laissé de côté, tu commences à penser à ce que tu aurais pu faire de mieux. C’est dur, surtout pour un jeune.

« Après, les vétérans ont retrouvé la santé, je suis retourné dans les ligues mineures, mais je jouais encore. C’était l’important. Tu n’apprends pas grand-chose en regardant, selon moi. »

Cela dit, Alzner conseille pour l’instant à Fleury d’absorber le plus d’information possible dans un vestiaire de la LNH, et surtout, de ne pas en faire une affaire personnelle. Il ajoute qu’à son avis, c’est une question de temps avant que Fleury devienne un régulier dans la LNH.

Pas si mal que ça

Pour l’entraîneur du Rocket Joël Bouchard, qui a commencé sa carrière de joueur dans la LNH à 21 ans et des poussières, Fleury ne vit rien de bien terrible en ce moment. Il faut relativiser.

« Il pratique avec des gars de la LNH, il regarde des gars de la LNH. Marc et Claude prendront la décision, peu importe ce qu’elle sera. Mais il n’y a rien de négatif pour un jeune à côtoyer un environnement de la LNH avec Shea Weber, Brendan Gallagher, Carey Price. Si ça faisait trois mois et demi qu’il ne jouait pas, on dirait autre chose.

« Il faut être réaliste et objectif. Il ne faut pas penser qu’il est chez lui à jouer aux échecs. Il est dans les entraînements avec des gars de la LNH. Il apprend, à force de les côtoyer ou de regarder d’en haut. »

D’ailleurs, cette idée d’« apprentissage » nous ramène au dernier match de Fleury, contre les Maple Leafs de Toronto. Il s’était fait piéger par William Nylander dans sa zone, après une passe molle, ce qui avait mené à un but d’Auston Matthews. Quelques instants plus tard, de retour au banc, Shea Weber lui expliquait calmement son erreur. C’est évidemment ça l’avantage de rester avec le grand club, profiter des conseils des meilleurs. 

Je suis sur la glace chaque jour avec les meilleurs joueurs au monde. On a de très bons défenseurs ici que j’admire. Dans une situation comme celle à Toronto, Shea Weber me disait de tout oublier, et surtout de rebondir.

Cale Fleury

Dans tous les cas, Fleury ne croit pas que la pause de 10 jours aura trop de conséquences sur son jeu. Il s’estime capable de retrouver rapidement le rythme, après quelques présences d’ajustement. Et il sait très bien qu’il aura encore beaucoup à montrer, s’il joue contre le Wild, malgré un camp qui a laissé une forte impression.

« C’est tôt dans la saison. Je dois faire mes preuves. Si je joue bien, je vais avoir mes chances. Je ne dois pas trop réfléchir à ma présence dans la formation. On a huit défenseurs. Comme recrue, je dois mériter ma place. »