(Ottawa) Vendredi matin, Thomas Chabot s’est réveillé en étant l’un des joueurs nés au Québec les mieux payés annuellement en moyenne de l’histoire du hockey.

Plus que Vincent Lecavalier et ses 7,727 millions. Plus que Kristopher Letang, à 7,25 millions. Plus aussi que Marc-André Fleury et Marc-Édouard Vlasic, à 7 millions. Chabot a accepté un contrat de 8 ans, à 8 millions par saison, qui entrera en vigueur à la fin de la présente campagne. En fait, Patrick Roy (8,5 millions) et Mario Lemieux (11,3 millions) ont touché plus en moyenne annuellement, mais c’était à une époque avant le plafond salarial.

« Je ne le savais pas, c’est ce qu’on m’a dit, a admis Chabot avec un petit rire gêné. C’est assez spécial. En tant que Québécois, depuis que je suis tout petit, j’ai toujours été un fan des gars d’ici dans cette ligue. C’est spécial pour ma famille et moi. »

Sa famille, c’est à elle qu’il a pensé en premier quand il a signé au bas de la feuille. Son père François, enseignant au primaire, sa mère Claude, coiffeuse à la retraite, son frère Pierre-Alexandre aussi, qui ont toujours été à ses côtés depuis ses premiers coups de patin en Beauce. Il se promet d’offrir un petit quelque chose à ceux qui lui ont permis de se rendre là où il est aujourd’hui, et qui, sans aucun doute, lui garderont les deux pieds sur terre.

« Je me plais à dire que mes parents ont quasiment gâché toutes leurs fins de semaine depuis qu’on est jeunes. Avec mon frère et moi à l’aréna, ils ne pouvaient jamais partir en vacances. Ils l’ont fait parce qu’ils voulaient, ils aimaient ça, mais ils se sont privés de tellement de choses. C’était un match pour moi, un match pour mon frère, chaque jour de la fin de semaine. C’est grâce à eux si je suis ici. »

Au-delà des questions d’argent pour Chabot, cette mise sous contrat est un puissant message envoyé par les Sénateurs d’Ottawa à leurs partisans, et au monde du hockey en général. Un message, avouons-le, assez rassurant pour une équipe devenue le paratonnerre de la LNH. Les déboires de l’organisation pourraient remplir un roman.

Le propriétaire mal-aimé Eugene Melnyk avait une réputation à reconstruire auprès d’une clientèle désillusionnée. Les joueurs aussi avaient besoin d’une saison où ils n’auraient pas à craindre, encore, la date limite des transactions.

Il n’y a pas si longtemps, la masse salariale des Sénateurs manquait de sérieux, et il était difficile de se projeter dans l’avenir sans aucun jeune talent sous contrat à long terme. Le directeur général Pierre Dorion a renversé la tendance en offrant six ans de contrat à Colin White, puis huit à Chabot. Un signe évident que les jeunes « veulent bâtir quelque chose ensemble », explique Chabot.

C’est d’ailleurs cette perspective d’évoluer entouré de jeunes coéquipiers appréciés qui a enchanté le défenseur de 22 ans. À travers les épreuves de la dernière saison, Chabot avait d’ailleurs inlassablement vanté le groupe qui l’entourait. Et à l’été, c’était devenu évident que les Colin White, Brady Tkachuk et compagnie allaient peser lourd dans la balance.

« Tu as la chance d’être dans une équipe de la Ligue nationale qui parle de rebâtir et tu as la chance d’être un des gros morceaux dans l’équipe. J’étais juste excité de ça. Le fait aussi d’avoir la chance d’être avec Colin et Brady et plusieurs autres jeunes qui s’en viennent. On peut bâtir ensemble pour les années à venir. Je voulais rester ici à long terme. J’adore la ville, j’adore les partisans, j’adore tout le monde ici. C’est certain que quand j’ai eu l’offre, ce n’était même pas hésitation. »

Le visage de l’équipe

Chabot n’a même jamais pensé à un contrat pont, redevenu à la mode avec les joueurs autonomes avec restriction. Zach Werenski l’a fait à Columbus, Charlie McAvoy à Boston, Ivan Provorov à Philadelphie. Pas question pour Chabot. Il visait le long terme. C’est ce que les Sénateurs voulaient aussi, les négociations se sont déroulées rondement durant l’été.

Évidemment, le nouvel entraîneur D. J. Smith se réjouit de voir la stabilité s’installer au sein de sa formation. Même qu’il s’emballe un peu vite quand il parle du message envoyé par l’organisation par les récentes signatures de contrats.

« Le message est qu’ils sont déterminés à construire le noyau de cette équipe ensemble. C’est vraiment excitant d’avoir pu s’entendre à long terme avec White et Chabot. On va bâtir avec eux. Les équipes qui gagnent des titres et sont compétitives pendant longtemps, ce sont celles qui ont grandi ensemble. Les gars se tiennent ensemble pendant les entraînements, ils s’amusent. On essaie d’avoir un duo qui peut mener l’équipe, un peu à la Bergeron et Marchand à Boston. »

C’est un peu prématuré. N’empêche, c’est vrai que Chabot est devenu le visage des Sénateurs. Comme Daniel Alfredsson, ou Erik Karlsson avant lui. Sa dernière saison de 14 buts et 41 aides a fait de Chabot un incontournable à Ottawa et à travers la LNH. Il est le quart-arrière de la défense et de l’avantage numérique, en plus d’être le représentant d’une génération dans le vestiaire.

Si les Sénateurs devaient un jour retrouver la gloire, ce sera en grande partie grâce à lui.

« Être le visage de l’équipe vient avec mon contrat, a admis Chabot. Je serai ici pour les neuf prochaines années. Nous sommes prêts, Brady, Colin et moi, à se partager ce statut.

Je ne me mets pas de pression avec ça. Quand on pense à cette année, un peu tout le monde prédit que nous finirons au dernier rang de la LNH. On rentrera à chaque match avec l’idée de faire du mieux qu’on peut et essayer de surprendre. »