Steve Ott, Andreas Martinsen, Dwight King, Brandon Davidson, David Schlemko, tous acquis par voie de transaction...

Karl Alzner, mis sous contrat à hauteur de 4,625 millions par année, pour cinq ans.

Alexander Radulov et Andreï Markov, partis sous d’autres cieux après des négociations infructueuses.

Voici la succession des mauvaises décisions de Marc Bergevin entre février et juillet 2017. C’était une séquence atroce. Il y a bien eu durant cette période la transaction pour Jonathan Drouin, dont le jury n’a pas encore rendu son verdict. Mais pour le reste, le directeur général a perdu pari après pari.

BERNARD BRAULT, LA PRESSE,

Alexander Radulov

La saison suivante, le Canadien de Montréal, et c’était prévisible, a connu une saison historiquement mauvaise. À l’issue de celle-ci, la grogne des partisans et des analystes était à son comble. À peu près tout le monde s’attendait à ce que Bergevin paie pour ses erreurs. Le moment aurait été parfait, personne n’aurait rien trouvé à redire. 

Pourtant…

Pourtant, au matin du bilan, le 9 avril 2018, Geoff Molson est apparu aux côtés de son DG et a décidé de lui laisser une autre chance. Molson a promis des changements, beaucoup de changements, et Bergevin a présenté au monde la désormais célèbre «attitude». Le propriétaire avait prévenu de cette propension à la stabilité au moment de l’embauche de Bergevin. À travers la tempête, il tenait parole.

«Quand j’ai commencé, on a traversé un moment où l’équipe était pas mal forte», a dit Molson au tournoi de golf annuel de Canadien, ce matin. «On a bien fait.»

«Il y a deux ans, après la saison décevante, on s’est regardés dans le miroir. On s’est dit qu’il fallait faire des changements. Ce qu’on avait n’était pas assez. On a vu beaucoup de changement l’été passé, et on a eu d’excellents choix au repêchage. J’ai confiance qu’on est en train de bâtir quelque chose de très bon. Je suis très satisfait de ce qui s’est passé dans les 15, 16 derniers mois.»

À l’été 2018, signe qu’il avait vraiment carte blanche, Bergevin a échangé Alex Galchenyuk pour Max Domi. La décision était audacieuse après les deux saisons terribles de 9 buts de Domi. Force est d’admettre aujourd’hui que Bergevin a gagné la transaction : Domi est devenu le joueur de caractère qu’il cherchait, ainsi que le meilleur marqueur de l’équipe. Sans oublier qu’il s’est révélé un formidable ambassadeur pour l’équipe et la ville, dont il vante les mérites sur toutes les tribunes.

BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Alex Galchenyuk et Max Domi au Centre Bell le 23 janvier dernier.

Quand Bergevin a passé Max Pacioretty aux Golden Knights de Vegas un peu plus tard, on se réjouissait surtout de l’arrivée de Nick Suzuki, un superbe espoir. C’est pourtant Tomas Tatar qui s’est distingué, avec 25 buts et 33 aides, même s’il n’était qu’une arrière-pensée après un passage sans lustre à Vegas. Encore une victoire pour Bergevin.

Puis, il y a eu la sélection, un peu champ gauche, de Jesperi Kotkaniemi au repêchage. Le reste est connu de tous. Sa saison recrue a dépassé les attentes.

Nouveau départ

Avec pour résultat qu’une équipe qui semblait d’emblée exclue des séries s’est battue jusqu’à la dernière minute et a raté la «deuxième saison» par trois points seulement. Trois points. Imaginez, le Canadien a perdu 17 fois par un seul but la saison dernière. Quelques buts ici et là, et ça y était.

Pour Geoff Molson, il est clair que la seconde vie du Canadien valait aussi pour Marc Bergevin. En apparence, le compteur est reparti il y a «15, 16 mois».

ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Artturi Lehkonen, Shea Weber et Charles Hudon.

Reste que le propriétaire n’est certainement pas prêt à accepter l’échec ad vitam aeternam. Il y a ses vétérans, Shea Weber et surtout Carey Price, qui ont clairement fait savoir qu’ils voulaient gagner. Il y a les partisans aussi, qui finiront par en avoir assez de balancer leurs dollars-loisirs sur des billets onéreux. D’ailleurs, la séquence de salles combles du Centre Bell s’est conclue dans la discrétion en octobre 2018, après 15 ans sans interruption.

La réalité reste que si le Canadien rate les séries la saison prochaine, ce sera pour la troisième fois de suite, la quatrième fois en cinq ans. Ce sera une période d’insuccès comme celle au tournant du millénaire qui procure encore une certaine dose de frissons aux partisans.

Dans ce contexte, si, on dit bien si, le Canadien devait être exclu des séries, Molson songerait-il à apporter des changements dans la haute direction? On lui a posé la question.

«Si on regarde les recrues, même les vétérans, c’est une équipe avec beaucoup de potentiel. J’ai hâte de voir comment ça va se dérouler. Je ne pense pas à la fin de la saison. Ça dépend de plusieurs situations, mais j’ai confiance en Marc et en son équipe.»

Est-ce à dire qu’en ce moment, Molson se projette sur le long terme avec Bergevin?

«Je ne pense pas comme ça. On commence l’année, on va bien performer, on verra comment ça se déroule durant la saison.»

ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jesperi Kotkaniemi

À quelques secondes d’écart dans les réponses, une profession de foi pour son DG, puis un refus de garantir qu’il traverserait une autre exclusion des séries. Un Molson qui veut gagner tout de suite, contre un Molson qui veut gagner longtemps. Bergevin sent-il une pression supplémentaire?

« Non. Je gère ma pression au quotidien. C’est bâtir l’équipe à court terme et à long terme. Faire quelque chose pour une année mais qui va nous faire du mal dans les années suivantes, je ne suis pas prêt à le faire. Comme gestionnaire, je gère les risques et les récompenses. Je vais continuer dans la même direction. (…)

«Le but est de faire les séries. Avec la parité dans la LNH, il y a une douzaine d’équipes qui vont se battre pour faire les séries et on fait partie de ce groupe. Avec ce qu’on a appris l’an passé, la motivation et l’engagement, je crois qu’on s’en va dans la bonne direction. Pas juste pour cette année, pour les prochaines années.»