(Sherbrooke) Année après année, David Perron est fidèle au rendez-vous. « Chaque fois qu’il revient de St. Louis, il s’en va là pour manger une poutine ! C’est comme un rituel. Nous, on y va presque toutes les semaines », raconte François, père du joueur.

« Là », c’est chez Louis Luncheonette, institution datant de 1949, qui se décline aujourd’hui en trois établissements. Les trois sur la King, vous l’aurez deviné.

Alors, comme chaque année, David Perron est allé faire son tour chez Louis. Mais cette fois, il avait de la compagnie. Hier, en fin de matinée, il est débarqué à la succursale la plus à l’est avec sa copine, ses enfants, une vingtaine de proches et un certain Howie Borrow, qui travaille pour le Temple de la renommée du hockey.

Si Howie Borrow accompagnait Perron, c’est parce que le joueur passait la journée avec la Coupe Stanley, notamment dans le but de manger une poutine dans ladite coupe. « On lui a servi le format familial, nous explique une employée. David en servait à tout le monde. On l’a toute nettoyée par après, on l’a rendue belle. »

« M. Ellyson a fermé le restaurant pour nous, explique François Perron. Pierre, je le connais de longue date. Lui, il ne s’en souvient pas, parce qu’on a une bonne différence d’âge. Mais je travaillais dans un petit magasin de fruits et légumes. Dans ce temps-là, M. Ellyson achetait tous ses produits, ses oignons, là-bas. On les livrait et on mangeait là.

« On a été bien reçus. »

On se fait parfois des idées de grandeur de la Coupe Stanley, parce qu’elle est gagnée par des athlètes d’élite, les meilleurs de leur sport, qui jouent dans les plus grandes métropoles de l’Amérique du Nord, dans une industrie qui génère des milliards de dollars. Mais des journées comme hier nous rappellent que certains de ces joueurs, bien que millionnaires, ont des rêves et des projets bien terre à terre.

Cet été, les joueurs des Blues de St. Louis ont droit tour à tour à une journée avec la Coupe Stanley. Aujourd’hui, le trophée sera à Montmagny avec Samuel Blais. Hier, elle était dans la région de Sherbrooke.

On vous parlait de la poutine, mais ce n’est pas la seule chose qui a été servie dans le trophée de Lord Stanley. « On a mangé des céréales dans la Coupe, avec du lait au chocolat ! », décrit Perron, avec l’enthousiasme d’un enfant.

« J’habite au lac Memphrémagog maintenant. Ça aussi, c’était mon rêve, en grandissant : d’avoir la chance, si je faisais une profession ou si je jouais au hockey, de me permettre une propriété autour de ce lac-là. Et de pouvoir manger des céréales dans la Coupe, au lac Memphrémagog, ce sont deux rêves que j’ai pu réaliser la même journée. Je suis content que mes enfants vivent ça aussi. »

Et puis il y a eu la partie de hockey-balle, avec la Coupe comme enjeu symbolique. « On a fermé la rue Allard, chez mes parents, pendant environ une heure, et on a joué un match comme quand j’étais petit. C’était important de faire ça avec mes amis, mon frère et ses amis. »

Obstacles surmontés

Pour le grand public, le clou de cette journée a été la présentation de la Coupe Stanley au Palais des sports de Sherbrooke. Le numéro 57 des Blues y a été chaleureusement accueilli. Il rendait ensuite la pareille au public en permettant à environ 300 familles de se faire prendre en photo avec lui et le gros trophée.

Un accueil bien mérité pour un athlète qui, pour bien des raisons, aurait très bien pu ne jamais même s’approcher de la LNH. À 16 ans, il jouait dans le midget B. À 17 ans, dans le junior AAA, au moment où le joueur typique de la LNH dispute sa deuxième saison dans la LHJMQ. Il a dû attendre l’âge de 19 ans avant d’être repêché. Et une fois dans la LNH, une grave commotion cérébrale lui a fait rater un an d’action.

« Quand je me suis rendu dans le junior majeur, et dans la Ligue nationale, mes embûches n’étaient pas finies. Avec les commotions, ce n’était pas facile. Aussi, j’ai eu des saisons plus difficiles à Pittsburgh. Donc, oui, de retrouver ma carrière depuis quelques saisons, d’avoir un impact sur un gros match comme je l’ai eu dans le match numéro sept, c’est le fun. »

Le voici, à 31 ans, en train de connaître les meilleurs moments de sa carrière. Il vient d’inscrire 23 buts et 23 passes en seulement 57 matchs. L’année précédente, à Vegas, c’était sa campagne la plus productive dans la LNH : 66 points en 70 matchs. Perron a aussi atteint la finale de la Coupe Stanley lors des deux derniers printemps. Et il y parvient dans une ligue que l’on dit plus jeune et plus rapide que jamais.

« Je suis très fier de ça, parce que justement, c’est une ligue de jeunes. Je trouve ça incroyable de voir les jeunes rentrer dans la ligue. Ils sont prêts, prêts physiquement, ils savent plus rapidement comment jouer dans un système, parce que ce sont de très bons joueurs.

« De mon côté, je vais travailler le plus fort possible pour durer plus longtemps dans la LNH. Effectivement, mon coup de patin n’a jamais été ma force. Mais je tire mon épingle du jeu malgré la vitesse, malgré la tendance jeunesse de la ligue. »

Deux de suite ?

Les Blues ont maintenant la lourde tâche de remporter une deuxième Coupe Stanley de suite. Depuis le doublé des Red Wings en 1997 et en 1998, l’exploit semble pratiquement irréalisable, sans doute une conséquence du bogue de l’an 2000. Seuls les Penguins y sont parvenus, en 2016 et en 2017.

Une partie du défi réside dans le fait que l’été est court pour les champions. Les Blues ont conclu leur saison le 12 juin. Les joueurs exclus des séries ont donc deux mois d’avance dans leur préparation sur ceux des Blues et des Bruins.

« Il y a encore de petits bobos qui traînent, admet Perron. C’est difficile de s’entraîner à fond, mais ça fait deux années de suite que je le vis, donc je sais un peu à quoi m’attendre. Je n’ai pas eu de misère l’an passé, donc ça devrait être la même chose cette année. »

Pour la motivation, par contre, ça ne devrait pas être un problème.

« J’ai dit ce matin en entrevue que ça ne me dérangerait pas de ne plus jouer un match de séries de ma vie. Je le pense encore un peu, mais avec ce qu’on a vécu dans les dernières semaines… Il y a des fois où je suis seul dans ma chambre à regarder des vidéos, et les larmes qui coulent tellement que c’est le fun à voir. Pourquoi ne pas essayer de le revivre ?

« En espérant pouvoir dire un jour la citation de Patrick Roy à Jeremy Roenick, quand il avait dit qu’il avait deux bagues dans les oreilles et qu’il ne pouvait pas entendre ce que Jeremy lui disait. J’espère pouvoir dire ça à mes chums quand ils vont m’écœurer ! »

Poutine, ailes de poulet et… salade !

On vous parlait plus haut de Howie Borrow. Il est l’un des quatre employés mandatés par le Temple de la renommée du hockey pour surveiller la Coupe Stanley. Et il a lui aussi eu la chance de manger de la poutine dans le saladier d’argent. « J’en ai mangé un peu, c’était très bon. J’en avais déjà mangé, mais c’est bien meilleur dans le bol, aucun doute ! » Borrow sillonne l’Amérique du Nord et l’Europe, ce qui lui a permis de voir bien des spécialités régionales servies dans la Coupe. « J’ai vu de la crème glacée, des céréales, du spaghetti, des pierogi, des ailes de poulet, du caviar, tout ce que l’on peut imaginer ! Les joueurs cherchent souvent à faire quelque chose de nouveau. Ryan O’Reilly a mis de la salade dans le bol, et ça, je pense que c’était une première ! » Borrow doit évidemment veiller à l’intégrité du trophée. « Il faut faire attention avec les ustensiles en métal, car on ne veut pas égratigner la Coupe. Les ustensiles en plastique sont préférables. Quand il n’y en a pas, il faut simplement faire attention. Parfois, on va mettre un papier d’aluminium au fond, ou la nourriture sera servie dans un plat de plastique, que l’on va déposer dans la Coupe. Il faut faire ce qu’il y a de mieux pour la Coupe. »