Si Carey Price est vu comme le corps et l'âme du Canadien, Henrik Lundqvist est tout aussi essentiel aux succès des Rangers de New York. Mais c'est là que les comparaisons entre les deux gardiens s'arrêtent.

Le premier est de nature discrète. Ses contacts avec les médias semblent de plus en plus réduits. L'attention dont il bénéficie en tant que vedette d'une véritable institution montréalaise, il s'en passerait volontiers.

Le deuxième court après les projecteurs. Son site web personnel a publié un article relatant ses cinq meilleures apparitions en page couverture d'un magazine; quatre des revues n'étaient même pas des publications sportives! Il a joué de la guitare à l'émission de Jimmy Fallon et, plus récemment, il a arrêté des tartes à la citrouille que le célèbre animateur lançait sur lui avec un bâton de hockey.

Disons qu'on imagine mal Carey Price sur le plateau d'Éric Salvail en train de faire des pitreries avec l'animateur.

Si on cherchait un équivalent, il faudrait plutôt se tourner vers P.K. Subban. «C'est important de pouvoir se changer les idées. Quelle meilleure façon que de bâtir ta propre image de marque?», a noté le défenseur du Canadien.

La quintessence du New-Yorkais

«Henrik n'est pas un simple joueur de hockey. C'est une célébrité», estime John Rosasco, vice-président des relations publiques des Rangers, qui doit filtrer un nombre «considérable» de demandes pour son joueur.

Lundqvist est notamment apparu en couverture du Gotham Magazine et d'un catalogue de la chaîne Bloomingdale's. Tag Heuer s'est associé à lui pour créer une montre. Vanity Fair l'a nommé, deux années de suite, parmi les hommes mieux habillés. Head & Shoulders l'a choisi pour jouer dans une publicité de shampoing en Suède. Il possède son propre restaurant dans TriBeCa, haut lieu de l'élite new-yorkaise.

Son site web personnel présente les rubriques «Music», «Fashion» et «Crown Collection», sa propre collection de vêtements.

Gerald Eskenazi a justement écrit l'article à son sujet dans Gotham. Ce vénérable journaliste a commencé à couvrir les Rangers de New York en 1964. Il a vu neiger.

«C'est assez ironique. À mes débuts, le directeur général et entraîneur des Rangers, Emile Francis, était effrayé par Manhattan, raconte M. Eskenazi. Selon lui, tout ce que les joueurs pouvaient faire à Manhattan, c'était de s'attirer des problèmes. Donc il demandait aux joueurs d'habiter Long Beach, une banlieue éloignée.

«Puis, dans les années 70, le propriétaire voulait que ses joueurs s'intègrent davantage à New York. Les Rangers, à l'époque, n'avaient rien de new-yorkais. Ils n'habitaient pas Manhattan, c'étaient de petits Canadiens qui venaient de petites villes. Le proprio voulait que les joueurs sortent dans les bars autour de l'aréna!

«Et là, je rencontre Henrik Lundqvist, qui vit ici, qui se promène avec ses enfants en ville, qui est bien en vue, qui est bien habillé. Il m'intriguait.»

Quand on demande à M. Eskenazi à quoi il compare l'ascendant de Lundqvist sur la métropole, il répond avec des noms comme Mark Messier, Rodrigue Gilbert ou même Ron Duguay, un autre beau gosse qui était en symbiose avec sa ville d'adoption. «Mais il ne transcendait pas le hockey», rappelle-t-il.

«Henrik incarne la quintessence de New York, ajoute M. Eskenazi. Peu d'athlètes vivent dans l'île. On a plusieurs équipes, mais elles ne jouent pas toutes ici. Les Jets et les Giants sont au New Jersey. Les joueurs des Rangers habitent souvent à Westchester [près du centre d'entraînement]. Henrik symbolise la nouvelle génération.»

Au bon endroit

Le monde de hockey a toujours été un peu frileux envers les athlètes qui «sortent du lot». Mais avec ses performances sur la glace, avec son incroyable séquence de 9 saisons de 30 victoires (et il en a signé 24 lors de la saison du lock-out en 2013), Lundqvist s'assure que ses ambitions hors glace ne sont pas critiquées.

«C'est tellement une bonne personne, il est facile à diriger et c'est notre meilleur joueur, lance son entraîneur-chef Alain Vigneault. C'est l'image des Rangers de New York.

«Il doit dépenser un peu d'argent sur ses habits... ce ne sont pas des affaires de seconde main! poursuit Vigneault, en riant. Mais dans sa façon de se comporter, pour marcher de l'hôtel à l'aréna, pour prendre l'avion, c'est comme s'il allait travailler. Et c'est ce que je dis aux joueurs, de s'habiller comme s'ils allaient au travail.»

«Je n'ai jamais eu de coéquipier comme lui, admet l'attaquant Derick Brassard. Mais même s'il a plusieurs projets extérieurs, sa concentration est d'abord sur le hockey.»

«Ma concentration a toujours été sur le hockey, mais quand tu vis à New York, tu as la chance d'explorer plusieurs choses et ça me plaît, estime Lundqvist. J'aime aussi pouvoir m'éloigner du hockey, me concentrer sur autre chose. Ça m'aide à mieux jouer. Ça me donne de l'énergie quand j'arrive à l'aréna et que je n'ai pas pensé au hockey 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

«À l'extérieur de la glace, mon plus grand projet, ce sont mes enfants. J'en ai deux et ç'a été un changement au cours des dernières années. Mais New York est une ville formidable. Tu te laisses inspirer par plein de choses différentes.»

L'ancien des Yankees Derek Jeter vient certainement en tête de liste quand on pense aux athlètes qui ont transcendé leur sport à New York. Visiblement, il faut ajouter le nom de Lundqvist dans cette catégorie.

«À New York, c'est très dur pour un athlète de se démarquer, en raison de toutes les équipes qui jouent ici, rappelle Gerald Eskenazi. Mais quand tu y parviens, ta voix est plus forte. Comme l'a chanté Frank Sinatra, If I can make it there, I'll make it anywhere

Photo Chris Young, archives PC

Vanity Fair a nommé deux années de suite Henrik Lundqvist parmi les hommes les mieux habillés.