Verra-t-on bientôt des constructeurs automobiles apposer leur logo sur le chandail du Canadien?

Le chef des opérations de la LNH John Collins indiquait récemment que la publicité sur les chandails des équipes de la LNH, «ça s'en vient». Ce commentaire, rapporté par le Sports Business Daily, a soulevé des craintes aux quatre coins de la ligue.

C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles le commissaire Gary Bettman a tempéré les propos de son adjoint, hier à Toronto, en indiquant qu'il n'était pas chaud à l'idée de se lancer tout de suite dans l'aventure.

«On va voir ce qui va se passer dans les autres sports et juger l'ampleur de cette opportunité», a indiqué Bettman en marge de la conférence Prime Time Sports Management.

Mais le commissaire a admis que si la ligue constatait qu'il y avait des «cargaisons d'argent» à faire, sa position pourrait changer.

«C'est une chose que nous ne chercherons pas à initier, a-t-il précisé. On pourrait finir par être entraîné là-dedans, mais ce n'est pas au centre de nos préoccupations.»

Bettman a beau jeu de laisser d'autres circuits professionnels se compromettre, surtout que le nouveau commissaire de la NBA Adam Silver soutient depuis plusieurs mois que la publicité sur les chandails est «inévitable» et qu'elle devrait se produire d'ici cinq ans.

Conscients de l'image

Ajouter des logos corporatifs sur les chandails de hockey est loin d'être une idée consensuelle. Chez le Canadien, on demeure prudent par rapport à cette démarche.

«Des discussions doivent avoir lieu entre les 30 équipes avant que ça se produise, et une décision sera prise par les 30 équipes», a rappelé Kevin Gilmore, vice-président exécutif et chef de l'exploitation chez le Tricolore.

«Nous sommes conscients de l'histoire, de la tradition et de l'image de notre équipe, et il va falloir en tenir compte.»

Entretemps, on peut présumer que la ligue cherche à épargner le public des tractations quotidiennes et attendra d'avoir réglé en amont certaines questions épineuses avant d'annoncer quoi que ce soit.

Il y a en effet plusieurs embûches. Parmi celles-ci, la LNH devrait déterminer qui aurait les droits et les responsabilités de ces publicités.

«En Europe, note Kevin Gilmore, les équipes gèrent elles-mêmes leurs commandites. Mais la Major League Soccer, elle, centralise la publicité. Tout passe par la ligue.»

Il y a quelques années, la LNH avait cédé la gestion des chandails d'entraînement aux 30 équipes tout en maintenant le contrôle de ceux utilisés lors des matchs. Le Tricolore était devenu en décembre 2011 la huitième équipe de la ligue à mettre de la publicité sur ses chandails d'entraînement.

Il n'aurait pas le luxe aujourd'hui d'agir seul et de faire la même chose sur ses chandails de match.

Si l'argent est là...

L'argent que peut générer l'exploitation des chandails du Canadien, des Maple Leafs de Toronto ou encore des Rangers de New York diffère grandement de formations moins prospères.

«Si la ligue laisse chaque équipe trouver ses propres commanditaires, les riches vont devenir plus riches et les pauvres vont rester pauvres», observe l'ancien vice-président du marketing du Canadien Ray Lalonde.

En revanche, note-t-il, une équipe prestigieuse qui attirerait un commanditaire de renom mais qui céderait les revenus à la ligue sans rien en soutirer ne pourrait qu'être mécontente.

«Le Canadien n'est pas seul là-dedans. Les équipes plus traditionnelles ont plus de valeur. Les équipes canadiennes en général valorisent leur logo autant que les Original Six. Pour elles, le logo est un peu plus sacré et elles vont chercher des moyens d'éviter cela.

«Mais en bout de ligne, conclut Ray Lalonde, c'est une question d'argent. Le Canadien et les Maple Leafs vont s'y plier si l'argent est là.»

Des questions éthiques

De voir des publicités sur le chandail du Tricolore n'entiche guère le défenseur Mike Weaver.

«Je n'ai pas envie de voir ça, nous a-t-il confié. C'est un désastre en Europe, où l'on n'arrive même pas à distinguer le logo de l'équipe de celui de ses commanditaires.

«À mon sens, la publicité risque d'éloigner l'équipe de ce qu'elle est supposée représenter. Et puis, il y a des équipes ou des joueurs qui pourraient ne pas croire à ce que certaines de ces entreprises véhiculent.»

En effet, il y a des enjeux éthiques liés à cela. La ligue devra trouver des partenaires avec lesquels les formations seront à l'aise de partager leurs couleurs.

«Le partisan va-t-il encore acheter le chandail s'il n'aime pas la marque qui est dessus? demande Ray Lalonde. Une mère opposée à la malbouffe va-t-elle refuser que son enfant porte un chandail du Canadien s'il y a un logo de McDonald's dessus? L'équipe va être face à un dilemme car si elle décide de vendre un chandail sans logo, d'autres vont dire que ce n'est pas celui que les joueurs portent dans les matchs.

«Car ce que les gens oublient souvent, c'est que le fan veut avoir le chandail authentique, celui que les joueurs portent...»

Rien n'est sacré

On peut bien dire que les uniformes des grandes équipes sportives sont «sacrés», ils ne sont à l'abri de rien. Le Manchester United en est un vibrant exemple, lui qui a placé un gros logo de Chevrolet au centre de son maillot et qui continue malgré cela à le vendre par centaines de milliers.

«Il doit y avoir d'autres moyens de générer des revenus pour la ligue sans qu'on ait recours à cela, insiste toutefois Mike Weaver. Sinon, où est-ce que ça va s'arrêter?

«J'aime bien mieux l'avenue de la publicité virtuelle qui n'empiète pas sur le plaisir des amateurs mais où les commanditaires y trouvent leur compte quand même.»

La LNH n'ignore pas cette option-là non plus. Selon le Sports Business Daily, elle rêverait de mettre de l'avant dès l'an prochain un procédé de publicité virtuelle sur les bandes qui permettrait entre autres aux télédiffuseurs de vendre des pubs ciblées pour un marché lors des matchs d'une équipe à l'étranger.

- Avec La Presse Canadienne