C'était durant une autre de ces froides journées d'hiver à Saskatoon, en janvier dernier. Jim Cuddy, le chanteur du groupe Blue Rodeo, participait à une séance de patinage extérieur en compagnie des joueurs des Blades. Ce grand fan de hockey avait déjà entendu parler de Nikita Scherbak et il rencontrait ce jour-là celui qui deviendrait, cinq mois plus tard, le choix de première ronde du Canadien.

Une fois sur scène, le soir venu, Cuddy a dédié une chanson à Scherbak en disant: «Saluons le courage de ce jeune Russe qui est venu au Canada pour pratiquer le sport qu'il aime.»

Ça prenait du courage, certes. Qu'un jeune Russe s'expatrie dans les Prairies sans connaître un mot d'anglais, simplement parce qu'il y voit sa meilleure chance de réaliser un jour son rêve, n'est pas banal.

Mais pour que cela devienne réalité, il a fallu aussi l'aide d'un agent avec de bonnes antennes.

Établi à Calgary, Vlad Shushkovsky est celui qui a convaincu les Blades, l'an dernier, de réclamer Scherbak au 109e rang du repêchage des joueurs européens.

«Rendu aussi loin dans le repêchage, on essaie d'être le plus informé possible, mais parfois, on a très peu d'informations à propos d'un joueur, a expliqué à La Presse le président des Blades, Steve Hogle. On doit donc tenir compte des recommandations des agents. Vlad avait dit grand bien de Nikita, alors on a décidé de prendre le risque.»

«Je le remercie d'avoir cru en moi, car ce n'est pas évident de venir jouer au Canada quand personne ne nous connaît», renchérit Scherbak, qui est même allé habiter cet été chez Shushkovsky à Calgary, où il s'est entraîné durant la majeure partie de l'été.

Même si l'espoir du Canadien était désorienté à son arrivée dans les Prairies et que les Blades, un peu maladroitement, avaient mal épelé son nom sur son chandail lors de ses premiers matchs, ceux-ci ont vite constaté qu'ils avaient attiré un joueur à la fois talentueux et attachant.

«C'est une démonstration de caractère de s'être adapté aussi bien et d'être parvenu à avoir un tel impact sur la glace... et dans la communauté», a indiqué M. Hogle.

«Les amateurs et les gens dans la rue l'adorent.»

L'exemple de Galchenyuk

Mais les fans des Blades auront-ils l'occasion de l'applaudir à nouveau? L'équipe a attiré deux nouveaux Européens cet automne et pourrait être tentée d'échanger Scherbak si ce dernier ne cause pas de surprise au camp du Canadien.

«Si une offre est déposée sur notre table et qu'elle est trop belle pour l'ignorer, il faudra y songer sérieusement», a dit au quotidien StarPhoenix le nouvel entraîneur-chef et DG des Blades, Bob Woods.

Mais en attendant de connaître son statut dans les rangs juniors, Scherbak est affairé à déjouer les pronostics et à forcer la main du Tricolore.

«Ce sera dur parce que les joueurs sont plus costauds et que la vitesse du jeu est différente, mais pourquoi pas? fait valoir l'attaquant de 18 ans. Après tout, Alex Galchenyuk y est parvenu dès sa première saison. On verra lors des matchs préparatoires...»

Scherbak a participé mardi à son premier match simulé des recrues après avoir été ralenti par un virus. S'estimant pour l'instant à 85% de ses forces, il n'a pu se soumettre aux tests médicaux en même temps que les autres recrues et devrait les effectuer jeudi, avec les «réguliers» du Canadien.

En dépit de ce petit retard, le fait d'être dans l'environnement du CH lui a permis de croiser les russophones de l'organisation.

«J'ai peine à croire que j'ai pu converser avec des joueurs de la LNH», dit-il à propos d'une conversation qu'il a eue durant la fin de semaine avec Galchenyuk et Alexei Emelin.

«Quant à Andrei Markov, je lui ai juste dit bonjour. C'est une figure paternelle et j'ai un peu peur de lui!»

Poursuivre sur sa lancée

S'il est cédé à son club junior, plus tard au camp, Scherbak aura la responsabilité de démontrer que son éclosion de l'an dernier n'est pas un feu de paille. Que la courbe de progression qui a convaincu le CH en juin dernier se confirme bel et bien.

«On a déjà vu des joueurs briller une année et avoir des ennuis la saison suivante, certes, mais d'après ce que nous avons vu la saison dernière, il y a de sérieuses indications selon lesquelles nous avons là tout un joueur de hockey», soutient M. Hogle.

Les Blades s'appuient sur le fait qu'à l'approche de la date limite des transactions, la saison dernière, ils ont échangé leurs trois joueurs de 20 ans, et Scherbak, qui jouait avec deux d'entre eux, n'a pas ralenti la cadence.

«Nikita a hérité d'un joueur de centre de 16 ans et d'un autre ailier, et sa production n'en a pas souffert, note Hogle. Ça indique son niveau d'habiletés et son aptitude à surmonter l'adversité.»

Tout le monde dans la WHL a été à même de le constater. Et ça devrait inciter une autre formation de l'Ouest à payer le gros prix pour l'arracher aux Blades...