Au Colorado, il y a une équipe de hockey qui connaît un départ canon, et c'est un certain Patrick Roy qui en est le grand responsable. La Presse l'a rencontré.

Paul Stastny se souvient encore du coup de fil. C'était cet été, pendant les vacances. L'attaquant de 27 ans ne pensait pas trop au hockey quand il a répondu au téléphone et qu'il a entendu une voix inconnue à l'autre bout du fil. «C'était Patrick. Il voulait préparer la saison, discuter. On voyait déjà qu'il avait un plan en tête...»

Patrick, c'est bien sûr Patrick Roy, entraîneur de l'Avalanche du Colorado depuis mai. Mais dans le vestiaire de l'équipe, en banlieue de Denver, c'est juste Patrick. Dans la vie, des fois, il y a de ces personnages qui sont plus grands que nature, que l'on reconnaît à leur seul prénom. C'est le cas de Patrick.

Patrick, c'est un nom, c'est une réputation. Mais c'est aussi des résultats. L'Avalanche, 29e au classement général de la Ligue nationale la saison dernière, n'a subi qu'une seule défaite en 11 matchs cette saison. L'équipe n'a accordé que 16 petits buts aux adversaires, un sommet à ce chapitre dans la ligue.

Bref, ce club tout croche, erratique, dont certains des membres s'amusaient à parler ouvertement de leurs vacances à Las Vegas en fin de saison dernière, est assurément la plus grosse surprise en ce début de saison sur la planète LNH.

Pour expliquer tout ça, les joueurs ont presque tous la même réponse: c'est à cause de Patrick.

«Certainement qu'il y a un effet Patrick Roy, répond le vétéran Alex Tanguay. As-tu vu nos entraînements? Patrick n'arrête jamais. Sur la glace, quand on s'entraîne, il a aussi chaud que nous autres!»

Tout ça a commencé le 23 mai. Ce jour-là, l'Avalanche a fait de Roy son nouvel entraîneur, moins d'un mois après avoir viré Joe Sacco. Roy s'est amené avec un air d'éternel optimiste et une réputation de gagnant. Mais personne ne s'attendait à ce qu'il fasse de la magie avec un club en queue de peloton.

C'était mal le connaître.

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«En partant, je voulais regarder les matchs du club la saison dernière, commence par dire Patrick Roy. Je voulais voir ce que l'Avalanche faisait de bien, de moins bien. J'ai compris qu'il fallait améliorer notre défensive de zone. Une fois l'équipe formée, on s'est demandé quelle attitude on voulait avoir. J'ai dit aux joueurs que je voulais former un partenariat avec eux.

«J'ai téléphoné aux gars l'un après l'autre, presque tous les gars, environ 90% de nos joueurs. Je voulais connaître leur opinion sur la dernière saison. J'avais besoin d'obtenir un maximum d'informations. Si je ne sais pas ce qui s'est passé, c'est impossible d'apporter des améliorations. Ça m'a permis de savoir dans quelle direction il fallait aller.»

Patrick Roy parle d'un ton calme. Au centre d'entraînement de son club, quelques fans le saluent, et il répond d'un signe de la main. Le nouveau Roy se plaît à Denver, dans cette ville où, à titre de gardien, il a connu l'ivresse de la victoire. Une ivresse qu'il cherche à faire vivre à ses joueurs.

«Une autre chose qui est arrivée, poursuit-il, c'est le souper d'équipe en début de saison. Joe (Sakic) et moi, on cherchait un endroit pour tenir un souper d'équipe, et on a conclu que la meilleure idée, c'était de faire ça à Boston, au restaurant de Raymond Bourque. À un moment donné lors de la soirée, Raymond a parlé aux gars. Il leur a dit: «Pourquoi pas nous autres?» C'est resté avec nous, cette phrase-là.

«C'est comme je disais aux joueurs cette semaine... En 1993 (à Montréal), on n'avait pas la meilleure équipe. Mais on se donnait entièrement sur la glace. Si on travaille fort et qu'on travaille tous ensemble, on ne sait jamais ce qui peut arriver.»

Ce message, Patrick Roy le répète sans arrêt. On le sent, les membres de l'Avalanche ne pensent plus aux vacances et à Vegas. De toute évidence, il souffle au Colorado un vent de changement.

«La saison passée, c'était mort par ici, explique l'attaquant Pierre-Alexandre Parenteau. Là, on a le goût d'aller à l'aréna. Las Vegas, c'est pas mal fini, ces histoires-là...»

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Il fallait bien sûr que Patrick Roy amorce ce nouveau chapitre avec un coup d'éclat, et les partisans de l'Avalanche n'ont pas eu à attendre bien longtemps. Ils n'ont eu qu'à attendre jusqu'à la troisième période du premier match de la saison, face aux Ducks d'Anaheim.

Les images ont vite fait le tour, n'est-ce pas? Roy debout sur le banc, en train de crier et de gesticuler en direction de Bruce Boudreau, le coach des Ducks. Puis la baie vitrée qui bascule...

Cette petite saute d'humeur, qui lui a valu une amende de 10 000 $ de la part de la LNH, a donné des munitions aux détracteurs. À ceux qui ont rapidement conclu que Roy n'est qu'un coach de junior.

«Ouais... Penses-tu que je m'y attendais pas? C'est la phrase facile, dire que c'est du stuff de junior. Moi, ça me dérange pas. Ceux qui me connaissent savent que souvent, ce que je fais, c'est réfléchi. J'essaie toujours d'obtenir quelque chose. Ça fait assez longtemps que des équipes viennent ici depuis 10 ans, et qu'elles se permettent de faire ce qu'elles veulent. Je voulais montrer à nos fans que ces affaires-là, c'est fini. Plus personne ne va nous brasser ici.

«Aussi, je voulais que mes joueurs sachent que je suis avec eux. Si je leur dis que je suis avec eux et que je me cache en partant, pas sûr que je passe le bon message. Et ce n'était pas une réaction ridicule en soi; t'as un joueur (des Ducks) qui passe d'une ligne bleue à une autre et qui sort le genou sur MacKinnon à 6-0... Je ne pense pas que Bruce Boudreau aurait accepté ça, et c'est d'ailleurs ce que je lui ai dit.»

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Ce serait facile de croire qu'en s'installant à son nouveau bureau, Patrick Roy a encerclé la date du 2 novembre sur son calendrier. Le 2 novembre, c'est samedi, et c'est ce soir-là que le Canadien va débarquer en ville.

«J'essaie d'aborder ça comme si c'est rien qu'un autre match. Celui à Dallas (demain) est probablement plus important pour nous, parce que c'est contre une équipe de notre division. J'essaie de ne pas penser au Canadien, je veux me concentrer sur le match à Dallas. Mais c'est sûr, quand je vais arriver à l'aréna et que je vais voir le chandail bleu blanc rouge...»

Roy l'avoue sans hésiter: il était prêt à quitter le confort du hockey junior à Québec pour seulement deux équipes: l'Avalanche et le Canadien. C'est tout.

«Y avait vraiment juste deux équipes pour lesquelles j'avais beaucoup d'intérêt... Par le passé, j'ai reçu des appels de la part d'autres équipes. C'est flatteur, mais c'était clair qu'il y avait juste deux équipes pour moi.

«Quand j'ai été approché par le Canadien, j'ai adoré ça. J'ai rencontré Marc Bergevin à Miami, c'était super. Marc a décidé de donner le poste à Michel Therrien et il m'a appelé le matin pour me dire que sa décision était prise, qu'il me souhaitait bonne chance... Je n'ai pas vu ça comme quelque chose de négatif.»

Et si Marc Bergevin l'avait appelé pour lui dire qu'il devenait le prochain entraîneur du Canadien?

«Ouais... Regarde, on peut embarquer dans toutes sortes de spéculations, mais c'était le choix de Marc. Je sentais qu'il voulait un vétéran avec lui, un gars qui avait de l'expérience. C'est normal; lui, c'est sa première fois comme DG, ç'aurait été difficile de s'embarquer avec un coach recrue... Il a pris une décision logique et intelligente.»

Pendant ce temps, c'est derrière le banc de l'Avalanche que le coach recrue fait ses classes. Force est de constater qu'il ne s'en tire pas trop mal...