Le film Slap Shot a frappé l'imaginaire des partisans de hockey, comme Les Boys a touché les milliers de hockeyeurs des ligues de garage. Le film Maurice Richard, de Charles Binamé et Ken Scott, a reproduit l'époque au cours de laquelle le Rocket transcendait le sport. Le documentaire Junior a dépeint de façon percutante le paysage du hockey junior québécois. Et si on remonte dans le temps, de petits bijoux de documentaires comme Un jeu si simple ou Mon numéro 9 en or ont peut-être été trop rapidement oubliés. Mathias Brunet a demandé à quatre grands cinéastes québécois de nous dévoiler leurs films de hockey favoris.

PHILIPPE FALARDEAU

La moitié gauche du frigo

Congorama (Jutra du meilleur film),

Monsieur Lazhar (nomination aux Oscars, Jutra du meilleur film).



Un jeu si simple


Junior

Maurice Richard

Miracle

Slap Shot

«Dans la vie, une remontée spectaculaire au hockey ou une victoire improbable génère une grande émotion. Mais dans un film, tout ça prend des airs prévisibles. Sans compter qu'il est difficile de reproduire avec véracité le calibre de jeu.»

1 «Nous connaissons tout de ce jeu et, pourtant, il échappe à la description.» Ainsi commence le narrateur d'Un jeu si simple de Gilles Groulx. Il se dégage de ce film poétique et étonnamment expérimental pour l'époque (1964) un sentiment de pureté.

Les images magistrales de Labrecque et Borremens tournées au niveau de la glace et montées sur une musique quasi religieuse révèlent la grâce des athlètes de ce temps, dont le talent est aujourd'hui sous-estimé. La scène saisissante du cou cassé de Lou Fontinato est en directe filiation avec la violence du sport d'aujourd'hui.»

2 «Junior, le documentaire d'Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault sur les coulisses du hockey junior à Baie-Comeau, accomplit le tour de force de reléguer toutes les scènes de hockey hors champ. On suit les jeunes qui rêvent de la Ligue nationale à l'extérieur de la glace, dans le vestiaire et sur la route, où entraîneur, agents et propriétaires nous rappellent que le hockey est une affaire d'argent.»

3 «Maurice Richard était risqué vu l'importance du personnage. Le scénario de Ken Scott aborde le mythe à hauteur d'homme et replace les exploits de Richard dans leur contexte social. Charles Binamé a démontré un souci maniaque des détails pour reproduire les gestes et la culture du hockey de l'époque.»

Philippe Falardeau

LOUIS BÉLANGER

Post mortem (Jutra du meilleur film),

Gaz Bar Blues (Jutra du meilleur film) 

Route 132.

1 Un jeu si simple

Mon numéro 9 en or

Junior

Slap Shot

Un jour peut-être... Guy Lafleur et la Coupe Memorial 1971

1 «Mon film de hockey numéro un reste et demeure Un jeu si simple, de Gilles Groulx, un cinéaste politique qui captait et critiquait la société dans laquelle il évoluait. Groulx, qui était au départ monteur à la SRC, utilise le sport comme métaphore de la société. Il est entre autres de l'aventure de Golden Glove et Les raquetteurs

2 «Mon deuxième choix serait un court métrage de l'ONF qui s'appelle Mon numéro 9 en or. Un film court d'animation sur une chanson d'Oscar Thiffault sur les exploits du Rocket. C'est magnifique. Un texte profond et puissant qui dit ad nauseam: «C'est Maurice Richard qui score, qui score... c'est Maurice Richard qui score tout le temps». Les choses sont claires... On n'est pas à «gosser» pour savoir qui devrait jouer sur le premier trio...»

3 «Troisième choix? Junior, le documentaire, parce que ça nous rend plus intelligents collectivement sur les enjeux du hockey pour les jeunes, le rôle des adultes dans ce grand cirque qu'est le circuit Courteau. Les choix de réalisation sont franchement intelligents et nous font voir le hockey d'une autre manière.»

Louis Bélanger

DENYS ARCAND

Les invasions barbares (Oscar du meilleur film en langue étrangère),

Le déclin de l'empire américain (nomination aux Oscars, meilleur film en langue étrangère)...

Junior

«Je limite mon choix à un seul film: le documentaire Junior, réalisé en 2007 par Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault. Le niveau junior est le seul accessible, car le sport professionnel est entièrement cadenassé par les ligues et les clubs.

Les films de fiction me laissent froid, parce que je trouve que les scénaristes et les réalisateurs connaissent peu la réalité du sport et que les producteurs et les distributeurs insistent pour développer le côté «human interest» (histoire d'amour, etc.), qui n'a généralement rien à voir avec le sujet. De plus, il n'y a à peu près pas de comédiens et de comédiennes qui possèdent l'incroyable aura physique des athlètes de haut niveau.

On ne peut pas «jouer» Tiger Woods ou Rafael Nadal.

Un des rares exemples de réussite est Chariots of Fire. Parce qu'à l'époque, des gentlemen anglais pouvaient encore espérer gagner des courses.»

Denys Arcand

RICARDO TROGI

1981,

Horloge biologique,

Québec-Montréal (Jutra du meilleur film).

1 Lance et compte (la série 1)

Junior

Stastny

4 Maurice Richard

Les Boys 1 et Slap Shot (ex aequo)

«Je dois préciser que je ne cours pas après les «films de hockey» plus que je ne cours après les films de football ou de water-polo. Même si je suis un partisan de hockey, je ne me suis pas garroché pour aller voir Mighty Ducks juste parce que ça parlait de hockey, on se comprend?»

1 «Ainsi, au risque de manquer d'originalité, mon premier choix demeure, et de loin, la série télé Lance et compte 1, qui, malgré le manque flagrant de compétence sur la glace chez plusieurs de ses comédiens, fut pour moi un réel voyage dans le monde du hockey professionnel. J'ai moi aussi souhaité être Pierre Lambert, comme plusieurs.»

2 «Vient ensuite Junior. Wow! Ne serait-ce que pour la rencontre avec le milieu, le vrai, et son côté compétitif, sans pitié. C'est à voir absolument.»

3 «Plus axé sur la politique du milieu, le documentaire Stastny est également extrêmement intéressant. Pour un fan des Nordiques comme moi, apprendre comment les frères Stastny ont fait leur entrée dans la Ligue nationale (par la porte d'en arrière, c'est le moins qu'on puisse dire) est fascinant.

Quand le hockey professionnel n'est plus seulement un rêve, mais bien un passeport pour la liberté, c'est tout un cocktail!»

Ricardo Trogi