Entendre Tiger Woods évoquer ses ennuis de santé et ses inconforts physiques en prélude du Tournoi des Maîtres est devenu une habitude. Comme Dominique Michel lorsqu’elle annonçait avoir joué dans son dernier Bye bye à chaque réveillon.

Cela a encore été le cas, mardi, lors de sa conférence de presse annuelle. Woods a « mal tous les jours », a-t-il déclaré aux membres des médias présents à l’Augusta National.

Ennuyé par des blessures à la cheville droite malgré une opération le printemps dernier, au bas du dos et à un genou, Woods tentera tout de même de fracasser un nouveau record : résister à la coupure pour la 24fois consécutive.

À sa 26participation en carrière, le quintuple champion de l’évènement est porté par l’ambition de gagner « au moins un autre veston ». À 48 ans, Woods devra trimer pour se faire remettre le fameux veston vert par Jon Rahm, le champion en titre.

« Tous les coups qui ne sont pas du tertre de départ représentent un défi », a-t-il précisé. L’élévation et le dénivelé de ce parcours de 7555 verges est l’équivalent de marcher le chemin de Compostelle pour un survivant comme Woods.

Néanmoins, le joueur le plus sollicité du tournoi affiche une belle aisance. Lundi, lors de sa ronde d’entraînement, sa vitesse de balle est montée jusqu’à 280 km/h (174 mi/h) avec un bois 1 en main. Dans les plus récentes activités promotionnelles de TaylorMade, il devançait Rory McIlroy et Scottie Scheffler en distance de balle sur les coups de départ.

Personne ne doit partir en peur. Miser sur Woods reviendrait à parier sur un cheval souffrant d’une tendinite au Derby du Kentucky. Toutefois, personne ne devrait être surpris de le voir en rouge dimanche et ainsi battre le record détenu par Fred Couples et Gary Player.

Le début de la vraie saison

Woods a disputé un seul tournoi en 2024. À vrai dire, il a joué seulement une ronde. Après avoir remis une carte de 72 à l’Invitation Genesis à la mi-février, il a déclaré forfait en raison d’un virus.

Et c’est tout.

PHOTO MIKE BLAKE, REUTERS

Tiger Woods affiche une belle aisance. Lundi, lors de sa ronde d’entraînement, sa vitesse de balle est montée jusqu’à 280 km/h (174 mi/h) avec un bois 1 en main.

Contrairement à ses partenaires de jeu Max Homa et Jason Day, l’homme aux 82 victoires prendra le départ jeudi à 13 h 24, sans rythme, sans entraînement et sans réelle répétition. Il connaît le terrain, certes, mais ce sera loin d’être suffisant pour être dans la course.

« Mon corps et mon jeu n’étaient pas prêts », a dit celui qui planifie de prendre part à un tournoi par mois d’ici la fin de la saison.

L’an passé, il a fait acte de présence à seulement trois évènements du circuit PGA Tour. Un seul entre sa dernière et sa prochaine apparition au Tournoi des Maîtres.

Fred Couples, vainqueur en 1992, invite cependant les golfeurs et les amateurs à se méfier du tigre qui dort. « S’il est ici, je peux vous dire que c’est pour gagner. Il veut un autre veston ! », a expliqué le grand ami et mentor de Woods.

Le nouveau Tiger

Lorsque Woods s’est présenté lundi sur les verts d’entraînement du club le plus prestigieux en Amérique, il avait l’air fringuant, en bonne forme et surtout extrêmement enjoué d’y être de nouveau.

Ce n’est pas un secret, l’idole de toute une génération s’est attendrie. La bête têtue, insensible et inapprochable qu’il a été pendant ses années de gloire s’est adoucie pour laisser place à un Tiger Woods plus contemplatif et enclin à aider la prochaine génération. Il a passé toute sa ronde d’entraînement avec le jeune Will Zalatoris, candidat sérieux pour remporter un premier titre majeur et golfeur avec qui il a en commun ses problèmes de dos récurrents.

PHOTO MATT SLOCUM, ASSOCIATED PRESS

La bête têtue, insensible et inapprochable qu’il a été pendant ses années de gloire s’est adoucie pour laisser place à un Tiger Woods plus contemplatif et enclin à aider la prochaine génération.

Cette version bonifiée de Woods est probablement ce qu’il y a de mieux pour le golf. Sans nécessairement être plus vulnérable, il se sent probablement plus redevable envers ce sport qui l’a porté au statut de légende vivante.

J’aime le golf. C’est toute ma vie. J’aime compétitionner. […] C’est pourquoi j’ai connu autant de succès.

Tiger Woods

Woods aurait pu profiter de ses 120 millions de dollars de gains, sans compter ses revenus en commandites, pour reposer son corps endolori en se balançant dans une chaise en bois de qualité supérieure sur la terrasse de sa demeure de Jupiter Island. Ou pour assister à l’ascension fulgurante de son fils Charlie. Ou pour manger des steaks et déguster de grands crus dans les meilleurs restaurants de la Floride.

Or, à l’approche de la cinquantaine, il peaufine encore des aspects de son jeu, comme sa touche autour des verts, pendant de longues minutes, pour espérer remporter le tournoi le plus prisé des golfeurs professionnels. Comme s’il en était à sa première participation. « C’est toute ma vie », a-t-il ajouté.

Il a aussi perdu un allié de taille au début de l’année. La société Nike a rompu ses liens avec le plus grand golfeur de l’histoire après une association d’une durée de 27 ans. Avec Michael Jordan, Roger Federer et Cristiano Ronaldo, Woods a été l’un des plus importants visages du crochet le plus reconnaissable sur la planète.

Woods n’arborera donc pas le « swoosh » sur ses maillots ni sur ses casquettes pendant le Tournoi des Maîtres. Nous verrons à la place la silhouette d’un tigre accompagné de ses rayures, logo de sa nouvelle marque Sun Day Red, en référence à la couleur l’ayant suivi depuis ses débuts à l’Université Stanford.

Avec le fabricant TaylorMade, il a créé cette nouvelle identité, tout à fait à son image. « Le rouge est devenu un synonyme de ma personne », avait-il précisé lors du dévoilement.

Cinq ans après son plus récent triomphe à l’Augusta National, Woods débarque sans pression. Il a déjà fait tant pour ce sport plus que centenaire. Mais il refuse de jouer les figurants pendant quatre jours, car il sait que l’histoire sera meilleure s’il en est le personnage principal. « Si tout se passe bien, je pense que je peux en gagner un autre. »