«Un autre gaspillage idiot de l'argent des contribuables pendant que notre pays est au bord du gouffre.» Voilà comment le sénateur démocrate John Kerry décrit les fêtes organisées par Northern Trust, il y a deux semaines, au tournoi de la PGA à Riviera, en banlieue de Los Angeles.

Commanditaire en titre du tournoi, la banque y a organisé des événements spéciaux pour une centaine de ses clients et employés. Des avions les ont transportés à Los Angeles. Mercredi 18 février, les invités ont soupé au Ritz Carlton, où Chicago leur a offert un concert privé. À lui seul, le groupe a empoché 100 000$, rapporte le New York Times. Le lendemain, Northern Trust a loué un hangar à l'aéroport de Santa Monica pour un souper suivi d'un concert d'Earth, Wind and Fire. Puis, au cours du weekend, la banque a réservé le House of Blues pour un dîner-spectacle avec Sheryl Crow. Cachet de la chanteuse: 50 000$.

 

Jusqu'ici, rien de très inusité. Si une entreprise commandite un tournoi de la PGA, c'est justement pour offrir ce genre de traitement privilégié à ses clients. Le problème, selon John Kerry et d'autres démocrates, c'est le contexte. Northern Trust a reçu 1,6 milliard de fonds publics dans le récent plan de sauvetage du gouvernement américain. Ces politiciens s'indignent que la banque dépense une partie des fonds publics pour divertir ses clients. Ajoutons que la banque a récemment mis à pied quelque 450 employés et qu'au dernier trimestre de 2008, en pleine crise financière, elle a enregistré des profits de 323,3 millions.

Courroucé, le démocrate Barney Frank, président de la Commission des services financiers, a écrit la semaine dernière à la Northern Trust. Il lui demande de rembourser l'argent dépensé pour divertir ses clients. Dix-sept autres élus démocrates ont signé la lettre.

Une loi pour contrer les abus?

John Kerry va plus loin. Il propose aussi d'adopter une loi qui imposerait une amende de 100 000$ aux bénéficiaires du plan de sauvetage utilisant les fonds publics de façon inappropriée.

De son côté, la banque se défend d'avoir mal agi. Elle rappelle que, depuis 2007, son association avec le tournoi lui a permis d'amasser 3 millions pour la fondation de la Jeune chambre de commerce de Los Angeles. Pour le reste, elle refuse de rembourser l'argent dépensé au tournoi. Il s'agit selon elle d'activités commerciales régulières, voire d'un investissement. «L'intérêt public ne serait pas servi par l'annulation de l'Omnium Northern Trust ni par l'annulation des événements qui y sont reliés», a écrit le PDG Frederick Waddell sur le site de Northern Trust.

D'autres entreprises songent quant à elles à maintenir leur commandite d'un tournoi de la PGA tout en supprimant des événements spéciaux pour leurs clients. Bloomberg rapporte que Morgan Stanley (qui a reçu environ 10 milliards dans le plan de sauvetage) dépensera moins pour ses activités au Tournoi Memorial, qu'elle commandite. L'annonce est venue après la controverse entourant la Northern Trust.

Wells Fargo, qui a reçu un coup de pouce de 25 milliards, fera la même chose. Elle envisage de réduire ses dépenses au Championnat Wachovia.

La PGA, elle, croise les doigts en espérant que tous ces commanditaires ne l'abandonneront pas. Près de la moitié des contrats de commandite en titre devront être renouvelés en 2010. «Nous pourrions perdre quelques tournois, s'est inquiété Tiger Woods en conférence de presse, la semaine dernière, selon ce qu'a rapporté le USA Today. C'est une année très importante pour nous.»