La conquête de la Coupe Grey ne remontait qu’à quelques heures. Dans l’avion ramenant les Alouettes de Montréal à la maison, après un triomphe sur lequel personne n’aurait parié quelques semaines auparavant, le directeur général Danny Maciocia s’est tourné vers Jason Maas, son entraîneur-chef.

« On fait quoi, maintenant ? », lui a-t-il demandé. Puis les deux hommes ont discuté longuement des « prochaines étapes » qui attendaient l’équipe. L’élaboration du « plan » s’est poursuivie quelques jours plus tard, à la table d’un restaurant, où ils ont encore parlé pendant des heures.

Ledit plan s’est déployé. Rapidement, des joueurs clés ont reçu de nouvelles offres de contrat – le quart-arrière Cody Fajardo, notamment. Maciocia et Maas eux-mêmes ont vu leurs ententes renouvelées avant Noël, et le groupe d’adjoints a rapidement suivi.

« Ça ne me tentait pas de vivre une situation où on gagne la Coupe Grey une année et où on rate les éliminatoires la suivante », a expliqué le DG, vendredi, dans le cadre d’une rencontre entre les dirigeants de l’équipe et les représentants des médias montréalais.

Au fil des années, cet évènement est devenu une tradition, à quelques semaines de l’ouverture du camp d’entraînement. Or, il y avait quelque chose de foncièrement différent entre la présentation de cette année et la précédente. Quelque chose dans l’air était résolument plus léger. Plus sain, aussi.

Il y a un an, la direction du club tentait de se sortir d’une période pour le moins chaotique – le mot est sans doute trop faible. L’achat tout récent de l’organisation par Pierre Karl Péladeau, souhaitait-on, mettrait un terme à une situation intenable qui avait, par exemple, momentanément privé Maciocia du pouvoir d’embaucher de nouveaux joueurs. Pour lui comme pour le nouveau venu Jason Maas, tout était à faire. Ou à refaire, tellement les deux hommes semblaient être les seuls survivants d’un incendie de forêt.

À l’inverse, vendredi, le mot « stabilité » était sur toutes les lèvres, et l’optimisme, partout dans la salle. C’est évidemment plus joyeux quand le défi du moment est de défendre un championnat, mais ça ne se résume pas qu’à ça. Le personnel d’entraîneurs est presque intégralement resté le même. Et au sein de la formation, malgré quelques départs notables – notamment Austin Mack et Lwal Uguak, qui tentent leur chance dans la NFL, et William Stanback, parti à Vancouver –, la grande majorité des partants de la dernière saison sont de retour.

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L’entraîneur-chef des Alouettes, Jason Maas

Aux yeux de Jason Maas, la situation actuelle marque un virage « à 180 degrés » par rapport à l’an dernier à la même date. Au cours des 12 derniers mois, sur le terrain comme dans les bureaux administratifs, « tout le monde a travaillé ensemble et connu du succès ensemble », a-t-il souligné.

« Pour moi, c’est le plus important. C’est comme ça que ça devrait se passer. On a connu beaucoup de succès dans l’adversité ; maintenant, il faut apprivoiser la stabilité. »

Sous-estimés

L’adversité, de fait, n’a pas manqué la saison dernière.

« [Les observateurs] nous plaçaient neuvièmes de neuf, et s’ils avaient pu, ils nous auraient placés dixièmes », a imagé Byron Archambault, coordonnateur des unités spéciales et entraîneur des secondeurs. À ses yeux, cette fameuse stabilité n’a pas de prix.

L’esprit qui anime actuellement l’équipe rappelle à Anthony Calvillo les glorieuses années qu’il a connues sur le terrain, lorsqu’il était le quart-arrière des Oiseaux dans les années 2000 et 2010.

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Danny Maciocia en compagnie d’Anthony Calvillo et de Byron Archambault, lors de la rencontre annuelle entre les dirigeants des Alouettes et les représentants des médias montréalais

« Ça commence par la culture qu’on a créée », croit celui qui est aujourd’hui le coordonnateur offensif et l’entraîneur des quarts des Alouettes.

C’est ce qui donne du succès sur le terrain, et la manière de le conserver, c’est de garder le même groupe de gars, ce qui inclut le personnel.

Anthony Calvillo

Même si le discours des entraîneurs restera le même auprès des joueurs, il y a une prise de conscience que la perception extérieure n’est plus la même.

« On aura une cible dans le dos », a résumé Byron Archambault. D’où l’importance, dit-il, de renforcer le message de « rester en contrôle de ce qui est intrinsèque » à l’équipe.

Il n’y a pas que dans le regard des adversaires que l’image des Alouettes a changé. Le public aussi ne voit plus les choses de la même manière. Et c’est tant mieux, estime Anthony Calvillo.

Après sa retraite, en 2013, l’Américain, véritable légende de la Ligue canadienne, est demeuré à Montréal. Il n’a donc jamais arrêté de prendre le pouls des partisans.

« Au cours des années passées, on ne gagnait pas beaucoup de matchs, et les gens me demandaient : “Quand est-ce que ça va revenir ?”, a raconté Calvillo. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas. Aujourd’hui, les partisans nous félicitent, mais ils nous rappellent qu’il faut maintenir [ces standards]. »

« La fondation est bonne », estime-t-il.

« Et quand la fondation est bien construite, généralement, les pièces tiennent ensemble, enchaîne Jason Maas. On est reconnaissants d’être de retour et de pouvoir travailler ensemble. Maintenant, il faut franchir un autre pas. »

La saison 2024 des Alouettes de Montréal ne se terminera peut-être pas par la même exaltation que la précédente. On sait toutefois d’emblée qu’elle commencera sur une bien meilleure note.