Marc-Antoine Dequoy n’est pas du genre à se poser trop de questions. Quand il est appelé à réagir, avec un ballon au-dessus de la tête ou un micro sous le nez, il le fait avec élégance et assurance.

Pour accéder au vestiaire des Alouettes au terme d’un match, les journalistes doivent se frayer un chemin entre les tables remplies de nourriture et les mastodontes filant sous la douche. Au bout du couloir, aligné sur la porte d’entrée, tout au fond de la pièce, au centre de la dernière rangée de casiers, le numéro 24 est toujours là, debout, encore tout habillé, à attendre les micros et les magnétophones. Dans la victoire comme dans la défaite, Dequoy répond aux questions. Après trois saisons, c’est devenu un automatisme.

L’athlète de 29 ans a rencontré La Presse dans les bureaux de l’équipe au Stade olympique. Il revenait d’un entraînement, dimanche, à la veille du match de l’Action de grâce. Son emploi du temps est chargé et sa préparation est minutieuse. L’heure du lunch était la seule vacante dans son agenda. Il a donc conversé en se régalant de poulet, de riz et de salade.

« Ma relation avec les Alouettes a commencé en tant que partisan », amorce Dequoy.

« J’étais vraiment fan quand j’étais jeune, poursuit-il. Passer de partisan à joueur, c’est surréel. Et c’est notre devoir d’être là pour les partisans. Je le sais, parce qu’on joue pour eux, et j’ai fait partie des fans pendant longtemps. J’essaie d’être le joueur que j’aimerais voir si je ne faisais pas ça. Ou le joueur que j’aurais aimé voir plus jeune. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Marc-Antoine Dequoy lors d’une activité des Alouettes à Kahnawake le mois dernier

Pour lui, être sur toutes les tribunes n’est pas une tâche. « Je ne suis pas obligé de le faire », précise-t-il. À la fin de chaque rencontre à domicile, une fois la tournée des médias terminée, il prend un bain de foule.

« Quand je vois une centaine de fans, ça représente une heure de signatures. C’est sûr que c’est plus tough après une défaite », admet-il. Mais il sait trop bien ce que ça représente. Jadis, il faisait partie de cette centaine d’amateurs attendant désespérément un sourire de la part d’un joueur des Alouettes.

« Parfois, je le dis aux joueurs québécois : on est chanceux de jouer au Québec et de jouer pour les Alouettes. Donc, prenez-en le plus possible et profitez-en. Même si c’est juste trois jeunes après un match, pour ces trois jeunes, rencontrer un joueur des Alouettes, c’est immense. »

Les joueurs de la Ligue canadienne de football n’ont pas droit à des cours de communication ou à des leçons sur la manière d’interagir avec les médias. Il sait cependant qu’en restant lui-même, son travail de représentation sera adéquat.

Pour moi, être fin, ce n’est pas vraiment difficile.

Marc-Antoine Dequoy

Après une défaite, certains de ses coéquipiers ou de ses rivaux peuvent être moins courtois. « Mais ce n’est pas moi, ça, prévient-il. Et ça revient à la manière dont j’ai été élevé. Ça ne me demande pas un effort supplémentaire d’être gentil. Je fais juste être moi-même. Même après une défaite, si ça va mal, je vais le dire. »

L’image

Avec le temps, la réalité des athlètes s’est altérée. Principalement parce qu’ils existent à l’extérieur du cadre purement sportif. Avec l’avènement des médias sociaux, leur visage et leurs faits saillants sont placardés partout. Bien avant et bien après les matchs.

Même si Dequoy a compris sur le tard le pouvoir des réseaux sociaux, il a décidé de s’en servir à bon escient.

« L’aspect Instagram, ce n’est pas ma force. Vraiment pas », révèle-t-il en riant, avant de prendre une gorgée d’eau.

Sur Instagram, Dequoy compte presque 10 000 abonnés. Un nombre suffisant pour commencer à s’en préoccuper.

« Au début, je me disais que personne ne voulait voir ce que je mettais, que personne ne serait intéressé. »

Cette naïveté l’a toutefois rattrapé. Même si sa copine et les amateurs l’encouragent à se dévoiler davantage, que son statut suscite curiosité et admiration, le Montréalais est incapable de le concevoir. « Dans ma tête, personne n’est fan de moi. Ce sont des fans des Alouettes qui me suivent parce que je joue pour l’équipe. Pour moi, c’est une nouvelle réalité. »

Même lorsqu’il va au restaurant, l’idée de se faire reconnaître le bouleverse encore. « C’est hallucinant. Je trouve ça irréel. On ne peut pas s’habituer à ça. C’est fou. C’est vraiment fou », dit celui qui a encore l’impression d’être anonyme à l’extérieur du stade Percival-Molson.

En même temps, Dequoy fait le nécessaire pour être apprécié du grand public. Il vole le spectacle sur le terrain, il est flamboyant, disponible et il s’adresse aux partisans directement.

Sur son profil Instagram, il faut défiler longtemps pour trouver une publication écrite dans une autre langue que celle de Vigneault. « J’ai toujours été conscient de la fierté québécoise. Je suis fier de jouer pour une équipe québécoise. Et en faisant partie de l’équipe, j’ai compris que cette fierté pouvait passer par moi aussi. Ce n’est pas difficile pour moi de promouvoir la langue française ou le Québec. J’ai envie de le faire. »

Gagner pour le Québec

Avec cinq interceptions, deux touchés défensifs et 55 plaqués en 15 matchs, Dequoy est en train de connaître sa meilleure saison en carrière. Il est au sommet de sa gloire.

Rappelons-nous qu’en avril 2020, il avait signé un contrat en tant que joueur non repêché avec les Packers de Green Bay dans la NFL. Il a finalement été retranché.

Il a également confié pour la première fois avoir été aussi approché par les Saints de La Nouvelle-Orléans en 2021. Il était toutefois déjà sous contrat avec les Alouettes. Il n’a donc jamais eu la chance d’aller se faire valoir en Louisiane.

Avec cette saison éclatante, le rêve d’accéder à la NFL est-il en train de refaire surface ?

« Non, répond-il sans réfléchir. Si ça arrive, je vais regarder en temps et lieu. Mais là, j’ai fait mon deuil de la NFL. »

S’il ne s’intéresse plus à la NFL, c’est aussi qu’il est bien chez lui. Il peut vivre de sa passion devant les siens, performer et rayonner. Et c’est suffisant. « Je n’ai pas besoin de plus en ce moment. »

Évidemment, une partie de lui sera toujours curieuse de savoir quel genre de carrière il aurait pu avoir avec les Packers.

J’aurais pu être sur les unités spéciales et faire deux, trois jeux par match, mais la réalité, c’est que je suis ici et que je suis bien.

Marc-Antoine Dequoy

Dequoy refuse donc de s’imaginer ailleurs, dans un autre uniforme et dans un environnement différent. Son contrat le lie aux Alouettes jusqu’en 2025.

Le Montréalais souhaite gagner une Coupe Grey avec l’équipe de son enfance. Une déclaration contraire aurait été étonnante.

Mais son désir de triompher va au-delà de soulever le trophée. Il veut sentir que les huit millions de Québécois le soulèvent avec lui. « Il n’y aurait rien comme une Coupe Grey, chez nous, au Québec. Je veux que les gens dans leur salon disent “on a gagné”, dit-il en insistant sur le “on. Comme le Canadien il y a deux ans. Ça fêtait dans les rues, parce qu’on gagnait. Je veux ramener ça. Une équipe avec du talent québécois, une direction québécoise. Je veux gagner chez nous. »

Lorsqu’il accrochera ses crampons, il veut pouvoir regarder autour de lui et apercevoir des partisans fiers dans les gradins, dans la rue ou au restaurant. Ses statistiques personnelles n’auront aucune valeur, du moment qu’il aide les Alouettes à retrouver leurs lettres de noblesse.

« Quand j’ai grandi, les Alouettes étaient une force. C’était une équipe gagnante, mais surtout, il y avait une fierté. On était fiers de notre équipe. Dans les dernières années, ça a disparu. On l’a vu avec les fans qui sont partis. Moi, je veux ramener cette fierté-là et ramener un championnat. Ce serait le summum de ma carrière. »

Qui est Marc-Antoine Dequoy ?

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marc-Antoine Dequoy

  • Né le 15 septembre 1994 à L’Île-Bizard
  • Diplômé d’études du jeu vidéo de l’Université de Montréal
  • Joueur défensif de l’année du RSEQ en 2018 avec les Carabins de l’Université de Montréal
  • S’est entendu avec les Packers de Green Bay en tant que joueur non repêché en 2020 et a été invité par les Saints de La Nouvelle-Orléans en 2021.
  • Choisi par les Alouettes au deuxième tour du repêchage de la LCF en 2020
  • A participé à la télé-réalité Big Brother Célébrités, sur les ondes de Noovo, en 2022.