Aussi important soit-il, le repêchage est un évènement on ne peut plus normal dans la vie d’une franchise professionnelle. Chez les Alouettes de Montréal, c’est exactement cette normalité qui rend l’exercice aussi spécial cette année.

Danny Maciocia ne pourrait être plus serein. En rencontre de presse, lundi après-midi, à la veille de la séance de repêchage de la Ligue canadienne de football, le directeur général des Oiseaux a parlé d’évaluation des joueurs, de stratégies, d’attentes à l’égard de son équipe pour la saison 2023. Enfin ! pourrait-on dire.

Car pour la première fois depuis des mois, « toute [son] énergie et [sa] concentration » sont consacrées au football. « En toute transparence, je n’ai pas aussi bien dormi depuis deux ans, a-t-il avoué aux journalistes. Quand tu es dans cet état d’esprit, c’est surprenant à quel point tu es efficace et productif. J’avais oublié ce sentiment. J’en profite pleinement. »

Cela fait à peine trois ans que Maciocia est devenu le DG des Alouettes. Cela pourrait en faire 30 que ce ne serait pas bien différent, tellement cette période a été marquée par le chaos. L’équipe a été vendue, mise sous tutelle et vendue de nouveau. Après une saison 2021 ordinaire soldée par une élimination rapide, Maciocia a passé la majorité de la campagne 2022 sur les lignes de côté, en remplacement de l’entraîneur-chef Khari Jones, congédié après seulement quatre rencontres.

Le tumulte a atteint son sommet au cours du dernier hiver. Pendant six semaines, l’équipe a été « complètement inactive ». L’incertitude entourant le changement de propriété du club lui a coupé tout son pouvoir de dépenser. Le dirigeant n’a reçu le feu vert qu’à 9 h, le matin de l’ouverture du marché des joueurs autonomes, pour embaucher de nouveaux effectifs. Même s’il estime avoir « sauvé les meubles » dans les circonstances, la longue traversée du désert a laissé des traces.

De son propre aveu, les 18 mois ayant précédé la vente de l’équipe à Pierre Karl Péladeau, en mars dernier, ont été « très difficiles ». « Il y avait plus d’histoires hors du terrain que sur le terrain, a-t-il rappelé. C’est ce qu’on veut éviter. On souhaite avoir une équipe alignée, bien dirigée et en santé. On est convaincus que c’est ce qu’on va avoir pour les prochaines années. »

Son nouveau patron lui donne les coudées franches, assure-t-il. Et déjà, l’organisation semble jouir d’une meilleure réputation. En janvier et en février, Maciocia devait constamment répondre à des questions sur l’avenir du club lorsqu’il discutait avec des agents de joueurs.

Et à l’approche du repêchage ? « Zéro. On est complètement ailleurs. »

Enfin, disait-on.

« Pas la meilleure cuvée »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Les 18 mois ayant précédé la vente de l’équipe à Pierre Karl Péladeau, en mars dernier, ont été « très difficiles ». « Il y avait plus d’histoires hors du terrain que sur le terrain, a rappelé Danny Maciocia. C’est ce qu’on veut éviter. On souhaite avoir une équipe alignée, bien dirigée et en santé. On est convaincus que c’est ce qu’on va avoir pour les prochaines années. »

Aussi emballé le personnel des Alouettes soit-il, Danny Maciocia ne déborde pas d’enthousiasme à l’égard du bassin de joueurs disponibles cette année.

« C’est loin d’être la meilleure cuvée que j’aie vue depuis que je suis dans la Ligue canadienne », a-t-il lancé. Depuis 20 ans, donc.

Un nombre suffisant de « très, très bons » athlètes devrait rendre le premier tour intéressant, et même les suivants. Mais déjà, « après le deuxième ou le troisième tour, il faudra être vraiment stratégiques », a indiqué le DG. Ce qui est probablement plus tôt que par le passé. Maciocia dit tirer une « grande fierté » de dénicher dans les tours tardifs des joueurs capables d’aider l’équipe rapidement. Il cite, à cet effet, les noms de Zach Lindley et de Brock Gowanlock, des choix de 8tour en 2022 et en 2020, respectivement, qui ont tous les deux vu beaucoup d’action la saison dernière.

S’il garde en tête de sélectionner « le meilleur joueur disponible » en toutes circonstances, le DG répète l’importance de choix « stratégiques ». Par exemple, des joueurs qui possèdent encore des années d’admissibilité dans les universités canadiennes et qui pourraient continuer de se développer à ce niveau pendant que les Alouettes conservent leurs droits de négociation.

La « stratégie » sera aussi mise à contribution au sujet de joueurs à haut profil. Notamment les Québécois Matthew Bergeron et Sidy Sow, tous deux repêchés par des équipes de la NFL la semaine dernière. Prendra-t-on un risque avec eux s’il y a une réelle « possibilité qu’on ne les voie jamais jouer dans la LCF » ? On verra bien.

Maciocia a été interrogé sur deux autres espoirs natifs de la province, Francis Bemiy (Southern Utah) et Michael Brodrique (Université de Montréal).

Un repêchage virtuel mené au cours des derniers jours par l’analyste Marshall Ferguson, de TSN, voyait en Bemiy, joueur de ligne défensive, un candidat évident pour les Oiseaux avec leur première sélection au cinquième rang du premier tour. Maciocia est d’ailleurs convaincu que le Québécois est voué à « une belle carrière dans la Ligue canadienne » et qu’il sera en uniforme dès le début de la saison 2023, à Montréal ou ailleurs.

Le gestionnaire a été plus circonspect à propos de Brodrique, secondeur « très athlétique » qu’il a lui-même recruté chez les Carabins il y a quelques années. « Il a bien performé » au camp d’évaluation organisé par la ligue en mars dernier, a simplement souligné Maciocia.

Peu importe les joueurs sélectionnés ce mardi, on s’assurera qu’ils arrivent à Montréal avec « une bonne attitude ». Car, note le DG, « si on a un bon vestiaire, on aura un bon produit ».

Si ce « produit » peut faire parler de lui seulement pour ses performances sur le terrain, ce sera déjà une petite victoire.

La séance de repêchage de la Ligue canadienne de football aura lieu ce mardi à compter de 20 h. Elle sera télédiffusée sur les ondes du réseau TSN. Les Alouettes possèdent huit choix au total, notamment les 5e et 7e sélections du premier tour.