Le jour, il est enseignant au primaire. Le soir, il joue au football.

Voilà qui ferait un sapré synopsis de film. À quelques nuances près, c’est la vie de Michael Brodrique, un nom que vous entendrez de plus en plus souvent dans les prochaines années.

Mardi prochain, il devrait être réclamé assez tôt au repêchage de la Ligue canadienne de football. Au classement final des espoirs, il arrive au 11rang, et aucun joueur évoluant dans les universités québécoises n’est mieux positionné.

S’il est connu comme Michael Brodrique, secondeur des Carabins de l’Université de Montréal, au football, c’est plutôt « monsieur Michael » dans son autre vie.

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« Demain, c’est mon colloque final. Mes collègues et moi, on présente notre dernier projet », nous dit-il fièrement.

Le CEPSUM, où il joue depuis 2019, est sens dessus dessous quand on le rencontre en ce jeudi midi. En fait, c’est tranquille à l’intérieur, mais à l’extérieur, des ouvriers s’affairent à reconstruire le terrain de football. Les vibrations des engins de construction nous forcent à trouver un coin tranquille, loin des fenêtres, où il racontera son parcours de joueur, mais aussi sa vision de son « autre » métier.

« Le terrain était “dû”, dit le charismatique athlète, sourire en coin.

— Mais c’est dommage, tu n’auras pas la chance de l’essayer.

— Ça m’avait fait ça au cégep aussi, je suis habitué. Peut-être un an après mon départ, ils ont tout refait les vestiaires ! »

D’abord inscrit à HEC Montréal, il a vite compris que le commerce, ce n’était pas pour lui. L’été précédant son admission, il avait été moniteur dans un camp de jour. « J’ai vraiment tripé, raconte-t-il. Puis j’ai fait ma session à HEC, mais je me suis rendu compte que je n’aimais pas du tout mes cours. »

Les élèves qu’il a épaulés pendant ses études étaient bien au fait de son autre carrière. Son cadeau de départ après un de ses stages : un ballon de football signé par les élèves.

Difficile de se détacher de l’étiquette du « prof cool », dans ces circonstances ?

« Je n’agis pas comme le prof cool, parce qu’il faut établir notre autorité au début, répond-il. Mais après quelques semaines, je deviens plus l’enseignant “facile” ». En plus, ce que je préfère, c’est le 3cycle. L’autonomie, la maturité, c’est ce que je prône. Donc oui, je peux être vu comme l’enseignant relax. Mais je leur en demande beaucoup parce qu’ils sont en 6année. »

Un métier dans la tourmente

L’entrevue a lieu au moment où le métier d’enseignant se retrouve au cœur de l’actualité, après la mise au jour de l’histoire d’une enseignante enregistrée en train de hurler des propos agressifs envers ses élèves. Or, Brodrique a justement fait un de ses stages à l’école primaire des Grands-Vents, de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

« Ça me touche beaucoup parce que c’est mon quartier, c’est une des écoles où j’ai travaillé. Je trouve ça triste qu’une enseignante ait besoin de se rendre là. En enseignement, on sait très bien que l’épuisement, ça arrive. Personne n’est… Tout le monde est différent et le vit à sa façon. Quand je vois ça, je me dis qu’on a encore beaucoup de difficulté dans le monde et ça serait le fun de changer ça pour que personne ne se rende là.

« C’est dur de se faire une idée sur la meilleure solution. Je ne dis pas que les enseignants connaissent plus les solutions que les gens à l’extérieur, mais c’est nous qui sommes sur le terrain, nous connaissons les problèmes dans les classes, avec les directions. Si tout le monde s’assoyait enfin à la même table et discutait des vrais problèmes, peut-être que les changements arriveraient pour vrai. »

Quoi qu’il arrive au football, le jeune homme de 24 ans a bien l’intention de mener de front ses deux carrières.

La LCF, c’est [six] mois, de mai à novembre. Je ne vais pas me tourner les pouces et juste m’entraîner en hiver ! J’aimerais aller chercher de la suppléance, un contrat. Je veux continuer dans ce domaine, je veux continuer à m’épanouir et je ne veux pas perdre mes habiletés d’enseignant.

Michael Brodrique

Un choix de premier tour ?

Le repêchage de la LCF est toujours difficile à prédire. Au cœur de l’incertitude : le sort des joueurs également convoités dans la NFL.

Les Québécois Matthew Bergeron et Sidy Sow, par exemple, sont respectivement premier et cinquième espoirs selon le Bureau de recrutement de la LCF. Or, les deux ont été réclamés au repêchage de la NFL, respectivement au deuxième et au quatrième tour. Les équipes qui les sélectionneront le feront donc en tenant compte de la possibilité qu’ils se taillent un poste dans la NFL et ne viennent jamais au Canada. En 2014, Laurent Duvernay-Tardif était le premier espoir, mais a seulement été réclamé au 19e rang, par les Stampeders de Calgary, une sélection à l’eau.

Les Alouettes détiennent les cinquième et septième choix au premier tour, et s’il y a une organisation qui connaît Brodrique, c’est bien Montréal. Le directeur général, Danny Maciocia, l’a dirigé chez les Carabins en 2019, tout comme Byron Archambault, aujourd’hui coordonnateur des unités spéciales et adjoint chez les Alouettes.

PHOTO JAMES HAJJAR, FOURNIE PAR LES CARABINS DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Michael Brodrique avec les Carabins de l’Université de Montréal

Sauf que Brodrique avait connu, de son propre aveu, une saison « difficile moralement », il jouait très peu et était surtout employé sur la ligne défensive, là où il n’est pas à son aise. La saison suivante avait été annulée et au retour au jeu, en 2021, Maciocia et Archambault n’y étaient plus.

De toute façon, notre homme s’arrête bien peu à ces histoires du passé.

« Je me dis surtout : est-ce que les Alouettes ont besoin de moi, ont un plan pour moi ? Je ne me dis pas que je veux jouer avec telle ou telle équipe. Je veux jouer avec l’équipe qui a envie de me repêcher. Ce serait une belle marque de représenter l’équipe de la ville où j’ai joué, mais mon but, c’est de jouer au foot. »

Qui est Michael Brodrique ?

  • Secondeur, Carabins de l’Université de Montréal
  • 24 ans
  • 6 pi 3 po, 216 lb
  • Statistiques en 2022 : 32 plaqués, 3,5 sacs, 1 interception, 1 ballon recouvré en 7 matchs
  • Nommé au sein de l’équipe d’étoiles défensives du RSEQ en 2022
  • 11e espoir du repêchage de la LCF
  • Étudiant en éducation préscolaire et enseignement primaire