Le secret le moins bien gardé à Montréal a enfin pu être dévoilé, vendredi matin au Stade olympique. Le PDG du groupe Québecor, Pierre Karl Péladeau, est le nouveau propriétaire des Alouettes de Montréal. Pour lui, « il ne s’agit pas d’une opération financière, mais d’une opération de fierté. »

M. Péladeau s’est présenté au troisième étage du Stade olympique accompagné de sa femme et leurs deux enfants, ainsi que du commissaire de la Ligue canadienne de football (LCF), Randy Ambrosie.

« Fier Montréalais », l’homme d’affaires de 61 ans a parlé de fierté d’entrée de jeu. Ce thème a été récurrent au cours de la conférence de presse qui a duré près de 75 minutes.

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Même s’il a acheté la franchise avec ses propres fonds, « C’est très important pour Québecor de s’impliquer dans la collectivité », a-t-il indiqué au sujet de ses nouvelles aspirations.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau

Selon ses dires, sa priorité est de rétablir le lien d’attachement et de confiance entre les amateurs de football et les Alouettes, en plus de redonner à la communauté à travers cette équipe en perte de popularité.

Pour y arriver, il souhaite que les Alouettes deviennent l’équipe de toute la province. « Les Alouettes ont vécu une période d’instabilité et mon engagement est à long terme », a-t-il précisé. C’est pourquoi M. Péladeau souhaite « la [l’équipe] commercialiser partout au Québec » pour « rejoindre les gens et élargir le rayonnement des Alouettes. » Il vante en ce sens « l’expertise numérique » de son groupe médiatique, qui comprend également des journaux, des chaînes de télévision et un réseau d’affichage.

« C’est un grand jour pour la ville de Montréal, la province de Québec et les Alouettes de Montréal », a même évoqué le commissaire dans un français approximatif. Il a même parlé d’une « annonce historique. »

D’après lui, Pierre Karl Péladeau était le candidat idéal pour remettre la franchise sur les rails. « C’est un homme d’affaires dynamique », qui est « passionné et proche de sa communauté. »

Une longue route

Avec les nombreuses controverses ayant terni l’image de l’équipe, les Alouettes de Montréal ont perdu beaucoup de fidèles. Le club peine à rivaliser avec les Canadiens de Montréal et surtout avec le CF Montréal en termes de popularité, ou du moins en matière d’attachement, dans le marché sportif québécois.

La franchise a dû négocier avec plusieurs impondérables, surtout sur le plan financier. Si bien que les résultats sur le terrain, ainsi que la relation entre le public et les joueurs se sont quelque peu détériorés. Pourtant, à une époque pas si lointaine, les Alouettes disposaient d’une immense cote d’amour et ses joueurs étaient de véritables vedettes dans la métropole.

Or, même si M. Péladeau a le désir de faire des ponts entre sa nouvelle équipe et la communauté, cela pourrait prendre un certain temps. Les partisans seront certainement méfiants compte tenu des différentes péripéties des dernières années concernant l’instabilité de la franchise.

Mon expérience a démontré hors de tout doute que lorsque nous nous impliquons envers un objectif, cette implication est solide, pérenne et continue.

Pierre Karl Péladeau

« On va prendre les moyens. Nous avons énormément de moyens, a-t-il poursuivi, justement pour faire la promotion et faire parler de nos Alouettes, de nos joueurs, de notre équipe, de leur implication sociale. »

M. Péladeau se conforte dans l’idée que les Québécois ont une « sensibilité », concernant les joueurs de son équipe. Il demeure certain, néanmoins, que son expérience dans le monde des télécommunications est suffisante pour rassurer la base partisane. « Nous avons les outils nécessaires pour faire parler des Alouettes. »

Trouver un nid

L’une des épines dans le pied de la franchise depuis plusieurs décennies demeure la location des installations. Les Als n’ont aucun avoir. Leurs bureaux, leur gymnase et surtout le stade où ils jouent et le terrain où ils s’entraînent sont tous des espaces loués.

En effet, le stade Percival-Molson, où sont disputés leurs matchs à domicile, est la propriété de l’université McGill. C’est ce qui explique que la valeur des Alouettes soit l’une des moins élevées de la LCF.

M. Péladeau a confirmé qu’à court terme, l’équipe continuerait d’élire domicile au stade de McGill. À terme, il aimerait que l’équipe puisse disposer de ses propres installations.

Parmi les éventualités discutées, il y aurait ce partenariat entre le CF Montréal et les Alouettes pour construire un stade où les deux équipes pourraient se déposer. Plusieurs villes en Amérique du Nord ont opté pour cette alternative.

M. Saputo et moi nous connaissons très bien. J’ai beaucoup d’estime pour Joey et sa famille. Nous avons été de proches collaborateurs, avec la MLS et Vidéotron.

Pierre Karl Péladeau

Néanmoins, il serait « précipité et prématuré » d’aborder une telle possibilité. « Ce n’est pas impossible, a-t-il ajouté, et si c’était possible de le faire, nous le ferions avec grand enthousiasme. »

Le stade Percival-Molson est un complexe d’une autre époque à l’accessibilité restreinte et à la structure presque désuète. Certains doutent même qu’il soit digne d’accueillir des matchs de football professionnel. Le nouveau propriétaire en est conscient : « Ce n’est pas le plus moderne. Il est certainement l’un des plus anciens. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas quelque chose à faire. »

« C’est une question qui se pose et qui nous préoccupe, évidemment, a-t-il concédé, mais je pense que ce serait prématuré » d’évoquer une autre possibilité pour héberger l’équipe, quelques heures seulement après la vente officielle de l’équipe.

Les grands défis des Alouettes

Il reste maintenant à voir comment M. Péladeau compte s’attaquer aux défis entourant les activités quotidiennes de l’équipe. Notre chroniqueur Alexandre Pratt en avait dressé une liste à la mi-février, à la suite d’une entrevue avec Mario Cecchini.

Les profits

Ça fait une dizaine d’années que les Alouettes sont déficitaires. En 2019, les pertes ont été de 9 à 10 millions. En 2021, entre 4 et 5 millions. « On a démontré qu’après des années plus difficiles, les finances du club pouvaient s’améliorer », indiquait Mario Cecchini. Suffisamment pour espérer faire des profits un jour ? « Oui. Pas l’année prochaine. Mais à terme, si quelqu’un arrive avec un bon plan, je pense que c’est possible […] Nous ne sommes plus en 2019. La Ligue a maintenant une entente avec Genius pour développer le pari sportif et le marketing numérique. L’expérience à la télévision s’améliorera. Nous aurons plus de statistiques avancées, et de 25 à 30 caméras par stade. La convention collective est signée jusqu’en 2027. Un partage des revenus est en place. Nous avons aussi un contrat de télévision à long terme. »

Le stade

Les Alouettes ne sont pas propriétaires, mais locataires du stade Percival-Molson. Ça vient avec des contraintes. L’équipe est actuellement en train de renégocier son bail. À court terme, son avenir reste au centre-ville. Mais à moyen terme ? Le futur propriétaire aura des options.

Les actifs

Les Alouettes louent le stade Molson, leur terrain d’entraînement et les bureaux administratifs. Ils ont donc peu d’actifs. Les propriétaires précédents, Sidney Spiegel et Gary Stern, souhaitaient construire un terrain d’entraînement, et en devenir les propriétaires. « Je n’ai pas de conseils à donner au futur propriétaire, mais c’est un aspect qui mérite d’être étudié, avait dit Cecchini. Le nouvel acheteur aura l’occasion de partir de quelque chose près d’une page blanche. »

La commandite locale

En 2020, la LCF a décidé de vendre les Alouettes à deux investisseurs ontariens, plutôt qu’à des consortiums québécois. Cette décision a froissé beaucoup de gens dans la communauté montréalaise des affaires. Mario Cecchini l’a ressenti sur le terrain.

Les abonnés de saison

Au début des années 2000, les Alouettes vendaient 17 000 abonnements par saison. Le club était tellement populaire qu’il a installé des gradins supplémentaires — qui n’ont presque jamais servi lorsque les performances sur le terrain se sont mises à décliner. En 2019, la base d’abonnements avait fondu à 10 000. Aujourd’hui ? Mario Cecchini n’est pas autorisé à dévoiler publiquement le chiffre exact. Mais il convient que « la COVID-19 a grugé un peu là-dedans ».

La dépendance à la victoire

Il y a quelques années, les Alouettes ont appelé leurs anciens abonnés afin de savoir pourquoi ils avaient quitté le nid. « Près de 83 % des fans ayant annulé leur abonnement l’ont fait à cause des performances de l’équipe », avait révélé l’ancien président Patrick Boivin. Les succès des Alouettes aux guichets dépendent-ils des victoires ? « On a souvent dit ça du marché de Montréal, expliquait Mario Cecchini. C’est vrai de tous les sports. Il y a quelques mois, j’étais sur un panel avec Geoff Molson [du Canadien] et Gabriel Gervais [du CF Montréal]. Même Geoff disait que le meilleur marketing, c’est la victoire. C’est ça qui crée l’engouement. Si c’est vrai pour le hockey, c’est sûrement vrai pour nous aussi. Après, c’est à nous, année après année, d’améliorer l’ambiance, pour que les gens aient trois, quatre ou cinq raisons de venir au stade. »