Patrick Mahomes et Jalen Hurts seront les premiers quarts-arrières noirs à s’affronter dans le cadre du Super Bowl. Ce rendez-vous n’est pas seulement historique. Il témoigne surtout d’un changement de mentalité.

Ron Hilaire est l’entraîneur-chef de l’équipe de football des Redbirds de l’Université McGill dans le réseau universitaire québécois. Il est également l’un des personnages les plus impliqués dans les activités de promotion et de conscientisation de la diversité et de l’inclusion dans le milieu sportif québécois.

À son avis, l’affrontement entre Mahomes et Hurts est le point culminant d’un changement de culture amorcé depuis plus d’une vingtaine d’années. « Il y a toujours eu des quarts-arrières noirs avec un talent incroyable dans la NFL », fait-il remarquer. Il cite les noms de Donovan McNabb, Robert Griffin III, Cam Newton, Vince Young et Michael Vick.

La différence entre cette génération et la nouvelle cuvée incluant les deux protagonistes du prochain Super Bowl, Lamar Jackson, Justin Fields et compagnie, se trouve dans la confiance des organisations à leur égard.

Les organisations ont donné les rênes de leur équipe à des quarts noirs. Ils sont les visages de leur organisation. On voit une émergence de talents, et c’est une bonne chose.

Ron Hilaire, entraîneur-chef de l’équipe de football des Redbirds de l’Université McGill

Le demi de coin des Commanders de Washington Benjamin St-Juste est du même avis : « Il y a une nouvelle génération au sein de laquelle il y a beaucoup plus de diversité chez les quarts-arrières. Avant, les gens ne croyaient pas qu’on pouvait avoir des quarts-arrières noirs, parce qu’ils étaient trop athlétiques, pas assez intelligents pour être quarts-arrières. Maintenant, on en voit plein », explique-t-il.

Une belle plateforme

Le Super Bowl de dimanche sera le 57e de l’ère moderne. Pourtant, jamais deux quarts noirs ne s’étaient affrontés. « Il était temps ! », lance Hilaire.

Maintenant, selon lui, la NFL doit profiter du moment. « C’est une belle occasion pour la NFL de promouvoir la diversité, le mouvement d’égalité et de lutte contre le racisme. Je pense que le Super Bowl est une belle vitrine et ça montre que tout est possible si tu es prêt à mettre les efforts. »

Ces efforts, Mahomes et Hurts les ont faits pour atteindre la NFL. Pour gagner des matchs de football. Pour jouer au Super Bowl. Pas nécessairement pour faire avancer la cause, nuance Hilaire. Néanmoins, leur parcours a de quoi en inspirer plus d’un.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Ron Hilaire, entraîneur-chef de l’équipe de football des Redbirds de l’Université McGill

Leur mettre un fardeau additionnel sur les épaules pour porter le flambeau pour tous les Noirs, c’est beaucoup demander. Ils doivent juste s’assurer d’être de bons modèles et de prendre de bonnes décisions. Tant qu’ils feront ça, ce sera suffisant.

Ron Hilaire, entraîneur-chef de l’équipe de football des Redbirds de l’Université McGill

De son côté, St-Juste insiste sur l’importance de la représentativité. « C’est l’une des meilleures choses pour motiver un jeune. »

Avec cette nouvelle vague, les jeunes quarts-arrières voient cette diversité qui s’installe de plus en plus. St-Juste poursuit : « L’ancienne génération de Peyton Manning, Drew Brees et Philip Rivers a créé beaucoup de motivation. Dorénavant, pour les jeunes, il y a Mahomes, Hurts et Jackson. C’est un nouveau groupe, une nouvelle manière de jouer, de nouveaux concepts, un nouveau style. »

Il en va aussi de la démocratisation de certaines positions sur le terrain, d’après St-Juste. « Les jeunes joueurs noirs ne sont plus obligés d’être juste receveurs ou demis défensifs. »

Il y a de la place pour tout le monde et Hilaire souligne que la diversité n’a pas seulement à voir avec la couleur de la peau. « Ce sont les gens de toutes les origines, de tous les sexes, de tous les milieux. »

D’après lui, on peut encore faire mieux. « Je ne pense jamais qu’on en fait assez », mais il maintient sa position : « On est dans la bonne direction, les gens sont de plus en plus au courant du changement qu’on est en train d’opérer. »

À force de côtoyer les réseaux secondaires, collégiaux et universitaires, Hilaire est optimiste à l’égard de la relève. Cette cuvée de quarts noirs saura sans doute inspirer un jeune Québécois, quelque part dans la Belle Province. À son avis, il y a de fortes probabilités que la prochaine sensation québécoise soit noire : « Il y a des chances que le prochain grand quart noir soit déjà dans un programme collégial ou secondaire. Ce gars-là doit juste continuer de pousser, de persévérer et ça portera ses fruits lorsqu’il sera rendu au niveau universitaire. »