Au-delà de la douleur, le pire d’une opération au ligament croisé antérieur est la réadaptation. Habituellement, un athlète doit attendre entre 9 et 12 mois avant de reprendre ses activités normalement, au meilleur de ses capacités. Mais entre l’opération et cette finalité, il passe par toute la gamme des émotions.

Le processus

Selon Gabrielle Page, un déchirement du ligament croisé antérieur est « la pire blessure possible » pour un athlète.

« Ce qui fait que c’est si gros comme blessure, c’est la réhabilitation. Parce que c’est long. C’est vraiment long », estime-t-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriella Page

Et ça fait mal : « Dans mon sommeil, la douleur me réveillait. Juste bouger ma jambe, me lever et sentir tout le sang aller dans ma jambe, ça faisait mal. »

Au moins, contrairement à d’autres programmes de réadaptation, celui lié au LCA permet d’obtenir un suivi. Chaque semaine, il est possible de constater des progrès et d’avoir un plan de guérison à long terme relativement précis.

« J’avais tellement mal en effectuant mes exercices lors des deux premières semaines. Mais il faut les faire pour revenir plus vite et plus fort. Au moins deux fois par jour », confirme l’escrimeuse.

Le plus compliqué, toutefois, demeure de ne pas sauter d’étape, car chaque palier du processus de guérison est réfléchi et nécessaire, confie Page. Mais des athlètes de sa trempe veulent évidemment revenir dans l’arène le plus tôt possible, surtout lors d’une année olympique.

« La partie la plus difficile, c’est au septième et au huitième mois, quand tu commences à te sentir vraiment bien et que tu sais que tu peux faire ton sport, sans y aller à 100 %. »

En connaissance de cause

En tant que future spécialiste dans le domaine de la santé, Audrey McManiman savait qu’elle ne devait pas répéter les erreurs du passé.

« Ça ne me stressait pas. J’étais rassurée de comprendre le processus. Quelle partie du greffon ils allaient prendre et pourquoi ils allaient le prendre. Pourquoi je dois faire la réhabilitation sur un an et qu’à 16 ans, j’étais retournée en six mois. Je comprends le pourquoi du comment, et ça me motive à me pousser », ajoute-t-elle.

La clé, selon la planchiste, pour bien réussir la dernière phase du processus, est de s’écouter.

Il ne faut pas pousser quand c’est rendu trop. Il faut être patient. Il ne faut pas être en compétition avec le protocole.

Audrey McManiman

Elle anticipe toutefois le moment où elle verra ses coéquipiers glisser sur la neige. Ce sera la période la plus pénible. En raison de son opération, McManiman ratera l’entièreté de la saison 2023-2024.

« C’est la première fois que je vais manquer un hiver. Je m’attends à retourner sur la neige en mars. Ça va être difficile, et c’est pour ça que je me tiens occupé. Mais au moins, c’est moi qui ai tout décidé. J’ai eu le choix de repousser la chirurgie. Là, je prends encore mon mal en patience, mais je sais que ça va faire mal quand je vais voir mon équipe partir en compétition. »

Au moins, elle est en mesure de se fixer des objectifs clairs, car même si cette blessure est horrible et que la récupération est longue, « au moins, tu sais que tu avances ». « Tu vois que ta jambe plie mieux et que ça fait moins mal, souffle-t-elle. Une commotion cérébrale, par exemple, c’est dur de savoir que tu progresses. »

Une transformation

Luc Brodeur-Jourdain avait 32 ans lorsqu’il a subi une déchirure du ligament croisé antérieur.

« Je savais que ma carrière était potentiellement terminée si je n’étais pas prêt pour le prochain camp d’entraînement », se souvient-il.

Il a donc mis les bouchées doubles pour revenir le plus rapidement possible la saison suivante. Un mois après son opération, il avait perdu près de 40 livres, grâce à des séances d’entraînement cardiovasculaire deux à trois fois par jour.

Néanmoins, à son retour au jeu, il a constaté une différence avec le joueur qu’il était auparavant.

« Même encore aujourd’hui, quand je cours, on dirait que je boite, pas parce que j’ai de la douleur, mais parce que j’ai encore une restriction d’amplitudes de mouvement. »

Ma jambe ne va pas en pleine extension.

Luc Brodeur-Jourdain

Reste qu’il est quand même revenu dans l’action. Principalement parce que sa réhabilitation a été adéquate, et surtout, car il a fait confiance au protocole. « Je me suis informé au meilleur de mes capacités. »

Quelques années plus tard, son conseil est le suivant pour les athlètes devant passer par un tel processus : « Si tu veux gagner un sprint, ça se peut que tu trouves ça difficile mentalement. Mais quand tu sais que c’est un marathon, mais que tu veux finir premier, tu prends les moyens pour être organisé. »

Une bonne équipe

« Ça prend une équipe multidisciplinaire. Une très bonne communication et une collaboration entre le chirurgien, le physiothérapeute et le thérapeute du sport », répond Sarah Bérubé lorsqu’on lui demande quelle est la recette pour bien réussir une réadaptation.

Ainsi, chaque spécialiste est en mesure d’aider l’athlète en choisissant une approche adaptée au type de soins reçus préalablement.

Ultimement, le but demeure de permettre à l’athlète de retrouver l’ensemble de ses capacités. « Il faut des programmes adaptés au sport pratiqué, souligne la physiothérapeute, pour retrouver les mouvements, la force, la souplesse musculaire et le cardiovasculaire. »