Choisir de subir une opération n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Certains athlètes peuvent vivre, bouger et performer sans intervention, évitant d’hypothéquer plusieurs mois, voire des années, de leur carrière. Or, les athlètes rencontrés sont tous passés par un processus sinueux menant à la table d’opération. Mise en garde : les détails pourraient déranger certains lecteurs.

Le faire maintenant, pour plus tard

« Ça m’a pris deux mois, la deuxième fois, pour me décider à faire l’opération, précise Gabriella Page. Je voulais essayer de vivre sans l’opération, de faire du renforcement, d’aller au gym, parce que dans ma tête, après l’opération, c’était fini. »

Cependant, à son retour à l’entraînement, son genou était trop « instable » pour espérer rivaliser avec les meilleures au monde. En se faisant opérer, elle allait toutefois devoir faire une croix sur des centaines d’heures d’entraînement en prévision des Jeux olympiques de Paris. D’autant plus qu’elle s’était fait opérer quelques mois auparavant. Dans un cycle olympique tirant à sa fin, cette décision était courageuse, mais nécessaire.

Elle a aussi choisi de se faire opérer pour sa vie après l’escrime. « C’est aussi pour ma santé, mon avenir. Quand je vais avoir des enfants, je vais vouloir jouer avec eux », prévient l’athlète de Blainville.

Après coup, elle n’a aucun regret. Surtout que sur la table d’opération, les chirurgiens se sont rendu compte que ses deux ménisques étaient également endommagés.

« La première fois, c’était juste avec l’épidurale, donc j’étais consciente et j’ai pu regarder sur l’écran ce qu’ils faisaient. Mon chirurgien m’expliquait au fur et à mesure. C’était vraiment nice. Mais à un moment, il perce ton fémur et là, je sentais toute la pression de la perceuse dans mes hanches. Et là, je voulais qu’ils m’endorment ! »

La deuxième fois, on m’a complètement endormie. Je voulais regarder, mais ils n’ont pas voulu !

Gabriella Page

La première opération avait duré une heure et demie. La deuxième a pris trois heures. Et s’en sont suivis dix jours de douleur insupportable.

Consciente et curieuse

À 16 ans, Audrey McManiman s’était fait opérer les deux genoux presque simultanément, à un mois d’intervalle. Dans l’un d’eux, elle s’est aussi fait retirer 50 % du ménisque.

« Je ne connaissais pas autant mon corps ni l’anatomie. Mon genou était brisé, il fallait le réparer ! Je ne me suis pas posé de questions. Aujourd’hui, je ne ferais pas les deux en même temps. »

L’athlète de 28 ans est désormais étudiante en kinésiologie. Donc, elle était captivée et fascinée par tout le processus. Elle était aussi bien au courant de ce qui l’attendait.

« Ça m’a permis d’être un peu plus critique. J’ai pu poser les bonnes questions, je suis allée voir trois orthopédistes pour avoir trois opinions différentes. »

Cependant, avec l’usure, McManiman a commencé à faire énormément d’arthrose. Ce qui a compliqué quelque peu sa plus récente opération : « Ç’a été une grosse job ! Le chemin est magané. Donc, quand tu passes le greffon, ça magane le chemin encore plus. C’est comme rentrer un bulldozer dans le genou. On ne voulait pas que ça empire mon arthrose. On a conclu que [l’opération] allait diminuer la dégénérescence de mon genou. »

Comme Page, elle voulait être consciente pendant son intervention. Après tout, elle devenait son propre sujet d’étude. « Je voulais vraiment suivre tout le processus. Je leur ai dit de ne pas me donner trop de cocktails. Pendant la chirurgie, j’ai jasé avec le Dr François Marquis, je lui ai posé beaucoup de questions, mais vu que la chirurgie ne pouvait pas durer trois heures, je me suis calmée avec mes questions et je suivais la caméra au milieu de mon genou. »

Elle poursuit en n’épargnant aucun détail : « Et il m’a montré la tige “ça de longue”, dit-elle en créant un espace considérable entre ses index, qui allait traverser mon genou. J’entendais la scie, j’ai vu quand ils ont mis la vis au milieu de mon genou. »

J’étais vraiment comme un meuble IKEA !

Audrey McManiman

L’opération a duré une heure et demie. Quatre-vingt-dix minutes qui ont sans doute sauvé le reste de sa carrière : « S’il me reste trois, cinq ou sept ans de compétition en snowboard, je veux que ce soit des années le fun. Je trouvais ça stressant de faire trois ans en ayant les doigts croisés en espérant que ça ne brise pas. »

Un sacrifice

Luc Brodeur-Jourdain avait droit aux meilleurs soins. Avec les Alouettes de Montréal, il était entre de bonnes mains, car les équipes professionnelles ont les ressources nécessaires pour assurer à leurs athlètes le meilleur traitement possible.

Cependant, le plus pénible, croit l’entraîneur de ligne offensive, c’est d’accepter que cette blessure en occasionne trois autres.

« On a une vis dans le tibia, on a un trou au travers du fémur et on enlève une portion de l’ischiojambier pour faire le nouveau tendon. C’est ça qui rend la chose difficile. »

Une opération majeure

« La chirurgie est l’un des éléments faisant en sorte que ça prend du temps à s’en remettre », estime Sarah Bérubé, physiothérapeute chez les Alouettes de Montréal.

« Ils viennent chercher un de tes muscles très importants pour la course pour reconstruire une articulation qui est aussi très importante dans la course », poursuit Bérubé.

Les chirurgiens prendront une partie du tendon du quadriceps, en avant de la cuisse, ou une partie de l’ischiojambier, derrière la cuisse, pour reconstruire le genou. « Et dépendamment de ce qui a été fait, ça fait une différence pour nous dans notre approche pour la réadaptation », ajoute-t-elle.