À moins d’une nouvelle embûche, Guillaume Boivin sera bel et bien au départ du 121e Paris-Roubaix, dimanche, à Compiègne.

Victime d’une chute qui a provoqué son abandon au Tour des Flandres, où le champion mondial Mathieu van der Poel s’est imposé pour la troisième fois dimanche dernier, Boivin a été en mesure de rouler mardi en dépit d’une contracture, un gros « charley horse » au quadriceps gauche. Une visite du médecin, par la suite, l’a encouragé.

« Il était super content de voir comment ça s’est amélioré parce qu’on n’était pas très optimistes après la course », a relaté le représentant d’Israel-Premier Tech (IPT) peu après cette mise à jour médicale, mardi soir, en Belgique.

Vers le kilomètre 142 de l’épreuve qui en compte 270, Boivin s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment quand un cycliste qui le précédait de deux vélos dans le peloton a heurté un spectateur en bordure de la route. L’ancien champion canadien a été l’une des principales victimes du domino qui a suivi. Le Britannique Ben Swift, vétéran d’Ineos, est tombé sur lui.

Mon guidon a viré et ma jambe s’est coincée contre le cadre. J’avais un gars par-dessus moi, ça a vraiment serré fort sur ma jambe.

Guillaume Boivin

Boivin s’est relevé par ses propres moyens, mais sa course s’est arrêtée là. Il est retourné vers le bus d’IPT stationné près de l’arrivée à Audenarde. Incapable de pédaler, il s’est laissé pousser par le Français Alexis Renard (Cofidis), un ancien coéquipier d’Israel Start-Up Nation.

Des radiographies n’ont révélé aucune fracture. N’empêche, le coureur de 34 ans est courbaturé et le moral est atteint à quelques jours de se faire secouer le pommier sur les 55,7 km et 29 secteurs pavés de l’Enfer du Nord.

Cette chute survient au pire moment pour le routier qui rêve de ces classiques depuis la reprise de l’entraînement, en novembre. Une série de malchances a compromis sa forme avant même qu’il pose les roues en Belgique.

En février, une infection à la COVID-19 l’a d’abord empêché de participer au Circuit Het Nieuwsblad et à Kuurne-Bruxelles-Kuurne, les deux classiques flandriennes d’ouverture. Sa préparation pour Paris-Nice a également été entravée.

À son retour à la maison, mi-mars, une intoxication alimentaire l’a mis hors service quelques jours avant Milan-San Remo, où il s’est néanmoins tiré d’affaire. À l’E3 Saxo Classic, le 22 mars, il s’est luxé un doigt après avoir reçu un vélo sur la main pendant un tamponnage. Le natif de Saguenay souhaitait se relancer à la classique À travers la Flandre, mercredi dernier, mais une crevaison lente a plombé ses 100 derniers kilomètres.

Dans les circonstances, le Tour des Flandres devait lui offrir des renseignements sur son état de forme, mais il n’a jamais pu se mêler à la bagarre en raison de cette chute après le premier passage du Vieux-Quaremont.

« C’est un mois de m… comme on dit par chez nous. C’est assez démoralisant, surtout que je ne pensais vraiment pas pouvoir faire Roubaix quand je suis tombé parce que je n’étais même pas capable de marcher ce jour-là. Mais bon, ça a l’air de mieux aller. Je me suis quand même entraîné, j’ai pu faire quatre heures aujourd’hui. C’est déjà bon signe. J’ai mal partout, mais au moins, j’ai pu faire du vélo. J’essaie de rester positif et faire de mon mieux pour aller à Paris-Roubaix. »

« Pas une confiance incroyable »

Véritable amoureux de Paris-Roubaix depuis sa découverte de la version junior en 2007, Boivin y a brillé avec une neuvième place en dépit d’une chute en 2021. Depuis, il n’a pas été en mesure de s’y illustrer. En 2022, il était grippé, et l’an dernier, il se remettait d’une commotion après avoir été victime d’une débarque encore plus violente au Ronde, qu’il avait néanmoins terminé.

Selon lui, l’Américain Riley Sheehan, très costaud sur le Tour des Flandres (13e), s’annonce comme le meilleur espoir d’IPT pour Paris-Roubaix, qu’il disputera pour la première fois à 23 ans.

« Pour ma part, honnêtement, j’espère un petit miracle et que j’aurai de bonnes jambes, a jaugé Boivin. Parce que faire Paris-Roubaix avec des jambes ordinaires, ce n’est pas super le fun. Ça reste la plus belle course de l’année et je suis content d’être au départ. Je n’aurai pas une confiance incroyable, mais je vais faire de mon mieux. »

Forfait pour le Grand Prix de l’Escaut, mercredi, Boivin se concentrera plutôt sur l’entraînement et une reconnaissance des principaux secteurs pavés, jeudi ou vendredi.

Les Jeux olympiques dans la balance

La « reine des classiques » n’a pas été l’unique pensée de Guillaume Boivin après sa malchance au Tour des Flandres : les Jeux olympiques de Paris sont aussi dans sa ligne de mire. Celui qui était à Tokyo ambitionnait de faire bonne impression durant cette période clé du processus de sélection, qui se termine à la fin de mai. Le Canada est limité à deux coureurs pour l’épreuve en ligne.

« En ce moment, Derek Gee est blessé et Hugo [Houle] et moi, on n’a pas fait grand-chose non plus ce printemps. Ce n’est pas évident. C’est certain que ça ajoute un peu à la déception des dernières semaines, parce que j’aimerais bien sûr aller aux Jeux olympiques. C’est hors de mon contrôle. J’essaie de me concentrer sur le positif et faire du mieux que je peux avec les cartes que j’ai actuellement. »

Un neuvième Enfer du Nord pour Houle

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Houle

Lui aussi projeté sur le bitume pendant le Tour des Flandres, Houle s’en est mieux sorti, même s’il a dû abandonner après s’être cogné la tête. Les voyants sont au vert pour son neuvième départ à Paris-Roubaix, un premier depuis 2021. Plus léger que son coéquipier Boivin, le cycliste de 33 ans n’a jamais caché que le franchissement des pavés n’était pas son exercice préféré, encore moins depuis qu’il s’est davantage tourné vers la montagne il y a quelques années.

« C’est très exigeant pour moi parce que je me fais beaucoup secouer, a-t-il indiqué mardi. Ce n’est pas la course qui me convient le mieux, mais je mesure la chance que j’ai d’y être malgré la souffrance infligée ! »