À 33 ans, le cycliste Hugo Houle a déjà une idée assez précise de ce à quoi ressembleront ses trois prochaines saisons. Après un sixième et dernier Tour de France l’été prochain, il tournera ses yeux vers le Giro, où il rêve d’une victoire d’étape.

Un dernier Tour de France, ses troisièmes Jeux olympiques, deux Tours d’Italie et un clap de fin aux Championnats du monde à Montréal en 2026 : Hugo Houle a une idée assez précise de la façon dont il souhaite conclure sa carrière à 36 ans.

Cette feuille de route est bien sûr tributaire des aléas des sélections, de sa forme et de sa santé. En novembre, dans une descente sinueuse à proximité de chez lui à Monaco, sa roue arrière a glissé sur un caillou et il s’est retrouvé sur l’asphalte à haute vitesse. En voulant se protéger, il s’est fracturé un os du poignet.

L’immobilisation de son bras lui a coûté quelques semaines d’entraînement. Plus récemment, au début d’un important stage en altitude en Afrique du Sud, une maladie respiratoire l’a cloué au lit pendant une dizaine de jours.

« J’ai eu une infection qui a nécessité pas mal d’antibiotiques », a relaté Houle, la voix encore éraillée, plus tôt cette semaine.

Le cycliste de 33 ans ne s’est pleinement remis qu’une semaine avant le Tour des Alpes-Maritimes, où il a lancé sa 12saison professionnelle en Europe, les 17 et 18 février.

C’est clair que j’étais limite en ce qui concerne la force physique, mais j’ai réussi à rester avec le peloton jusqu’à la fin et à aider l’équipe. Par rapport à mon niveau standard, j’étais quand même très loin de ce dont je suis capable.

Hugo Houle, à propos de son retour à la compétition

Ce n’est évidemment pas la façon dont le représentant d’Israel-Premier Tech (IPT) envisageait son début de campagne. Dans un monde idéal, il aurait été en pleine forme à Paris-Nice (3 au 10 mars), dont la première étape chatouillera au passage le parcours de l’épreuve en ligne olympique, programmée le 3 août.

Compte tenu de son retard, Houle se servira davantage de la Course au soleil – surnom du Paris-Nice – comme d’un tremplin vers Milan-San Remo (16 mars) et ensuite les classiques flandriennes en Belgique, là où il souhaite marquer des points en vue de la sélection pour les Jeux olympiques.

Dans un peloton réduit à 90 coureurs – 128 en 2021 –, le Canada sera limité à deux partants, soit la moitié de l’effectif de Tokyo.

« Je pars avec deux prises contre moi en ce moment », a constaté Houle en songeant aux ennuis physiques qui ont compromis sa préparation durant l’intersaison.

Le vainqueur d’étape au Tour de France 2022 ne semblait pas préoccupé outre mesure. Les sélectionneurs s’appuieront sur les performances réalisées entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024. Le Perpétuen connaît sa valeur, que ce soit comme équipier de luxe ou comme attaquant qui saura anticiper la bonne échappée durant une épreuve de 273 km qui s’annonce difficile à contrôler. Les nations favorites comme la Belgique ou la France seront limitées à un maximum de quatre porte-couleurs.

« Je ne doute pas que je peux quand même me retrouver à un bon niveau pour les classiques du printemps. C’est du moins ma motivation pour le moment. »

PHOTO BRENTON EDWARDS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Derek Gee au Tour Down Under, en Australie, en janvier dernier

À ses yeux, trois autres cyclistes canadiens peuvent prétendre à l’une des deux places disponibles : Michael Woods, cinquième à Tokyo et qui semble partir avec une longueur d’avance en vertu de ses résultats l’an dernier ; le vétéran Guillaume Boivin, qui aspire à ses deuxièmes JO ; l’ancien pistard Derek Gee, révélation du Giro l’an dernier.

« On est quatre coureurs dans la même équipe [IPT], ce qui rend ça un peu plus spécial, a souligné Houle. C’est une belle motivation. J’espère que ça fonctionnera et que je pourrai y aller. Je considère que j’ai de bonnes chances et que le parcours me convient bien. Je laisse ça entre les mains des grands décideurs et on verra comment la saison va se développer. Ce ne sera certainement pas une sélection simple pour eux. »

Jouer sur deux tableaux

S’il compte effectuer un retour sur Paris-Roubaix (7 avril), Hugo Houle passera cette fois son tour pour les Ardennaises, dont l’Amstel Gold Race (14 avril) et Liège-Bastogne-Liège (21 avril), les deux dernières classiques sur lesquelles les sélectionneurs olympiques mettront l’accent.

Le Québécois préfère se consacrer totalement à la préparation de ce qui serait son sixième et ultime Tour de France (du 29 juin au 21 juillet). Cette 111Grande Boucle revêt un cachet particulier pour deux raisons : l’étape finale inédite, un contre-la-montre entre Monaco et Nice, où il vit depuis le début de 2020, et le départ de la 17étape à Saint-Paul-Trois-Châteaux, son lieu de résidence pendant six ans avec son ami Antoine Duchesne.

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Hugo Houle dans la montée du Grand Colombier à la 13e étape du Tour de France, le 14 juillet dernier

« À ce que je sache, j’aurai la pleine liberté pour attaquer parce qu’on n’aura pas de visée au classement général. »

Selon les plans initiaux, Houle devrait également jouer un rôle dans la préparation des sprints pour le nouveau venu Pascal Ackermann, un Allemand quintuple vainqueur d’étapes au Giro et à la Vuelta.

« Je pourrai jouer un peu sur les deux tableaux, soit être utile aux gars pour les lead-out tout en restant opportuniste sur les étapes de moyenne et haute montagne. Je garde ma liberté, et c’est ce qui est agréable aussi chez Israel-Premier Tech. Je ne suis pas cadenassé comme si j’étais à la Bora Hansgrohe, Jumbo-Lease a Bike ou Ineos. Ça changera peut-être avec le temps, mais j’ai le champ libre pour le mois de juillet. »

Équipier modèle

Houle souhaite finir son aventure avec le Tour de France « en beauté » avant de tourner son attention vers le Tour d’Italie, qu’il a disputé en 2015 et 2016 avec AG2R La Mondiale.

« J’aimais beaucoup l’ambiance au Giro. Le style de course permet aussi à des attaquants comme moi d’aller dans l’échappée et d’essayer de remporter une étape. Après en avoir gagné une au Tour, c’est l’un des objectifs que je me suis fixés avant d’arrêter ma carrière : essayer d’en gagner une au Giro. »

Comme il l’a révélé l’automne dernier au collègue Sébastien Boucher, de Radio-Canada, ce rêve italien se conjugue avec celui de se présenter au sommet de sa forme aux Championnats du monde de 2025 et, surtout, de 2026 à Montréal, après lesquels il compte raccrocher son vélo pour de bon.

Dans mes plans initiaux, j’arrêtais après Paris 2024, mais la famille Arsenault m’a obligé à les revoir en obtenant les Championnats du monde !

Hugo Houle

L’obtention de l’évènement par Sébastien et Serge Arsenault, fondateurs et organisateurs des GP québécois, lui a donné le souffle nécessaire pour prolonger sa carrière de deux ans, avec la bénédiction de son amoureuse, comptable à Monaco.

« Ça fait déjà plusieurs années que je suis expatrié. Ma copine devait également être d’accord. Du point de vue familial, je suis moins jeune aussi, ça a plus d’impact que quand j’avais 23 ans. Mais je dirais que la décision s’est prise naturellement. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Hugo Houle (au centre), dans le peloton lors du Grand prix cycliste de Québec, en septembre 2022

Sur le plan sportif, il a toujours du ressort. « J’ai encore la motivation et ça va être un autre objectif d’être au top en 2026. L’idée de faire le Giro [en mai] est d’être plus libre en juillet pour vraiment me consacrer à une deuxième préparation spécifique pour le mois de septembre, avec les courses de Québec et Montréal et les Mondiaux. »

Ces ambitions personnelles ne lui font pas perdre de vue ce pour quoi il gagne bien sa vie sur deux roues.

« Oui, je suis capable de gagner de plus petites courses ou d’être performant au classement général dans des courses comme celle du week-end dernier quand je suis en forme. Mais 90 % de l’année, mon rôle principal est d’être un équipier modèle. C’est ce que j’aime faire et c’est là que je suis le meilleur. »

Hugo Houle compte donc le faire pendant encore trois saisons, sans l’ombre d’un doute sous les couleurs d’Israel-Premier Tech, formation israélienne et canadienne qu’il représente depuis 2022. Il ne lui reste qu’à apposer sa signature au bas d’une prolongation de contrat dont les négociations sont déjà « très avancées ».

Début tonitruant

PHOTO BRENTON EDWARDS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Stephen Williams a remporté le plus récent Tour Down Under.

Souvent raillée pour son inclination à embaucher des coureurs vieillissants (Chris Froome, André Greipel), Israel-Premier Tech est en train de changer son image avec un début de saison tonitruant.

En janvier, le Britannique Stephen Williams a d’abord remporté le Tour Down Under en Australie en s’imposant à la dernière étape. Le Belge Tom Van Asbroeck a doublé la mise avec une victoire in extremis au sprint à la troisième étape du Tour de Provence.

Bien lancé par le Québécois Guillaume Boivin, la recrue britannique Ethan Vernon, 23 ans, s’est révélée à la hauteur des promesses en levant les bras à l’étape inaugurale du Tour des Alpes-Maritimes.

Au Tour du Rwanda, le champion sprinteur israélien Itamar Einhorn a pris la mesure de la jeune pépite William Lecerf fils (Quick-Step) à la deuxième étape. Son coéquipier Joe Blackmore a remis ça à la sixième étape vendredi, s’imposant au sommet du mont Kigali à l’occasion de son 21anniversaire. Le jeune Britannique a dépossédé Lecerf de son maillot jaune de meneur. Einhorn a ajouté une deuxième étape à son palmarès rwandais, l’emportant samedi au bout d’une échappée.

Le Canadien Michael Woods s’est également montré à son avantage en terminant quatrième à la Classic Var, disputée en France, comme son appellation l’indique.

« Ça met une ambiance positive et ça détend un peu tout le monde, a noté Hugo Houle. On reste une jeune équipe. On monte tranquillement de niveau aussi du point de vue organisationnel et du staff. On est bien partis. Espérons que ça continue. » Houle participera à la Drôme Classic dimanche.