D’un fuseau horaire à l’autre, à travers les montagnes, les tempêtes et les chiens agressifs du Kentucky, Henri Do a tenu le coup. Après avoir parcouru 6800 km d’ouest en est aux États-Unis, il a terminé la Trans Am Bike Race en troisième place, le 23 juin.

La quoi ?

La Trans Am Bike Race est une mythique course américaine d’ultracyclisme en autonomie complète – à ne pas confondre avec la Race Across America qui permet aux athlètes d’être accompagnés d’une équipe de soutien.

Henri Do, 36 ans, est un ultracycliste d’élite spécialisé en courses de courte durée, c’est-à-dire de 24 ou 48 heures. Il a notamment parcouru la route entre Montréal et la Gaspésie en 24 heures, en 2021. L’année dernière, il a réalisé sa première course de longue durée – l’édition inaugurale de la TransCanada Bike Race.

L’idée de s’inscrire à celle des États-Unis, dont il s’agissait cette année de la 9e édition, lui est venue l’hiver dernier. Après avoir traversé une dépression à l’automne, le Montréalais a décidé de se mettre en action en acceptant de recevoir l’aide de ses amis, nous raconte-t-il au bout du fil. Il y a six mois, il était assis dans la salle à manger de sa voisine quand il a décidé de s’inscrire à la Trans Am Bike Race.

La course, c’était un moyen pour moi de me montrer que j’étais capable de rebondir en force. J’avais pris du poids, je n’étais plus en forme, j’étais essoufflé après deux ou trois minutes à vélo. Je n’étais plus moi-même.

Henri Do

Mercredi dernier, deux jours après son retour à la maison au Québec, il a revu cette même voisine. « Je lui disais qu’il y a six mois, on parlait de ça dans sa salle à manger. Là, j’ai réussi. Je suis revenu en force. J’ai fini dans le top 3 avec les deux autres gars [Omar Di Felice et Pawel Pulawski]. »

PHOTO FOURNIE PAR HENRI DO

Henri Do

Malchances et crevaisons

Le 4 juin, à 6 h du matin, Henri Do et 45 autres participants prenaient le départ sur la côte Ouest à Astoria, en Oregon. Si le Montréalais avait comme objectif « primaire » de gagner, il visait aussi un top 3 avec ses deux principaux rivaux, l’Italien Omar Di Felice et le Polonais Pawel Pulawski.

Dans les années précédentes, le vainqueur se démarquait très rapidement dans la course. Il se créait une grosse avance dans le premier tiers et c’est lui qui remportait la course. Cette année, jusqu’à la dernière journée, on ne savait pas qui gagnerait.

Henri Do

La Trans Am Bike Race, comme n’importe quelle course d’ultracyclisme, est stratégique. Dans celle-ci, les cyclistes n’ont droit à aucune aide privée, mais ils peuvent utiliser tous les services publics et payants. Seuls du début à la fin, ils sont les seuls maîtres de leur aventure. Ils traînent avec eux leurs bagages et doivent décider quand et où ils dorment et mangent.

Henri Do avait une stratégie différente de celle de ses deux adversaires ; moins méthodique qu’eux, il basait ses décisions davantage sur son « feeling » et les conditions météorologiques.

« Moi, je fais souvent des bons 24 à 48 heures très rapides, je me rends très loin, je me donne beaucoup. Après ça, je vais avoir un petit crash, donc je vais dormir un peu plus longtemps. Les autres, comme Omar et Pavel, vont être un peu plus structurés. Omar dormait quatre ou cinq heures par nuit. »

PHOTO FOURNIE PAR HENRI DO

Henri Do

Au fil des jours, Do et Pulawski se sont échangé la deuxième place. À plusieurs reprises, le Québécois a pris du retard en raison de sa stratégie différente, avant de colmater l’écart. C’est ce qui est arrivé dans le premier quart de la course, quand il a comblé en 24 heures les 200 km qui le séparaient de l’Italien et du Polonais.

À trois reprises, il a réussi à rattraper le meneur, Omar Di Felice, mais des crevaisons et autres arrêts nécessaires l’ont empêché de prendre les devants et de creuser l’écart.

Henri Do a subi une douzaine de crevaisons en trois semaines. Le moment le plus déterminant – et frustrant – de sa course est survenu durant la toute dernière journée, alors qu’il lui restait 600 km à parcourir et qu’il occupait le deuxième rang devant Pulawski. Tandis qu’il montait une côte abrupte, sa balise GPS s’est détachée de son vélo. Il ne s’en est rendu compte que deux heures plus tard.

« J’ai dû faire demi-tour pour aller la chercher et j’ai perdu deux ou trois heures dans la pluie. J’ai perdu la deuxième place à ce moment-là. »

PHOTO FOURNIE PAR HENRI DO

Le 23 juin, après 19 jours et près de 9 heures de vélo, il est arrivé sur la côte Est à Yorktown, en Virginie, en troisième place.

Au cours de ces trois semaines, Henri Do a dormi à différents endroits : sur des tables de pique-nique, devant des stations-service, dans des bureaux de poste ou à l’hôtel. Et il a mangé des burgers.

Beaucoup de burgers.

Celui qui est reconnu au Québec pour son amour de la crème glacée – elle lui donne le carburant nécessaire lors de ses courses de courte durée, affirme-t-il – est devenu « Henri le Burger Man ». C’est le surnom que lui ont donné les amateurs qui suivaient la course en ligne.

« Parfois, c’était deux, trois burgers par jour. J’ai fait le tour de tous les McDo », dit-il en riant.

PHOTO FOURNIE PAR HENRI DO

Henri Do s'est fait surnommer « Henri le Burger Man » par les amateurs qui suivaient la course en ligne.

« Je suis René »

La Trans Am Bike Race a coûté de 6000 à 7000 $ à Henri Do, mais le Québécois n’a aucun remords. La course n’a pas toujours été rose ; il a traversé des hauts et des bas. Mais il savait que « les moments difficiles finissent toujours par passer », dit-il.

Il y a quelques années, l’athlète de 36 ans s’est fait faire un tatouage temporaire représentant un dinosaure sur son avant-bras. Lors d’une sortie à vélo avec une amie, ils ont décidé de baptiser le dinosaure René, un « nom Québécois old school », qui s’avère aussi être le participe passé du verbe renaître. Aujourd’hui, chaque fois qu’Henri Do traverse une période difficile, il pense : « Je suis René. »

« Ce que je veux dire aux gens, c’est que peu importe qui on est, peu importe si on est un athlète de haut niveau ou quelqu’un d’ultra-résilient, on est aussi susceptible de tomber et sombrer profondément et rapidement. Ça ne veut pas dire que c’est la fin, qu’on s’arrête là et qu’on ne peut plus s’en sortir. Au contraire, il y a toujours moyen de rebondir. »

Henri Do est loin d’en avoir terminé avec les courses de longue durée. Comptez sur lui pour refaire la Trans Am Bike Race.

« C’est sûr que je la refais d’ici un an ou deux pour la gagner. »