Regard sur les Mondiaux de cyclisme sur piste, qui débutent le 12 octobre près de Paris, où les Canadiennes pourraient rafler de nombreuses médailles.

L’équipe féminine canadienne de cyclisme sur piste ne cesse de hausser les standards depuis les derniers Jeux olympiques. La saison 2022 pourrait se terminer dans l’euphorie, alors que les cyclistes s’apprêtent à disputer des Championnats du monde déterminants.

Un an après les Jeux, l’unifolié est en excellente position pour ramener plusieurs médailles à la maison à l’issue des Mondiaux 2022 présentés à Saint-Quentin-en-Yvelines, dans l’Hexagone, à compter du 12 octobre.

Avec Kelsey Mitchell, Lauriane Genest ou Sarah Orban, qui s’ajoute pour l’épreuve par équipe, la question n’est plus de savoir s’il y aura une Canadienne sur le podium, mais où elle sera sur le podium.

Finir en force

Les Mondiaux seront la dernière compétition d’envergure de l’année, si on exclut la Ligue des champions plus tard cet automne.

Il s’agira du plus important rendez-vous depuis les Jeux olympiques de Tokyo et la compétition sera extrêmement relevée, selon les cyclistes canadiennes.

Dans le cadre d’un entretien avec La Presse, la Québécoise Lauriane Genest, médaillée de bronze olympique, n’est pas passée par quatre chemins.

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Lauriane Genest

Il y a 10 filles qui peuvent être sur le podium, mais il y a 3 places. Ça va être la guerre et je suis prête.

Lauriane Genest

De son côté, Mitchell est la femme à battre cette saison et elle sait qu’elle aura la pression de gagner. Ça tombe bien, parce que c’est son seul objectif. « Je n’ai aucune autre attente que celle de gagner. »

Pour Sarah Orban, qui fait sa marque davantage dans l’épreuve du sprint par équipe aux côtés de Genest et de Mitchell, il est plus question de courser à la hauteur de leur talent. Ce groupe est tellement talentueux et efficace qu’elle souhaite seulement que les athlètes performent comme elles en sont capables : « On travaille tellement fort qu’on espère que nos efforts seront récompensés. »

Une saison remarquable

Le visage du cyclisme sur piste canadien a changé après les médailles de Genest et de Mitchell à Tokyo. Cette année, lors des quatre compétitions d’importance auxquelles les Canadiennes ont pris part, ce qui inclut la Coupe des nations de Glasgow en Écosse et de Milton en Ontario, ainsi que les Jeux du Commonwealth en Angleterre et les Championnats panaméricains au Pérou, elles ont gagné 16 médailles.

« Au début de la saison, j’ai dit que je voulais une médaille à toutes les courses auxquelles j’allais participer, même si je sais que c’est un énorme objectif, mais j’ai presque réussi », a précisé Mitchell, qui a fait chou blanc à une seule occasion. Sur les 16 médailles, la championne olympique en titre au sprint en a remporté 9 en solo et 4 en équipe.

Sa colocataire Laurianne Genest fait aussi un bilan positif de sa saison. Surtout qu’elle l’avait démarrée sur les chapeaux de roue avec quatre médailles aux deux premières Coupes des nations. La Lévisienne de 24 ans a toutefois connu un petit creux de vague au cours de l’été.

« Je n’étais pas du tout dans la forme de ma vie pour les Jeux du Commonwealth, a-t-elle précisé. Je ne sentais pas du tout que j’avais la capacité de performer, parce que mes jambes n’étaient juste pas là. Donc ça devient plus dur d’exécuter, car tu as beau vouloir, les jambes ne suivent pas. »

Les cyclistes ont dû composer avec un changement de calendrier assez important lorsque l’Organisation sportive panaméricaine a déplacé les Championnats, ce qui a chamboulé la préparation en vue des Jeux du Commonwealth. Genest admet que ce revirement l’a affectée.

« Aux Jeux du Commonwealth, je me disais même que je serais mieux chez moi en train de m’entraîner pour les Championnats du monde. J’étais comme dans un débat constant entre faire les courses et prendre de l’expérience, et la journée d’après, je n’avais pas envie d’être là », se souvient-elle en rigolant.

Elle se dit maintenant prête à attaquer les Mondiaux. Elle n’a jamais été aussi motivée cette saison. « Je vois l’amélioration depuis qu’on a commencé la préparation à la mi-août. Je suis quand même assez en confiance physiquement. »

Comme l’union fait la force, le Canada a affiché un rendement impressionnant dans les courses par équipe. À chaque compétition, le trio est monté sur le podium au sprint. « La dynamique et la chimie sont vraiment excellentes. On se motive sans cesse à donner le meilleur de nous-mêmes et je pense que c’est ce qui fait de nous une équipe très forte », a expliqué Orban.

Mitchell en est certaine : « le Canada est maintenant une puissance » et elles tenteront de le prouver aux Mondiaux.

La vie après une médaille olympique

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Kelsey Mitchell a décroché l’or au sprint aux Jeux olympiques de Tokyo.

Kelsey Mitchell et Lauriane Genest sont entrées dans l’histoire de l’olympisme canadien avec leurs prouesses aux Jeux olympiques de Tokyo. Un peu plus d’un an plus tard, les deux cyclistes ont des visions bien différentes de ce que signifie l’envers de la médaille.

Au Japon, Genest a remporté la médaille de bronze à l’épreuve du keirin. Sa meilleure amie Kelsey Mitchell a gagné l’or au sprint. Elles sont devenues les premières médaillées canadiennes en cyclisme sur piste en 17 ans. Mitchell est devenue seulement la deuxième médaillée d’or de l’histoire et Genest, la première à s’illustrer au keirin.

Depuis, les deux rayonnent sur la scène internationale. Ces médailles les ont non seulement introduites dans la cour des grandes, mais elles leur ont donné la confirmation qu’elles y étaient pour de bon.

Aujourd’hui, les deux athlètes ont un regard différent sur l’impact qu’a eu leur exploit.

D’abord, Lauriane Genest dit ne jamais avoir ressenti la pression de gagner à tout prix. « On en parlait justement cette semaine avec Kelsey, a-t-elle dit d’entrée de jeu, puisque les deux coéquipières vivent ensemble, et je réalise vraiment que la pression de performance est sur Kelsey, juste parce que sa médaille est en or et moi en bronze. »

L’athlète de 24 ans ne diminue pas ce qu’elle a accompli, au contraire, elle en est fière et elle regarde chaque jour sa médaille qui est accrochée dans sa chambre. C’est ce qui la motive quotidiennement.

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Lauriane Genest a remporté la médaille de bronze à l’épreuve du keirin aux Jeux olympiques de Tokyo.

[Mais] les gens s’attendent à ce que ce soit [Kelsey Mitchell] qui fasse les performances et moi, si je fais bien, c’est tant mieux.

Lauriane Genest

Genest a fait bien plus que ça cette saison. Elle a remporté trois médailles lors d’épreuves individuelles et quatre en équipe.

Elle ne cache pas toutefois qu’elle aurait préféré mordre sa médaille sur la plus haute marche du podium à Tokyo, mais elle n’envie pas la pression avec laquelle doit vivre sa colocataire du fait d’avoir gagné l’or olympique. « Je ne pense pas que j’aurais été prête à négocier aussi bien que Kelsey avec la pression extérieure. Je pense que ça m’aurait plus nui qu’autre chose. »

Elle veut profiter de ce cycle olympique qui mènera aux Jeux de Paris en 2024 pour emmagasiner de l’expérience. L’athlète de 24 ans constate déjà qu’elle est « plus forte physiquement, mentalement et tactiquement ». « Donc je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas se réaliser encore. »

Changement de perception

Mitchell a quant à elle hérité d’un titre convoité par tous les sportifs de la planète, celui de championne olympique.

Pour l’Albertaine de 28 ans, il s’agissait de la confirmation qu’elle était à la bonne place.

J’ai toujours eu une sorte de pression sur mes épaules, parce que je veux donner le meilleur de moi-même, mais je sais dorénavant que mon meilleur peut donner une médaille d’or.

Kelsey Mitchell

Elle sent qu’avec ce triomphe, elle a obtenu plus de respect de la part des autres athlètes et des autres nations. Ce respect est aussi venu du fait qu’elle est parvenue à atteindre le sommet de sa discipline, même si elle a commencé le cyclisme sur piste à 23 ans et qu’elle a pris part à sa première compétition à vie en 2018. Son ascension a été fulgurante. Et depuis, elle casse tout. Cette saison, elle a gagné 13 médailles.

« Je n’ai jamais douté que je pouvais être compétitive sur la scène internationale et là on le voit avec mes podiums cette saison. Les autres savent que je peux être une menace. J’aime être dans cette position », a-t-elle souligné.

Bon pour l’équipe

Leur coéquipière Sarah Orban est témoin, au quotidien, de l’apport que ces deux ténors de leur discipline peuvent avoir sur les performances et sur le moral des troupes.

« Elles sont parmi les meilleures athlètes de notre sport, donc ça propulse notre équipe à un autre niveau et j’apprends beaucoup d’elles. »

Elle souligne également qu’il s’agit pour elle d’une véritable chance de pouvoir apprendre de Mitchell et de Genest, qui ont su prouver qu’avec l’effort viennent les récompenses. « C’est un privilège que n’ont pas tous les pays. Ça fait que notre équipe est encore meilleure. Je me sens super chanceuse de pouvoir m’entraîner avec elles chaque jour et ça me pousse à être encore plus vite. »

Mitchell croit aussi qu’avec le statut de championne olympique vient inévitablement une responsabilité de guider les autres cyclistes de l’équipe. « Maintenant, j’ai un plus grand rôle de leadership. […] les gens me considèrent plus comme une meneuse et s’attardent peut-être plus à ce que je fais et à ce que je dis. »