(Orléans, France) Ce n’est pas une victoire d’étape au Tour de France qui va changer Hugo Houle.

Moins de 24 heures avant l’arrivée sur les Champs-Élysées, le cycliste d’Israel-Premier Tech a accepté d’accorder une entrevue à La Presse au moment où il se mettait au lit, samedi soir.

Il était rentré plus tôt que prévu du contre-la-montre de Rocamadour. Je l’ai donc raté à son arrivée dans un hôtel d’Orléans, à deux heures au sud de Paris.

J’aurais compris qu’il veuille fermer l’œil tranquillement vers 22 h 30. Il a plutôt dit : « Viens-t’en, j’ai 10 minutes. »

Finalement, il en a jasé une bonne vingtaine, couché dans son lit en boxeur, la croix en souvenir de son frère pendant à son cou.

Il écoutait les nouvelles, avec en manchette l’attaque sur Odessa. À part ses souliers et ses écouteurs sur le bureau, rien ne traînait. Au-dessus de sa valise impeccablement rangée, il avait placé le dossard 196 porté au chrono de la 20e étape, où il a levé le pied, voyant qu’il ne se dirigeait pas vers un résultat intéressant (88e). Le dossard échoira à quelqu’un qui lui demandera un souvenir.

À moins d’un incident durant la 21e étape dimanche, Houle conclura donc son quatrième Tour au 24e rang du classement général, à un peu plus de 1 h 40 min du Danois Jonas Vingegaard, qui a confirmé son maillot jaune en terminant deuxième du contre-la-montre, samedi.

Le Québécois est entouré de coureurs de renom comme Bauke Mollema, Wout van Aert, Brandon McNulty, Rigoberto Urán. Comme lui, ils n’ont pas nécessairement joué le général tous les jours, visant des étapes ou se consacrant à aider leurs leaders.

Houle est surtout fier de ses réalisations dans des étapes spécifiques. Sa victoire historique à Foix, bien sûr, mais aussi les trois autres échappées dans lesquelles il s’est rendu très loin, notamment une troisième place à Saint-Étienne.

« J’étais avec des costauds. Avoir l’habileté de les prendre, c’est une chose, mais il faut flairer les bons coups et être capable de faire la différence dans le final de ces échappées. Une occasion comme celle de mardi ne repassera peut-être jamais. »

PHOTO FOURNIE PAR ISRAEL-PREMIER TECH

Hugo Houle s’échauffe pour son contre-la-montre à Rocamadour.

Sa prestation durant les trois semaines est d’autant plus satisfaisante qu’Houle avait dû patienter avant de recevoir l’appel d’Israel-Premier Tech.

« Deux semaines avant le départ, je ne savais pas si j’allais y participer. Mon équipe n’était pas capable de me confirmer ma place. C’est la plus belle réponse que je pouvais leur donner. »

Houle prend tranquillement la mesure de son exploit de mardi. Dans le peloton, plusieurs coureurs lui ont témoigné des messages de sympathie.

« Ils ne connaissaient pas nécessairement mon histoire. Ils étaient heureux que j’aie réussi ça. Je pense que ça a touché beaucoup de monde en France aussi. Dans les étapes suivantes, beaucoup de gens scandaient mon nom. Est-ce que ça va changer quelque chose pour moi ? Je n’en ai aucune idée. Pour le moment, je suis revenu à mon quotidien normal. Je fais mes courses. »

Le lecteur de La Presse+ est également conscient de « la vague de sympathie » qui a déferlé au Québec. « De ce que j’ai vu, ça a fait la une de beaucoup de journaux. Ça a quand même eu son impact. C’était une grosse vague d’émotions mardi, mais dès le mercredi, ça repart. »

Pense-t-il que sa vie va changer ? « Pas nécessairement. Après le Tour de France, je m’en vais chez nous à Monaco. Personne ne va noter que je marche dans la rue. Ça aurait peut-être été différent si je m’étais envolé vers Montréal. En fait, je n’ai aucune idée si ça a changé quelque chose ou pas. Je vous dirai ça dans un an ! Pour le moment, ça se passe bien. »

À Paris, dimanche, Houle retrouvera sa compagne Stéphanie Matteau et son ami Jean Bélanger, PDG de Premier Tech, un commanditaire de longue date. Ses parents, qu’il n’a pas vus depuis les championnats canadiens de septembre 2021 en Beauce, n’y seront pas.

« Avec tout le monde, toute l’euphorie sur les Champs, ils te font un coucou de cinq minutes. Ça fait un long voyage pour ça. Je préfère les voir en octobre quand je serai plus tranquille. Ils viendront probablement me visiter en Europe. »

Après un souper d’équipe en soirée, il rentrera donc à Monaco le lendemain. « Je vais rester tranquille et essayer de bien faire à l’Arctic Race of Norway (il était 5e en 2019). Normalement, deux semaines après un grand tour, j’ai une bonne force. J’aimerais profiter de ça. »

Houle prendra ensuite un peu de repos en prévision des Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal (9 et 11 septembre), où il pourra véritablement mesurer son nouveau statut.

Mais avant toute chose, il lui reste à parcourir 116 km vers Paris, où il bouclera l’évènement qui changera sa vie… ou pas !

Pas de Mondiaux

Contrairement à son coéquipier Guillaume Boivin, Hugo Houle n’a aucune intention de participer aux Championnats du monde de Wollongong, en Australie, dans la semaine du 19 septembre.

« L’équipe a besoin de points, et je suis dans la liste des coureurs qui doivent contribuer. Je vais donc me concentrer sur mon programme de courses. Le voyage en Australie aurait trop d’impact et c’est serré avec les courses au Québec. Puis comme d’habitude, Cyclisme Canada n’a pas d’argent et ils ne veulent rien payer. »

FOURNIE PAR ISRAEL-PREMIER TECH

Hugo Houle durant son contre-la-montre à Rocamadour

Vélocité

Le 109e Tour de France sera le plus rapide de l’histoire, pouvait-on lire dans L’Équipe samedi. La moyenne d’un peu plus de 42 km/h surpassera la marque précédente établie en 2005 où… Lance Armstrong avait bouclé l’épreuve en 41,65 km/h. Houle explique cette vitesse fulgurante en partie par l’amélioration du matériel, en particulier les pneumatiques. « On le sent, ça roule bien plus vite qu’avant. Au début, on avait des plateaux de 53 dents. Il y a deux ans, on a mis des 54. L’an prochain, je me demande si je ne vais pas courir avec un 55. » Les fins d’étapes techniques et la bagarre incessante avant la formation des échappées ont également contribué à ces vitesses rapides. « À part au Danemark, où c’était relativement facile parce qu’il n’y avait pas de vent, il n’y a pas une journée où on s’est assis et qu’on a roulé 200 km en regardant les champs de maïs… »