Après avoir enflammé son public au Danemark, où il a été en échappée perpétuelle dans son maillot à pois, Magnus Cort Nielsen tient enfin sa victoire d’étape au Tour de France de 2022.

Le Danois d’EF Education-EasyPost s’est imposé par la plus petite des marges au bout d’un sprint en montée mémorable à Megève, mardi, lors d’une 10étape interrompue par des manifestants. Tadej Pogačar (UAE) a conservé son maillot jaune par une poignée de secondes, à son corps défendant… ou pas.

Cort Nielsen a eu le meilleur sur l’Australien Nick Schultz (BikeExchange), qu’il a sauté sur le fil à l’issue d’un dernier kilomètre chaotique à souhait après un regroupement de 10 rescapés de l’échappée.

« Quand c’est revenu ensemble dans l’ultime ligne droite, j’ai vu une sorte de podium dans le coin avec le signe du Tour de France. Je me suis dit : celle-là est la mienne maintenant, peu importe le prix à payer. »

En échappée sur plus de 600 km depuis le départ du Tour à Copenhague, Cort Nielsen a décroché sa deuxième victoire d’étape après un premier succès à Carcassonne en 2018.

« Pour un coureur comme moi, ça ne peut pas être plus gros, a indiqué l’athlète de 29 ans. C’est ce que je fais : chasser des étapes dans des courses comme celle-là. Le Tour, c’est ce qu’il y a de mieux. J’en ai gagné une à mon premier. J’en ai fait ensuite plusieurs sans réussir. »

Avec de la volonté et après plusieurs tentatives, c’est incroyable de le refaire.

Magnus Cort Nielsen

Le vétéran espagnol Luis León Sánchez (Bahrain), qui s’était isolé dans les trois derniers kilomètres, a trouvé l’énergie pour lancer le sprint aux 300 m, mais il a dû se contenter du troisième rang.

Alberto Bettiol s’est envolé sur le plat avec 43 km à faire, ce qui a permis à son coéquipier Cort Nielsen de s’économiser jusqu’à la dernière montée de 18 km vers l’altiport de Megève.

L’Italien d’EF, le reste de l’échappée ainsi que le peloton ont dû poser pied en raison d’une manifestation d’un collectif écologique qui a réussi à bloquer la route et à allumer des fumigènes. La neutralisation a duré une dizaine de minutes, et les coureurs sont repartis avec les mêmes écarts au moment de l’arrêt forcé.

Au lendemain de la première véritable journée de repos, la matinée a bien mal commencé pour Pogačar. Le Slovène d’UAE a appris que son coéquipier néo-zélandais George Bennett, un de ses solides alliés en montagne, devait quitter le Tour après un test positif à la COVID-19. Le double vainqueur du Tour a évité le pire puisque son principal lieutenant, le Polonais Rafal Majka, lui aussi positif, a pu continuer en raison de sa charge virale moins importante.

Réduit à six coureurs, UAE n’a pas semblé souhaiter tamiser la composition de l’échappée, un peu comme la semaine dernière. Cette indolence a mené à deux premières heures furieuses, au cours desquelles les tentatives ont fusé de partout.

« Quand tu as de grosses équipes comme Ineos ou Lotto qui sont capables de contrôler les débuts de course et de filtrer, et qui jouent les victoires, ça devient vite cadenassé et l’échappée part vite », a noté Antoine Duchesne, resté auprès de son meneur David Gaudu (Groupama).

« Là, tout le monde sait que UAE ne contrôle pas. Ils sont derrière et laissent la course aller. Ils prennent des risques. »

PHOTO MARCO BERTORELLO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Antoine Duchesne (au centre) avec le peloton

Houle et IPT

Hugo Houle, Jakob Fuglsang et même Chris Froome se sont essayés du côté d’Israel-Premier Tech (IPT). En vain.

« J’ai mis beaucoup d’efforts pour prendre l’échappée, mais il m’en a manqué un peu », a constaté Houle, qui a effectué la dernière montée à son rythme avec ses compatriotes Duchesne et Michael Woods.

C’est plutôt Simon Clarke, vainqueur de l’étape des pavés, qui a réussi à prendre le large pour IPT. L’Australien a cependant été parmi les premiers lâchés dans l’ascension finale.

L’échappée de 18 coureurs s’est donné une priorité de plus de 9 minutes, ce qui a permis à l’Allemand Lennard Kämna (Bora) de rêver au maillot jaune.

Pogačar et UAE semblaient disposés à laisser filer la tunique de meneur… jusqu’à ce qu’ils se mettent à rouler vers Megève. Ils ont levé le pied à mi-parcours, satisfaits de l’écart, mais d’autres équipes de favoris au général ont pris le relais. Si bien que le Slovène, qui a encore sprinté jusqu’à l’arrivée, a conservé le jaune pour 11 secondes.

PHOTO CHRISTIAN HARTMANN, REUTERS

Tadej Pogačar

« On a pris notre rythme pour la première partie de la montée et on a ensuite ralenti le pas un peu, a expliqué Pogačar. D’autres équipes se sont pointées et elles étaient tout partout sur la route. Ça a frotté un peu et à la fin, on garde le maillot pour quelques secondes. »

Guillaume Boivin, l’autre Canadien d’IPT, est rentré dans le gruppetto.

À la veille de la première grande étape alpestre, avec arrivée au sommet du col du Granon, « le plus dur du Tour », dixit Duchesne, qui l’a reconnu, les UAE auront des décisions à prendre. Pogačar détient une priorité de 11 secondes sur Kämna et de 39 secondes sur Jonas Vingegaard (Jumbo).

« Chaque effort, chaque jour, ça laisse des traces », a souligné Houle, désormais 39e au général. « On va voir comment ça va évoluer, mais c’est certain qu’Ineos et Jumbo vont attaquer à un certain moment. »

Les Cowboys à bord

Antoine Duchesne a pris le contrôle de la musique dans l’autobus de Groupama-FDJ et dans la chambre qu’il partage avec Thibaut Pinot. Ce sont donc Les Cowboys Fringants qui ont motivé les troupes en route vers Morzine, mardi matin. La veille, jour de repos, le Québécois et le Français ont fait du rouleau côte à côte au son de L’Amérique pleure. « Thibaut a toujours aimé cette chanson. Il connaît le refrain et quelques paroles. » La preuve en est cette vidéo publiée sur les réseaux sociaux de la formation française.