Plus de 30 ans après les exploits de Steve Bauer au Tour de France, le Canada et le Québec n’ont jamais été aussi bien représentés dans la plus grande épreuve cycliste au monde. Sylvan Adams et Jean Bélanger, associés depuis cette année dans l’équipe Israel-Premier Tech, n’y sont pas étrangers. Rencontre à la veille du grand départ, vendredi, à Copenhague.

(Copenhague) En raison de la résurgence de la COVID-19 en Europe, Sylvan Adams et Jean Bélanger n’ont pas pu rouler avec les coureurs de leur équipe, Israel-Premier Tech, à la veille du grand départ du Tour de France à Copenhague.

Avant la conférence de presse d’ouverture, jeudi après-midi, c’est à peine si Adams a touché Chris Froome du bout du coude pour le saluer.

Imaginez : le directeur sportif Rik Verbrugghe a été déclaré positif à son arrivée au Danemark en début de semaine. Le coureur israélien Omer Goldstein, qui a partagé un taxi avec lui, a dû se retirer par mesure de précaution.

Ce renoncement de dernière minute a permis l’entrée en scène de Guillaume Boivin, portant à trois le nombre de Québécois qui participeront à la Grande Boucle à partir de ce vendredi, un record absolu. Avec l’Ontarien Michael Woods, ils seront quatre Canadiens, un autre sommet historique.

Adams et Bélanger, deux maniaques de vélo, leurs lignes de bronzage en témoignent, en sont évidemment très fiers.

« J’ai deux nationalités, a rappelé Adams lors d’une entrevue commune à leur hôtel du centre-ville en fin d’après-midi. J’ai été élevé au Québec et maintenant je demeure en Israël. C’est normal que nous soyons l’équipe des Canadiens et des Québécois. »

Antoine Duchesne, de la formation française Groupama-FDJ, est le seul Canadien qui évolue dans une autre équipe du WorldTour. Mais Adams, mi-sérieux, mi-blagueur, a mandaté Woods en pleine conférence de presse pour le recruter.

PHOTO BO AMSTRUP, AGENCE FRANCE-PRESSE

Sylvan Adams, copropriétaire de l’équipe Israel-Premier Tech (IPT)

« C’est un coureur très compétent, plutôt de la catégorie domestique, mais très bon dans son domaine, a-t-il ajouté plus tard. À preuve, il est au Tour de France. Alors, oui, nous sommes la place naturelle pour lui. »

La « place naturelle » pour les Canadiens et les Israéliens, c’est exactement ce qu’Adams et Bélanger veulent créer avec Israel-Premier Tech (IPT). Et pas seulement les cyclistes : mécanos, directeurs sportifs, scientifiques de la performance, membres du personnel, etc. Steve Bauer, qu’Adams a connu en contribuant à la défunte équipe SpiderTech au milieu des années 2000, est d’ailleurs l’un des trois directeurs sportifs d’IPT au Tour.

Par le sport, on crée des passerelles entre différentes sociétés, que ce soit avec Israël, un projet auquel j’adhère, ou avec des Canadiens et des Québécois.

Jean Bélanger, PDG de Premier Tech

« On veut permettre à ces athlètes d’aller au bout de leur potentiel, de leurs ambitions, a renchéri Bélanger. C’est au cœur de ce qui anime Sylvan depuis longtemps et c’est ce qui m’anime aussi depuis les années qu’on est dans ce sport-là. »

Officiellement, Adams, philanthrope dont la famille a fait fortune dans l’immobilier (Développements Iberville), est le propriétaire de l’équipe. Premier Tech en est le co-commanditaire principal depuis cette année, après la fin abrupte d’une association de quatre ans avec la formation Astana, dont l’entreprise était devenue copropriétaire.

Or Adams refuse de s’arrêter à cette distinction : « Jean et moi sommes des associés. Nous sommes des partenaires. On va davantage dévoiler nos affaires par rapport à l’équipe plus tard. »

Avant longtemps, Premier Tech, qui avait un chiffre d’affaires de près d’un milliard de dollars en 2021, deviendra copropriétaire de la formation WorldTour.

« Comme mon entreprise et comme Sylvan, je suis un gars de long terme, a insisté Bélanger. Si on s’associe, ce n’est pas un one-night stand ou une affaire de deux, trois ans. »

Ça prenait quelque chose qui peut durer 10, 15, 20, 25 ans. Un partenaire qui avait la capacité financière d’appuyer son ambition. C’est assurément le cas ici.

Jean Bélanger, à propos de son association avec Sylvan Adams

Une année éprouvante

Sur le plan sportif, IPT connaît une saison difficile malgré une éclaircie ces derniers temps. Éprouvée par la COVID-19, la maladie et des blessures, la formation est à risque d’une relégation en deuxième division l’an prochain.

Parole de Sylvan Adams, ça n’arrivera pas.

Je donne ma garantie personnelle que nous n’allons pas finir sous la ligne de relégation.

Sylvan Adams, copropriétaire de l’équipe Israel-Premier Tech

À moins d’un revirement de situation, ce n’est pas Froome, coureur le mieux payé de l’équipe, qui la sortira de ce bourbier. Le quadruple lauréat du Tour peine à retrouver un niveau compétitif depuis une grave chute survenue pendant un échauffement au Critérium du Dauphiné en 2019.

En conférence de presse, le Britannique de 37 ans a remercié Adams de l’avoir embauché l’année suivante. « Ce n’est pas la façon dont je voulais terminer ma carrière », a déclaré Froome, toujours motivé par la conquête d’un cinquième maillot jaune.

PHOTO BO AMSTRUP, AGENCE FRANCE-PRESSE

Chris Froome, lors d’une conférence de presse précédant le coup d’envoi du Tour de France, ce vendredi

Adams reconnaît avoir fait un pari. « Jusqu’à maintenant, je dois avouer que notre mise n’a pas exactement donné de retour pour l’équipe. »

En toute franchise, le propriétaire a admis avoir eu son mot à dire dans la présence du Britannique de 37 ans dans l’effectif du Tour.

« Oui, parce qu’il n’a pas mérité sa sélection comme telle. Il devait faire un résultat au Critérium du Dauphiné. Malheureusement, il a été malade. Ça ne nous a pas permis de le voir dans la haute montagne. On prend donc un risque avec lui. »

Adams souhaite que Froome, libéré de ses maux depuis janvier, puisse se distinguer dans la deuxième et la troisième semaine du Tour, ce qui a toujours été sa force. « C’est un grand champion, un gentleman, mais je n’ai jamais vu un gars aussi fort mentalement. Il a subi des blessures qui auraient pu lui coûter la vie. »

Le 109e Tour de France sera lancé ce vendredi après-midi (10 h, heure de Montréal) avec un contre-la-montre de 13,2 km dans le centre-ville de Copenhague.

C’est un départ !

Le 109e Tour de France sera lancé ce vendredi après-midi (10 h, heure de Montréal) avec un contre-la-montre de 13,2 km dans le centre-ville de Copenhague. Un duel entre l’Italien Filippo Ganna (INEOS) et le Belge Wout Van Aert (Jumbo) est à prévoir pour l’obtention du premier maillot jaune. Tadej Pogacar, l’hyper favori pour la victoire à Paris, annoncera-t-il déjà ses couleurs ? Rien à attendre de la part des Québécois pour cette mise en jambes.

Comment suivre ?

Aux nombreux lecteurs qui ont posé la question : le Tour de France est diffusé au Canada sur FloBikes, un site et une application offerts par abonnement sur l’internet seulement. Il n’y a donc aucune retransmission à la télévision. Audrey Lemieux et Tino Rossi fils assureront la description et l’analyse en français.