(Copenhague) Le soleil se couche tard l’été au Danemark. Il était passé 20 h 30 quand Hugo Houle est venu s’asseoir sur la terrasse avant de son hôtel à Copenhague, mardi. Il a dû changer de place pour se cacher des rayons qui l’aveuglaient.

Deux tables plus loin, Steve Bauer prenait une bière avec un massothérapeute canadien et deux relationnistes de l’équipe Israel-Premier Tech. Les mécanos bichonnaient les vélos dans le stationnement.

Quelques heures plus tôt, Houle a fait comme tous les Copenhaguois : il a emprunté l’une des innombrables pistes cyclables pour aller se délier les jambes. Mais pas de vélo-cargo pour lui. Plutôt un bolide de contre-la-montre flambant neuf qu’il étrennera vendredi à la première étape du Tour de France.

Directement de l’hôtel, il est parti longer les berges de l’île d’Amager, où est situé l’aéroport. Une trentaine de kilomètres aller-retour, entièrement sur une piste cyclable.

J’ai deux nouveaux vélos. Je teste le matériel. Je veux m’assurer que tout est en place.

Hugo Houle

Pour la 24e fois, le grand départ du Tour de France sera donc donné à l’étranger – une aventure très payante pour l’organisateur ASO. Le Danemark, qui aurait déboursé quelque 90 millions de couronnes (16,384 millions de dollars canadiens) pour l’accueillir, est la destination la plus nordique de l’histoire.

L’épreuve débutera vendredi avec un contre-la-montre de 13,2 km, où Houle n’aura absolument aucune prétention. Suivront deux étapes sur route, samedi et dimanche, promises aux gros rouleurs et où le vent risque d’être le facteur décisif.

« L’objectif de la première semaine sera de rester sur le bike, a résumé le Québécois de 31 ans. Les routes sont exposées, il y a du vent, il y a la mer, il y a des canaux. Ça peut amener des bordures. Mais peu importe : tu mettrais une ligne droite au Tour de France et la moitié du peloton réussirait à se tirer par terre ! L’enjeu est tellement énorme. Les coureurs sont plus nerveux, ils prennent des risques. »

En grande forme

Comme souvent, sa mission sera de protéger Jakob Fuglsang, l’un des héros locaux. Théoriquement, le vice-champion olympique de 2016 ne vise pas le classement général… mais quand même un peu. À revisiter après la première semaine, quand le peloton aura retrouvé le nord de la France.

À partir de là, Houle trouvera un terrain plus accidenté pour s’exprimer et un peu plus de liberté. Du moins l’espère-t-il. À son quatrième Tour consécutif, il sent qu’il tient l’une de ses meilleures formes à vie. Il a bien récupéré du Tour de Suisse (15e), où il s’est mis à plat pour Fuglsang (3e).

Le Tour, c’est le moment de l’année où il faut briller. On est tous conscients de l’enjeu. Pour moi, c’est plus une motivation. Je suis prêt, mes devoirs sont faits, j’ai hâte d’y aller.

Hugo Houle

Houle affiche tout haut sa volonté de signer une première victoire en Europe. Il veut donc se glisser dans des échappées dans les étapes avec un dénivelé conséquent.

« Ça reste mon objectif pour cette année ou ma carrière en général. C’est mon rêve ultime : claquer une étape au Tour de France. »

Elle aurait un goût encore plus particulier avec Israel-Premier Tech, une équipe à forte saveur québécoise et canadienne.

Le propriétaire Sylvan Adams est un Montréalais d’origine, maintenant installé en Israël, qui a fait fortune dans l’immobilier. Premier Tech est une multinationale de Rivière-du-Loup. Jean Bélanger, son actionnaire majoritaire, est devenu un ami. Steve Bauer, légende du cyclisme canadien, ancien maillot jaune au Tour, est l’un des trois directeurs sportifs.

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Steve Bauer et Hugo Houle

Il y a aussi les copains comme Michael Woods, débarqué à l’hôtel un peu plus tard avec le reste du contingent vivant en Andorre ou à Gérone, près de Barcelone. Le grimpeur ontarien visera également une victoire d’étape.

Sans oublier Chris Froome, l’un des rares quadruples lauréats, qui tente toujours de se rapprocher de son niveau d’antan trois ans après sa terrible chute au Dauphiné.

« À l’époque où je roulais pour SpiderTech, je n’aurais jamais imaginé faire le Tour de France, a souligné Houle. Là, je le fais avec une équipe qui est pratiquement de chez nous et avec du monde qu’on connaît. C’est quand même exceptionnel. Personnellement, ça me motive à être encore meilleur et à donner le maximum pour une équipe à laquelle je suis beaucoup plus attaché. »

À visage découvert

Romain Bardet s’est étonné sur Twitter de devoir côtoyer dans l’avion bondé « 90 % » de passagers qui ne portaient pas le masque. « Premier stress test », a écrit le Français de la formation DSM. Dans notre vol entre Amsterdam et Copenhague, le Français Bryan Coquard, de Cofidis, et l’Italien Fabio Felline, d’Astana, l’avaient sur le nez. Hugo Houle, lui, a constaté un certain relâchement entre Nice et la capitale du Danemark. « La moitié des coureurs n’en avaient pas dans l’avion. J’ai vu des coureurs très connus, qui sont là pour le général, qui n’en portaient pas. » Avec la recrudescence des cas en Europe et pendant le Tour de Suisse, le Québécois ne prend aucun risque : il a conservé son masque N95 pour l’entrevue qui s’est déroulée à l’extérieur. Les partants du Tour de France devront tous se soumettre à un test PCR, mercredi, avant la présentation officielle en soirée au parc de Tivoli.

Patience

Le voyage Montréal-Amsterdam-Copenhague n’a pas été de tout repos : 26 heures porte à porte, soit le même temps pour se rendre à Tokyo ou à Pékin pour les Jeux olympiques. Comme à Montréal-Trudeau, l’aéroport international Schiphol d’Amsterdam est particulièrement touché par la pénurie de personnel depuis la relance post-pandémie. Les files à la douane européenne étaient impressionnantes mardi. Avec un problème informatique chez KLM, c’était la tempête parfaite. Heureusement, Hugo Houle est un gars patient.