Sur la photo prise mercredi sur la ligne de départ de la quatrième étape du Tour de Suisse, dans le chic village de Gstaad, Nickolas Zukowsky est assis sur son tube horizontal, jambe gauche dépliée.

Maillot orangé de meilleur grimpeur sur les épaules, le cycliste québécois sourit. À sa gauche, Stefan Küng, le champion suisse, tient la même pose. À sa droite, Mathieu van der Poel, main sur la hanche, affiche sa mine conquérante, comme l’y autorisent son maillot jaune de leader et son statut de coureur le plus spectaculaire du peloton.

« Je vais être honnête, c’était un peu surréel », a candidement admis Zukowsky quelques heures après la fin de l’étape, où il a conservé sa tunique de meneur de la montagne malgré un début de course mouvementé.

« Je me pinçais quasiment. De l’extérieur, j’avais l’air cool et calme. Mais c’est sûr qu’à l’intérieur, je me disais : “Oh my God, y a van der Poel !” »

Le jeune homme de 22 ans a piqué une jasette avec Küng, gagnant du contre-la-montre initial dimanche. À la blague, le Suisse de Groupama-FDJ se disait heureux d’avoir cédé le jaune à van der Poel pour quatre secondes. Comme ça, il peut étrenner son magnifique maillot de champion national sur ses propres terres.

« Ce sont des superstars, des coureurs de grande renommée, mais ce sont aussi des gars super sympathiques, a noté Zukowsky. Moi, le petit gars de Sainte-Lucie, j’arrive un peu de nulle part. Des fois, je repense à la façon dont tout a commencé. Là, de gravir les échelons tranquillement pas vite, d’être ici aujourd’hui dans une course WorldTour, de pouvoir porter un maillot comme ça, ça fait déjà ma semaine. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DU TOUR DE SUISSE

Deuxième à partir de la droite, Nickolas Zukowsky, meilleur grimpeur du Tour de Suisse, est entouré du champion suisse Stefan Küng (à droite) et du Néerlandais Mathieu van der Poel (au centre), maillot jaune de meneur.

Originaire, donc, de Sainte-Lucie-des-Laurentides, près de Sainte-Agathe-des-Monts, Zukowsky a surtout fait du vélo de montagne et du ski de fond dans sa jeunesse. Il est passé sur la route à 17 ans quand il est allé vivre chez son père à Tucson, en Arizona.

« Mon père ne tripait pas trop que j’aille rouler tout seul parmi les cactus et les serpents à sonnette en montagne », avait-il raconté en septembre 2018, à la veille de sa première participation aux Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal sous les couleurs de l’équipe canadienne. « Il a dit : “La route, c’est plus safe.” J’ai dit : “Ouin, OK.” »

Champion national des moins de 23 ans l’année suivante, il a gagné le maillot de meilleur grimpeur à son deuxième Grand Prix de Montréal à l’issue d’une échappée de 190 km. Il a également remporté le Grand Prix de Saguenay et terminé troisième au Tour de Beauce.

Issu de la filière de la défunte formation montréalaise Silber Pro, il a signé pour 2020 un contrat de deux ans avec Rally Cycling, formation américaine de deuxième division ayant un fort programme européen. Il vit maintenant à Nice avec sa copine, Simone Boilard, elle aussi cycliste.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE RALLY CYCLING

Nickolas Zukowsky sur le podium à l'issue de la quatrième étape du Tour de Suisse

Après un Tour de Catalogne « à oublier » pour toute l’équipe, Zukowsky dispute sa deuxième course par étapes de catégorie WorldTour. Pour une partie du peloton, le Tour de Suisse sert de dernière épreuve préparatoire avant le Tour de France.

« Il y a une bonne différence entre mon niveau et celui des meilleurs coureurs, mais je ne me sens pas trop dépaysé non plus. Je travaille très fort à la maison, souvent plus que nécessaire. On est plus laissés à nous-mêmes que dans une équipe WorldTour. Je me masse avec un rouleau, je fais mes étirements, de la physio, je surveille ma nutrition. Je m’arrange pour être en top forme. Je suis pleinement engagé. Après, il faut s’amuser. Je m’amuse vraiment sur un vélo. »

Son « but ultime » serait un contrat avec une formation WorldTour. Mais il n’est pas pressé.

« J’essaie vraiment de ne pas me stresser avec le temps. On fait souvent l’erreur de vouloir tout faire vite. Surtout aujourd’hui où on voit des coureurs de 22 ans qui gagnent le Tour de France. J’ai 22 ans et je ne gagne vraiment pas des Tours de France. Ce n’est pas grave. Il y a tellement d’exemples de coureurs qui sont passés au plus haut niveau un peu plus tard. »

Avec des compatriotes

Seulement sur les routes de Suisse, quelques compatriotes peuvent l’inspirer : Michael Woods, 20e au général, et James Piccoli, deux convertis tardifs au cyclisme membres d’Israel Start-Up Nation, tout comme l’ancien hockeyeur Guillaume Boivin. Hugo Houle (Astana–Premier Tech), vu dans les premiers rangs du peloton dans le dernier col mercredi, est un autre modèle.

« C’est cool, ça fait des gars à qui jaser dans le peloton ! Ils aiment partager un peu leur expérience et voir des coureurs plus jeunes comme moi qui essaient de gravir les échelons. Ils sont vraiment sympathiques et très aidants. »

C’est vraiment le fun d’avoir autant de Canadiens dans une grosse course comme ça.

Nickolas Zukowsky

Se décrivant comme un cycliste « passe-partout » qui n’est pas un « pur grimpeur », Zukowsky ne sait pas comment il réagira dans la haute montagne à partir de ce jeudi. Chose certaine, il se sent « de mieux en mieux » après les crampes qui l’ont assailli à la deuxième étape.

Rally Cycling, qui a célébré la troisième place de l’Américain Joey Rosskopf mercredi, tient au maillot de meilleur grimpeur. Gavin Mannion, Kyle Murphy et le Canadien Rob Britton peuvent y prétendre, et le « petit gars de Sainte-Lucie » est prêt à se mettre à leur service en cas de besoin.

« Je suis déjà content de la façon dont ça se passe. Je ne peux avoir un seul regret après la course. Mais c’est sûr que je continue de foncer et d’essayer d’en faire le plus possible dans les prochains jours. »