The World's Fastest Indian, qui a pris l'affiche vendredi dernier à Montréal, est une pub inespérée pour la marque de moto Indian, qui s'apprête à renaître... pour la troisième fois.

The World's Fastest Indian, qui a pris l'affiche vendredi dernier à Montréal, est une pub inespérée pour la marque de moto Indian, qui s'apprête à renaître... pour la troisième fois.

Le film s'appelle The World's Fastest Indian. Mais cela n'a rien à voir avec les Amérindiens, et encore moins avec la course à pied. L'« Indian » du titre, bien sûr, fait référence à la célèbre marque de moto américaine, grande rivale de Harley Davidson.

The World's Fastest Indian raconte l'histoire (vraie) de Burt Munro, qui pulvérisa un ou deux records de vitesse dans les années 60. Passionné de moto et « patenteux » de génie, Burt Munro croyait dur comme fer que sa moto était la plus rapide du monde. Personne ne le prenait au sérieux et pour cause: son engin était une Indian Scout des années 20! Mais sa ténacité et son ingéniosité ont fini par clouer le bec des sceptiques...

La coïncidence mérite d'être soulignée: cet excellent petit film, qui met en vedette Anthony Hopkins, sort en Amérique, au moment même où la compagnie Indian- qu'on croyait disparue- s'apprête à ressusciter. Pour Dave Wright, qui est en charge de cette renaissance, on n'aurait pu rêver d'un meilleur « timing».

Depuis quelques semaines déjà, il sent que le buzz s'amplifie. Depuis que son entreprise, Stellican, a fait l'aquisition de la marque Indian, le téléphone ne dérougit pas. Journalistes, gens d'affaires ou simples amateurs de moto des quatre coins du monde sont curieux d'en savoir plus sur la renaissance de la Indian.

« Il est évident que le film va avoir des répercussions sur notre opération de relance, admet Dave Wright. La promo autour du film va nous entraîner. L'autre jour par exemple, à l'émission de David Letterman, Anthony Hopkins a passé de longues minutes à parler de l'Indian. On ne peut pas rêver d'une meilleure vitrine. »

Une moto au panthéon

Au panthéon de la moto « made in America », la marque Indian trône tout en haut, à côté de Harley Davidson. Née en 1901, deux ans avant Harley, Indian a imposé le concept du cruiser, la moto de route hyper-classe, confortable, puissante, « full » équipée et conçue pour les longues distances.

Pendant un demi-siècle, Indian va dominer le marché de la moto américaine. Mais le constructeur, vicitime d'une mauvaise gestion, disparaît en 1953. Sa rareté lui conférera, au fil du temps, le statut de marque culte. Des clubs d'adorateurs de la Indian vont se former partout aux États-Unis et même au Canada. Son côté exclusif, réservé aux connaisseurs, la distingue dès lors de la Harley, qui devient pour sa part un produit de masse.

Au début des années 90, un homme d'affaires véreux annonce la relance de la marque... et se sauve avec l'argent des investisseurs. En 1998, une compagnie californienne tente à son tour de la ressusciter... sans succès. Minée par des problèmes techniques et un moteur de deuxième catégorie, la Indian disparaît à nouveau après quatre ans d'exploitation. La marque sera rachetée de la banqueroûte en 2004 par l'entreprise Stellican, spécialisée dans la relance de marques mythiques (voir autre texte) tombée en faillite.

La nouvelle Indian- attendue sur les routes en 2007- doit être fabriquée et principalement vendue en Amérique du Nord. On prévoit d'abord lancer une réplique de la Chief, le plus célèbre modèle d'Indian. D'autres modèles pourraient suivre, dont une réédition de la Scout 1920 de Burt Munro. Fait à noter: les nouvelles motos seront des répliques exactes des anciennes, incluant la forme du moteur et le design du logo.

Selon Dave Wright, plusieurs personnes seraient déjà sur des listes d'attente. Mais... pas question de tomber dans le piège de la fabrication en série. « Cette moto fait partie de l'inconscient américain, dit-il. Les gens connaissent l'Indian. Tout ce que nous avons à faire, c'est d'offrir un niveau de qualité qui soit à la hauteur de la réputation et de la perception qu'ont les gens de cette marque. »

Tout le monde n'est pas aussi confiant. Auteur du Guide de la Moto et collaborateur à La Presse, Bertrand Gahel reste perplexe devant cette énième promesse de résurrection. Pour les spécialistes de moto, la marque Indian a perdu bien des plumes dans la dernière décennie. Et il faudra un produit irréprochable pour faire oublier son passé récent. « Le nom de l'Indian est brûlé big time, lance le chroniqueur. Aujourd'hui, quiconque veut faire revivre cette marque va faire face à beaucoup de scepticisme. Le nom est tellement fort que c'est loin d'être impossible. Mais en ce qui me concerne, je vais le croire quand je vais le voir. Pour l'instant, ce n'est que de la bullshit de vendeur à mes oreilles... »