Et si la solution aux problèmes du CF Montréal passait par… une ovation ?

Je sais, je sais, les joueurs ne la méritent pas. Pas après une défaite humiliante à domicile contre un club d’un calibre inférieur. Pas au cœur d’une séquence de huit matchs consécutifs sans victoires. Mais en ont-ils besoin ? Assurément.

Il fallait voir les visages longs de Samuel Piette, Mathieu Choinière et Laurent Courtois sur le terrain, après la partie. Les leaders de l’équipe suintaient le désespoir. Piette a eu une discussion animée avec une poignée d’irréductibles partisans du Collectif qui ont bravé l’orage, la pause de 110 minutes et la défaite. Puis il s’est rendu de l’autre côté du terrain, près de la cloche, pour aller parler avec une dizaine de membres des 1642MTL. Courtois l’a suivi. L’entraîneur-chef était incrédule. Abattu. Livide. Il était tout aussi fragile en conférence de presse.

Voyez Samuel Piette discuter avec des membres du Collectif

« Les problèmes sont identifiés. Les solutions, c’est de revoir la mentalisation sur l’aspect stratégique des deux matchs, et la répartition des effectifs qui nous aurait permis d’arriver frais aux deux [dernières parties]. » Il a ajouté qu’il devait mieux « mentaliser les joueurs pour leur faire comprendre le schéma qui était prévu ».

Les joueurs sont perdus. Fatigués. Démoralisés. Leur niveau de confiance se compare à celui d’un candidat du Parti québécois dans D’Arcy-McGee. Le directeur sportif vient de partir. La fenêtre des transferts est fermée. L’infirmerie déborde. À court terme, il n’y aura pas de raccourci : les solutions devront venir de l’interne.

Cette annus horribilis me rappelle celle du centenaire du Canadien, en 2009. Après une défaite à Vancouver, l’entraîneur-chef Guy Carbonneau avait reconnu être « à court de réponses ». Quelques jours plus tard, il conviait ses joueurs à une partie de quilles. « J’aurais pu les faire patiner et leur frapper sur la tête. Mais ça aurait donné quoi ? »

Le CF Montréal est rendu là. Les gars jouent avec la peur de commettre des erreurs. À ce point, la méthode dure, les entraînements punitifs, le tough love sont non seulement inefficaces, ils sont probablement contre-productifs. Une réalité que devront aussi comprendre les groupes de supporteurs. Mercredi, vous avez fait connaître votre mécontentement. D’abord en gardant le silence en première demie, puis avec des bannières et des chants exprimant votre frustration en deuxième demie. Ça s’ajoutait aux huées des derniers matchs. C’est bon. C’est votre droit. Les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants vous ont entendus. Voilà, c’est fait. Maintenant, continuer de frapper sur des joueurs qui sont à terre n’aidera la cause de personne – sauf celle de l’adversaire.

Croyez-moi : les joueurs savent plus que quiconque que ça va mal. Que le club est en crise. Qu’aucun renfort n’est dans un avion vers Montréal. Vous voyez le match une fois. Eux, ils revoient leurs erreurs ad nauseam sur les réseaux sociaux et dans les séances vidéo. C’est un peu comme un élève sur le bord de couler sa session en maths. Du moment qu’il sait être en situation d’échec, il n’a pas besoin de coups de règle sur les doigts. Il a besoin de soutien et d’encouragements.

D’où l’idée d’une ovation monstre pour le prochain match à domicile, samedi.

L’inspiration vient, d’entre toutes les places, de Philadelphie. Bien que ce soit la ville de l’Amour fraternel, c’est aussi un endroit où les foules sont difficiles. Très, très difficiles. Elles feraient passer les membres du Collectif IMFC pour des enfants de chœur. Les partisans des Eagles ont déjà hué le père Noël. Ceux des Flyers, Sidney Crosby, pendant qu’il sollicitait des dons pour la lutte contre la leucémie. Ceux des Phillies, eux, ont lancé des piles vers un ancien premier choix qui avait refusé de signer avec l’équipe.

L’été dernier, les Phillies ont embauché une nouvelle vedette, Trea Turner, pour plus de 300 millions. Les attentes étaient bien sûr élevées. Sauf qu’au mois d’août, Turner, écrasé par la pression, n’avait frappé que 10 circuits. Sa moyenne au bâton ? Seulement ,235. Une production inacceptable pour un joueur de son statut. Après une partie, dépité, il est allé cogner des balles dans la cage des frappeurs pendant une heure. Un producteur radio de Philadelphie l’a pris en pitié. « Son entrevue d’après-match était pénible à regarder. Le gars est resté dans la cage des frappeurs jusqu’à minuit. Je pense qu’il est perdu. Une ovation lui ferait le plus grand bien », a écrit Jack Fritz sur X.

PHOTO ALEX GALLARDO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Trea Turner, des Phillies de Philadelphie

Sa suggestion a piqué les partisans. Gros débat. Mais le jour du match, une majorité de spectateurs a répondu positivement à l’appel. Ce soir-là, Turner a mis fin à une léthargie de 12 présences sans coup sûr. Le lendemain, il a frappé un circuit. Dans les huit dernières semaines de la saison, il a frappé pour ,337, avec 16 circuits. Ses succès se sont poursuivis en séries, avec une moyenne de ,347.

L’ovation l’a recrinqué.

« Si j’ai commencé à mieux jouer, c’est grâce à vous et au public », a reconnu Turner en entrevue avec Fritz. « Lorsque les joueurs voient un de leurs coéquipiers en difficulté ou se faire huer, ils le ressentent », a expliqué l’entraîneur-chef Rob Thompson à la même antenne.

Quand cette ovation s’est produite, cela a donné de l’énergie à tout le monde, y compris à Trea. Tout le monde s’est bien senti, et Trea a répondu présent.

Rob Thompson, entraîneur-chef des Phillies de Philadelphie

« Il avait besoin de se sentir à l’aise. De se sentir le bienvenu, a ajouté son coéquipier Nick Castellanos. Je sais comment il se sentait. Et cette ovation, c’était la façon des fans de dire : “Nous sommes derrière vous.” »

Je comprends tout à fait les partisans du CF Montréal d’être frustrés envers la direction du club pour le manque d’investissements dans l’effectif. Vous l’avez dit, écrit, crié, chanté et répété tout au long du dernier mois. Vous avez même gardé le silence pendant la première demie contre Hamilton. Résultat ? Les joueurs sont sortis aussi plates qu’une bouteille d’eau Badoit oubliée sur le comptoir pendant une semaine.

Les partisans ne peuvent peut-être pas tacler l’adversaire ni compter des buts. Mais dans un stade, leur comportement peut faire la différence. Ne vous demandez donc pas ce que le club peut faire pour vous. Ces temps-ci, la réponse, c’est : pas grand-chose. Demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour lui.