« Pour l’instant, tout est un peu trop rose », nous disait Laurent Courtois lors de la visite de La Presse au camp d’entraînement de l’équipe à Orlando, en février dernier.

« Tout le monde m’a fait un accueil extraordinaire, les joueurs sont réceptifs, ajoutait-il. Mais quand l’échec arrive, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on commence à douter, déjouer et ne plus faire ce qu’on avait dit qu’on ferait ? C’est ça, un petit peu, ma crainte. »

Trois mois plus tard, malgré un début de saison encourageant, le rose a viré au vert marécageux.

Le CF Montréal est sur une séquence d’une seule victoire en 12 matchs, toutes compétitions confondues. Le directeur sportif qui a embauché l’entraîneur-chef est parti. Il y a eu, selon toute vraisemblance, une demande d’échange de la part du joueur le plus utile de l’équipe en 2023.

L’infirmerie est remplie. Les joueurs qui restent déçoivent sur le plan basique du désir de jouer. Les partisans manifestent leur mécontentement. Et tout le monde semble à court de solutions.

« La vie de groupe va être primordiale, disait alors Courtois dans le hall de l’hôtel de l’équipe en Floride. C’est à moi d’aider tout le monde à trouver le juste milieu. »

C’est justement là qu’il semble se trouver, le Français, en cette fin mai. Au milieu.

Entre le besoin de mettre ses joueurs à l’abri de la critique – il a répété encore vendredi matin, au Centre Nutrilait, que « c’est [son] travail de trouver un moyen que les bas soient moins bas » –, et la nécessité de fouetter ses troupes, de leur faire rendre des comptes sur ce « manque d’engagement » dont il est question depuis un mois chez le CFM.

C’est peut-être dans sa personnalité. C’est peut-être l’inexpérience, aussi, ou un processus d’apprentissage de qui il veut être comme entraîneur.

Lors de cet entretien avec le représentant de votre journal l’hiver dernier, il avait dit avoir beaucoup appris de son coach José Luis Juan Sánchez Solá, alias « Chelis », pendant son séjour avec le Chivas USA, en MLS. Une inspiration pour son profil de technicien, aujourd’hui.

« Il m’a montré la passion pour ses joueurs, soulignait-il. Il était capable de défendre ses joueurs contre tout le monde. C’était la première fois que je sentais un entraîneur si biaisé, qui préférait être du côté des joueurs que de tout le reste. C’était pour moi une expérience assez incroyable. »

Relisez « Nancy, Courtois et la suite logique »

Mais quand les joueurs ne répondent pas aux attentes, match après match, comment leur faire comprendre le sentiment d’urgence ?

PHOTO ERIC BOLTE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

David Choinière, du Forge FC, et Ilias Iliadis, du CF Montréal, lors du match de mercredi

« Personne n’a senti cette étincelle de plus chez nous, a concédé Courtois à propos de l’élimination de son club face au Forge de Hamilton en Coupe du Canada. Surtout qu’on avait un scénario qu’on maîtrisait. Je n’ai pas de réponse. Je ne l’explique pas. On a tous des ambitions. Pour nous-mêmes, pour nos familles. […] Au-delà de ça, je ne vais pas tout remettre en question. Il y a des joueurs qui sont dans le doute. Il y a des joueurs qui sont en recherche de leur meilleur état de forme. Et il y a des joueurs qui sont en difficulté, tout simplement. »

« Je n’ai pas réussi à trouver la chimie [mercredi]. C’était douloureux. Mais à un moment donné, tu dois tout arracher. »

Passer à l’action

« Tout arracher. » Un propos qui a indirectement trouvé écho chez George Campbell, vendredi matin. L’allocution du défenseur américain n’a duré que deux petites minutes, mais il a offert un élément d’information qui permet de mieux comprendre l’état d’esprit du groupe de joueurs, en ce moment.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Le défenseur George Campbell (en bleu)

« On a parlé beaucoup [des problèmes de l’équipe], mais à un moment donné, en parler, ce n’est pas suffisant, a-t-il avancé. On doit se regarder dans le miroir et passer de la parole aux actes. Y aller à 100 % par nous-mêmes. Parce que personne ne va te dire quel effort tu dois mettre, ça doit venir de toi. On a des discussions, mais il faut qu’il y ait de l’action maintenant. »

À l’autre extrême, Samuel Piette a monopolisé 23 minutes des 45 prévues pour la conférence de presse – et on ne s’en plaint pas, au contraire.

Surtout pas lorsque le capitaine du CFM nous permet d’utiliser le mot « gougounes » dans un texte sportif d’un média sérieux.

Quand tu veux mettre de la pression, mais que tu le fais en joggant, en trottant, à 2 milles à l’heure, ce n’est pas très intimidant pour le défenseur [adverse] qui est sur le ballon.

Samuel Piette

« Il nous manque de l’intensité dans ça. Sur le pressing, sur les challenges, sur agresser les porteurs de ballon. On est dans la réaction, et non dans l’anticipation. »

« Ce qui me choque le plus, c’est quand on perd la balle et qu’autour, on ne réagit pas nécessairement. […] Quand je parle d’envie, c’est beaucoup par rapport à ça. Mais il n’y a pas un match où on s’est dit : “Aujourd’hui, on va prendre ça relax, on va sortir tranquilles, on va mettre nos gougounes.” On y va à fond. Mais quand tu te prends des buts ou qu’il y a erreur individuelle, ça pèse lourd un peu. »

« Il a tapé du poing sur la table »

Le président et directeur sportif par intérim Gabriel Gervais s’est présenté à l’entraînement pour la deuxième journée de suite, vendredi. Olivier Renard le faisait régulièrement, quand il était DS, mais Gervais, pas mal moins. Quel message a-t-il voulu passer, notamment jeudi ?

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Gervais, président et directeur sportif par intérim du CF Montréal

« Sur le terrain, ou à la réunion ? », a demandé Laurent Courtois lorsque Sydney Fowo, de BPM Sports, lui a posé la question, dévoilant du même coup que Gervais avait également assisté à une séance avec l’équipe.

« C’est le président, il va sur le terrain quand il veut. C’est toujours pour apporter une vague positive et pour essayer d’être constructif pour le futur. »

« Il dit : Les gars, il faut montrer quelque chose d’autre. On est tous dans la difficulté et la douleur, et maintenant c’est le moment de se fédérer et de montrer plus, individuellement et collectivement. Il a tapé du poing sur la table, et voilà. »

De bonnes intentions. De belles paroles. Un besoin allégué de sentiment d’urgence. Des miroirs abondamment utilisés. Tout cela sera mis à l’épreuve une nouvelle fois, samedi soir, contre Nashville, au stade Saputo.