Regard de côté, sourire frondeur, air facétieux: Peter Sagan attendait les questions avec son flegme habituel à la table de conférence de presse. Pour le double champion mondial, l'exercice semble osciller entre la séance de torture et l'occasion de perfectionner son personnage.

«Quand il est comme ça, c'est qu'il sent qu'il va gagner», a fait remarquer un confrère français en quittant la salle du Château Frontenac, où quatre des principales têtes d'affiche du Grand Prix cycliste de Québec sont venues causer, hier après-midi.

Il y avait là le vainqueur du Tour d'Italie, Tom Dumoulin, le deuxième du Tour de France, Rigoberto Urán, et le champion olympique, gagnant du dernier Paris-Roubaix et numéro un mondial, Greg Van Avermaet.

Mais depuis quelques années, Sagan est le véritable porte-étendard du cyclisme international. Sur deux roues, il n'a pas son égal, et devant les micros, ses déclarations, même les plus farfelues, sont accueillies par des rires entendus.

À pareille date l'an dernier, le Slovaque s'était présenté à Québec en s'interrogeant sur sa forme, lui qui sortait de l'épreuve de vélo de montagne des Jeux olympiques de Rio. Après s'être traîné en queue de peloton pendant une bonne partie de la course, il était ressuscité dans le dernier tour pour se sauver avec les honneurs.

Avait-il bluffé? «C'est un beau parcours, c'est technique, tu dois jouer un peu», a expliqué Sagan, l'oeil malin. «C'est aussi une façon de s'amuser durant la course... Mais j'ai aussi eu de la chance: pas de chute, pas de crevaison, pas de problèmes.»

Cette année, personne ne se laissera duper. Après son exclusion controversée au Tour de France*, dont il ne faut surtout pas lui parler, le représentant de Bora-Hansgrohe s'est remis à gagner dès qu'il a épinglé un dossard: victoire d'étape du Tour de Pologne, deux autres au BinckBank Tour.

«J'ai pris des vacances pour la première fois en juillet, j'ai fait le party, c'était bien», a-t-il assuré quand on lui a demandé comment il avait pu maintenir un tel niveau.

Sa forme actuelle? «En dehors du vélo, je me sens toujours bien. Quand tu montes en selle, tu dois souffrir. On verra.»

Van Avermaet et le parcours de Québec

Deuxième à Québec avant de devancer Sagan à Montréal l'an dernier, Van Avermaet s'annonce encore comme son principal adversaire. Le Belge de BMC attend avec impatience ces deux courses «très difficiles» qui lui serviront, comme les autres, de préparation finale pour les Mondiaux de Bergen (24 septembre).

«Le parcours de Québec me convient probablement mieux, même si je n'ai jamais gagné ici», a analysé Van Avermaet, trois fois sur le podium sur Grande Allée depuis 2012. «Je suis en bonne forme et je vais continuer d'essayer cette année.»

Un choc Sagan-Van Avermaet à prévoir, donc?

«Il n'y a pas que nous deux qui courons, right?», a prévenu Sagan, tuant dans l'oeuf toute idée de rivalité. «On est assis l'un à côté de l'autre, on est des rivaux dans la course, mais sinon, c'est OK.»

Van Avermaet a pris le micro, presque à son corps défendant: «C'est comme dit Peter, il y a plus que deux coureurs. J'ai fini premier et deuxième l'an dernier et si ça peut être encore la même chose cette année, j'en serais très heureux. Mais c'est plus compliqué que ça.»

Les 158 autres coureurs au départ seront bien d'accord.

* Sagan a été sanctionné pour un violent contact avec le Britannique Mark Cavendish le long d'une barricade lors du sprint final de la quatrième étape.

Photo Erick Labbé, Le Soleil

Rigoberto Urán, Peter Sagan, Tom Dumoulin et Greg Van Avermaet