«Ça m'a pris plus de deux ans pour écrire ce livre, et si cela n'avait été que de moi, je ne l'aurais jamais fait!»

Bien malgré lui, l'ancien coureur cycliste Tyler Hamilton est devenu l'un des témoins-vedettes de la chasse aux «tricheurs» qui a permis de révéler l'ampleur du dopage dans le cycliste professionnel et de piéger son plus grand champion, Lance Armstrong.

Hamilton, qui a longtemps été un proche lieutenant du septuple vainqueur du Tour de France avant de devenir l'un de ses rivaux et «victimes», ne cache pas qu'il a lui-même dû être contraint à témoigner.

«Mon plan était de garder tout cela secret jusqu'à ma mort, a raconté Hamilton, hier matin, en entrevue à La Presse. J'ai vraiment dû être placé le dos au mur, sans possibilité de m'en sortir, avant de vider mon sac. Et si je dois reconnaître aujourd'hui que c'était la meilleure chose à faire, ce n'était vraiment pas évident à l'époque...»

Ce sont les enquêteurs américains d'une commission fédérale d'enquête, munis d'une citation à comparaître, qui l'ont amené à dire la vérité en 2010, quelques mois avant qu'il en parle publiquement à l'émission 60 Minutes, en mai 2011. La sortie de son livre The Secret Race en 2012 lui a permis de raconter en détail tout ce qu'il savait du dopage dans le cyclisme professionnel.

«C'était ma façon de régler ce chapitre de ma vie», explique Hamilton, à propos de ce livre dont on vient de publier la version française, La course secrète. «Dire la vérité, toute la vérité, m'a permis de me libérer d'un poids terrible. C'est très lourd de vivre continuellement dans le mensonge et je suis vraiment heureux d'avoir pu m'en libérer. Je peux maintenant passer à autre chose.»

Armstrong, et les autres

Hamilton n'est évidemment pas resté insensible aux «aveux» d'Armstrong, l'hiver dernier, à la télévision. «Lance n'a encore dit qu'une partie de la vérité, explique-t-il. Mais c'est un début et j'espère qu'il va aller plus loin, qu'il va dire un jour tout ce qu'il sait.

«Et il n'est pas le seul, bien au contraire. Bien des gens qui étaient actifs à mon époque sont encore impliqués dans le cyclisme professionnel. Eux aussi ont des choses à raconter, des vérités à révéler. Et ils devront le faire si on veut vraiment que cette culture du secret disparaisse du sport.»

Le coureur originaire du Massachusetts raconte avoir gagné sa dernière course «propre» en 1996. «À partir de 1997, j'ai réalisé que ce n'était plus possible de rivaliser avec les meilleurs sans me doper. Et c'est à ce moment qu'on m'a proposé de le faire. Je savais que c'était de la tricherie, que ce n'était pas éthique, mais en même temps, j'étais fier qu'on m'invite dans ce cercle, qu'on m'estime assez bon pour en faire partie.»

Hamilton espère que les jeunes coureurs ne sont plus confrontés aux mêmes dilemmes. «J'ai l'impression que les choses sont plus propres aujourd'hui. Les courses sont un peu plus lentes, les chronos moins rapides... Cela dit, je ne suis plus dans les pelotons et je ne sais pas vraiment ce qui s'y passe.

«Et on ne peut être sûr de rien tant que toute la vérité n'aura pas été dite. Je le répète, beaucoup de gens qui trichaient à mon époque se cachent encore dans le peloton et dans l'entourage des équipes.»

Une obligation morale

À 42 ans, Hamilton a tourné la page sur sa carrière de coureur cycliste. «Je ne suis plus bienvenu dans ce milieu et c'est bien ainsi, estime-t-il. Je n'ai pas mérité autre chose! Le cyclisme m'a toutefois beaucoup apporté et j'ai formé une entreprise qui se spécialise dans l'entraînement des amateurs.

«Je travaille ainsi avec des gens de tous les âges et de tous les niveaux, qui veulent participer à des randonnées, des petites courses ou des choses plus sérieuses. Ce sport reste merveilleux pour moi et je suis heureux de pouvoir le pratiquer encore aujourd'hui. Je suis en bonne santé pour l'instant et j'espère le demeurer longtemps, malgré tout ce que j'ai imposé à mon corps pendant ma carrière.

«Et j'espère que le milieu professionnel pourra redevenir complètement propre un jour. Nous avons tous - moi, Lance et tous les autres - une responsabilité envers ce sport qui nous a beaucoup donné. Si nous pouvons faire quelque chose, nous devrons le faire.»