L'interdiction des oreillettes dans la plupart des courses brouille les lignes, surtout de la part des patrons d'équipes décidés à braver l'autorité de l'Union cycliste internationale (UCI) en ce début de saison.

Une lettre ouverte de l'association des équipes (AIGCP), publiée lundi, promet un prochain conflit, dès lors que l'UCI n'entend rien céder. Entre les coureurs, les responsables d'équipes, eux-même divisés, les médias (télévisions surtout) et les dirigeants du cyclisme, la communication apparaît problématique.

La pomme de discorde:

Afin de «promouvoir l'initiative» dans les courses, l'UCI a décidé d'interdire le port des oreillettes dans les première et hors catégorie dès 2011, dans la totalité des épreuves (Tour de France inclus) en 2012. Ce système permet une liaison permanente entre les coureurs et leurs directeurs sportifs qui peuvent ainsi délivrer leurs consignes en temps réel depuis leurs voitures suiveuses.

Cette mesure d'interdiction, déjà en vigueur dans les autres catégories, a été votée par le comité directeur de l'UCI en septembre 2009. Elle a été expérimentée l'an passé à l'échelon inférieur et dans quelques courses du plus haut niveau, notamment le Championnat du monde de Geelong (Australie). Mais la plupart des patrons d'équipes ne veulent pas en entendre parler, dans le droit fil du conflit qui a émaillé le Tour de France 2009.

Cette année-là, la quasi-totalité des formations avait mené un bras de fer avec les organisateurs pour donner à l'étape du 14 juillet vers Issoudun (courue sans oreillettes) le scénario le plus insipide possible. Du coup, l'UCI était revenue sur sa décision de faire courir une autre étape (Colmar) selon la même formule.

Les arguments:

Les partisans du statu quo, à savoir la liberté en vigueur depuis que le système s'est généralisé au milieu des années 1990, insistent sur l'aspect sécuritaire, la possibilité d'avertir les coureurs des dangers de la route. Les oreillettes participent aussi pour eux à la modernisation du cyclisme, avec le «coaching» rendu possible.

«Un progrès technique, un outil de travail essentiel», résume Vincent Lavenu (AG2R-La Mondiale). «Un directeur sportif doit aussi pouvoir peser sur le déroulement et la tactique de course».

A l'opposé, les partisans de l'interdiction soulignent le côté stéréotypé des courses, le désintérêt qu'elles provoquent. Ainsi que l'absence d'initiative qu'elles suscitent de la part de coureurs assistés en permanence par leurs directeurs sportifs.

«Les oreillettes défavorisent les coureurs intelligents», souligne Marc Madiot (FDJ), l'un des rares patrons d'équipes anti-oreillettes. «Sans oreillettes, les courses sont plus attrayantes, ça amène à faire des erreurs qui peuvent être mises à profit par d'autres», confirme l'un de ses coureurs, William Bonnet.

Les positions:

Si la quasi-totalité des directeurs sportifs espère continuer à utiliser le système actuel, les coureurs sont plus divisés. Toutefois, une récente consultation effectuée par leur association internationale (CPA) aboutit à une nette majorité en faveur de cette aide technologique (207 avis favorables sur 344 membres consultés).

C'est au nom de l'intérêt des courses, de l'incertitude souhaitée par le public, que France Télévisions, en revanche, a pris résolument position pour la suppression des oreillettes. Tout comme les organisateurs du Tour de France, un acteur essentiel dans la partie de billard à plusieurs bandes qui s'annonce. Le directeur du Tour, Christian Prudhomme, est un fervent partisan de leur interdiction.

Les oreillettes seront-elles débranchées pour le début de saison ? Réponse sur les premières courses, dans quelques jours.