Comparé par ses admirateurs aux plus grands spécialistes de Paris-Roubaix, Fabian Cancellara a tant impressionné dimanche que son numéro a surtout provoqué la résignation, plutôt que l'enthousiasme.

La domination de Cancellara est-elle trop écrasante ?

A son arrivée dans le vélodrome, le Suisse a été applaudi bien sûr. Mais sans que la vague emporte le public qui s'était montré beaucoup plus sensible les années passées aux performances de Tom Boonen. Comme si la domination du Suisse recélait une inquiétante part de fatalité.

Tous ses adversaires, hormis Boonen, ont insisté sur la supériorité de «Spartacus», dont la période actuelle rappelle ses autres sommets personnels (Milan-Sanremo et JO de Pékin 2008, Mondiaux 2009 de Mendrisio). «On a vite compris que c'était joué quand il a attaqué, il était trop fort», a estimé le Norvégien Thor Hushovd, deuxième à Roubaix.

L'Espagnol Juan Antonio Flecha (3e), qui est allé féliciter le vainqueur sur la pelouse du vélodrome, a utilisé la même phrase: «Il était trop fort.» Comme dans le Tour des Flandres sept jours plus tôt, quand il avait écoeuré quelques-uns de ses adversaires en grimpant assis, avec une incroyable aisance, le mur de Grammont après près de 250 kilomètres de course, pour distancer Boonen grimaçant sur la pente. Décourageant.

Jusqu'où peut aller le Bernois ?

Il y a quelques années, «Spartacus» a évoqué son rêve d'une victoire... dans le Tour de France. A l'âge de 29 ans, il est revenu à des objectifs plus classiques, pour un coureur de son gabarit, qui affiche déjà un palmarès fourni dans les grandes courses d'un jour.

Attaché à laisser une place dans l'histoire de son sport, le Suisse évoque une tentative contre le record de l'heure à un horizon à fixer, le titre mondial qui lui a échappé l'an dernier devant son public et, évidemment, les «monuments». Il a déjà gagné Milan-Sanremo, le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Restent Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie, les deux classiques les plus sélectives par leur relief.

Si elles s'annoncent plus compliquées à enlever pour le triple champion du monde du contre-la-montre, la tâche n'est pas hors de portée en théorie. Cancellara passe mieux les bosses, il est capable de tourner vite les jambes comme l'a montré la fluidité de son coup de pédale à l'approche de Roubaix, il s'accommode aussi -malgré son poids de 78 kg- des pentes sévères si l'on se souvient de son accélération prolongée dans la très difficile ascension de la Croix-de-Fer, un col hors catégorie, lors du Tour de France 2008.

Pour l'heure, son programme prévoit une participation à l'Amstel Gold Race dimanche prochain aux Pays-Bas. Interrogé sur ses chances dans la classique néerlandaise, dont l'arrivée est jugée au sommet du Cauberg, Cancellara a botté en touche: «Je ne veux pas y penser maintenant, sinon je serais fou !» Après ses coups de force à répétition depuis quinze jours (GPE3, Flandres, Roubaix), ses adversaires aimeraient en être sûrs.