Le directeur général de Sport’Aide, Sylvain Croteau, est un homme à tout faire. En plus de veiller au bon fonctionnement de l’organisme visant à favoriser un environnement sain et sûr pour les jeunes sportifs québécois, il doit parfois intervenir directement sur le terrain.

Aux finales des Jeux du Québec de Laval l’été dernier, il s’est fait demander s’il ne pourrait pas calmer les parents avant des matchs de basketball où l’on craignait des débordements.

À son arrivée au centre sportif, des voitures de police étaient déjà sur place à 8 h du matin. Durant le trajet, le DG a improvisé une intervention sans savoir si elle fonctionnerait. À quelques minutes du début de la rencontre, il a réuni sur une ligne les deux équipes, les entraîneurs et les arbitres. Aux spectateurs, il a indiqué que les joueurs joueraient, que les entraîneurs dirigeraient et que les arbitres appliqueraient les règlements.

Les spectateurs, eux, étaient invités à encourager, point. Le match s’est déroulé sans pratiquement un bruit. Croteau a répété le manège jusqu’aux finales.

« Quand je l’ai refait le lendemain, ce que je voyais dans le visage de plusieurs garçons et filles, c’était de la reconnaissance. J’ai réalisé qu’eux, les parents crinqués, c’est leurs parents. C’est gênant et humiliant. Je l’ai vraiment vu et senti dans leurs visages. »

Sylvain Croteau a raconté cette anecdote en marge de la conférence de presse où la cycliste Geneviève Jeanson a officiellement été accueillie comme porte-parole de Sport’Aide. À ses yeux, ce genre de débordement, comme celui survenu au début d’octobre à Dollard-des-Ormeaux, où des spectateurs en sont venus aux coups durant un match de soccer, reste une exception.

C’est une minorité. Elle est bruyante et déplaisante, mais c’est une minorité. Ce ne sont pas tous les parents qui sont comme ça.

Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

De la même façon, les abus et les mauvais traitements dans le sport, qui font la manchette depuis quelques années, ne sont pas la norme au Québec.

« Une chose est certaine, les gens sentent qu’ils peuvent en parler, que ce n’est pas tabou, même si ça le reste à certains endroits. Ça donne l’impression qu’il y en a plus [des situations problématiques]. Moi, je ne pense pas qu’il y en a plus. C’est juste qu’on n’en parlait pas. »

« La part des choses »

Sur le plan scientifique, impossible de tracer une évolution précise des cas de violence dans le sport. La recherche sur la question est rare ou inexistante. « Aujourd’hui, il y a des études qui commencent à se faire, a indiqué Sylvain Croteau. On va être capable d’en dire davantage dans 10 ans. »

L’abondance de couverture médiatique sur la violence en contexte sportif peut avoir un effet pervers. Celui de rebuter des parents à inscrire leurs enfants à des activités sportives.

« Des reportages diffusés dans les derniers mois étaient très sombres, déplore le DG de Sport’Aide. J’ai entendu des sportifs et des sportives dire : “Mon gars, ma fille, je ne veux pas qu’il ou elle fasse de sport.”

« Je trouve ça inquiétant parce que ce ne sont pas tous les sportifs qui ont des histoires tristes ! Quand on sait à quel point le sport peut être formateur et aider au développement des jeunes. Ç’aurait été bien qu’on fasse parfois la part des choses. »

Il est pareillement préoccupé par le portrait tronqué qui peut être brossé des entraîneurs. « Fouille dans les médias ces 10 dernières années et écris “scandale sportif”. Tu vas tomber sur des coachs qui ont agressé sexuellement des athlètes. On donne l’impression que les entraîneurs sont des loups dans une bergerie. Sauf que la violence en contexte sportif, elle ne vient pas nécessairement d’eux. Elle vient des sportifs eux-mêmes. Ça, les gens l’ignorent. »

Cette tendance s’observe sur la ligne d’écoute de Sport’Aide : « C’est le même phénomène. C’est d’abord de la violence psychologique et ça vient des athlètes eux-mêmes. Et dans de fortes proportions. C’est entre 60 et 70 %. »

C’est pourquoi Sylvain Croteau continue de veiller au grain.